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Procédure de presse
/ Cours et tribunaux
10/07/2023
Le devoir de surveillance de la procédure pour éviter la prescription est conforme aux principes du procès équitable
La Cour de cassation énonce que l'existence d'un court délai de prescription édicté par l'article 65 a pour objet de garantir la liberté d'expression et ne prive pas le demandeur à l'action en insertion forcée de tout recours effectif, dès lors qu'il a la faculté d'interrompre la prescription par tout acte régulier de procédure manifestant son intention de continuer l'action. Ces règles sont suffisamment claires et accessibles pour permettre aux parties d'agir en conséquence (1re espèce).
La Cour européenne des droits de l'homme rappelle que les exigences procédurales prévues par la loi du 29 juillet 1881 ont pour but de protéger la liberté d'expression. Le devoir de surveillance de la procédure incombant à la partie civile, s'il fait certes peser sur le requérant une responsabilité lourde de conséquences, n'en est pas moins établi par une jurisprudence claire, accessible et bien établie. En l'espèce, l'acquisition de la prescription en cours d'instance d'appel du fait d'un renvoi ordonné à une date trop lointaine n'a pas porté atteinte au « droit à un tribunal » consacré par l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (2e espèce).
La prescription trimestrielle édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 est un paradoxe. Elle est à la fois la plus connue des dispositions dérogatoires de procédure figurant dans la loi sur la presse, et celle qui fait encore trébucher le plus grand nombre de plaideurs, soit par distraction, soit par méconnaissance, mais rarement car ils se sont retrouvés techniquement démunis face à une disposition qu'ils connaissaient. Ces situations les conduisent alors parfois à ...
Cour de cassation, (1re ch. civ ), 29 mars 2023, Sté Emrys Cour européenne des droits de l'homme, 30 mars 2023, Diemert c/ France
Christophe Bigot
Avocat au Barreau de Paris
10 juillet 2023 - Légipresse N°415
3440 mots
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(1) Civ. 1re, 5 avr. 2012, no 11-25.290, Légipresse 2012. 284 et les obs. ; ibid. 371, comm. P. Guerder ; D. 2012. 1588, note C. Bigot ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer ; Constitutions 2012. 641, obs. D. de Bellescize ; Gaz. Pal. 5-9 août 2012, p. 10, note critique E. Dreyer.
(2) Crim. 12 avr. 2016, no 15-85.561 à 15-85.565 (5 esp.), inédits, Légipresse 2016. 261 et les obs. ; D. 2017. 181, obs. E. Dreyer. A fortiori, ce refus de transmission est aussi logiquement appliqué au niveau de la cour d’appel, v. par ex., Paris, pôle 2 - 7e ch., 28 mai 2014, no 13/18197.
(3) Civ. 1re, 13 juill. 2022, no 22-10.875, Légipresse 2022. 463 et les obs. ; ibid. 2023. 182, chron. N. Verly.
(4) Civ. 1re, 29 mars 2023, no 22-10.875, Légipresse 2023. 199 et les obs. ; D. 2023. 646 ; CEDH 30 mars 2023, no 71244/17, Diémert c/ France, Légipresse 2023. 203 et les obs..
(5) Solution classique en matière pénale car la prescription de l'action publique est « une exception péremptoire et d'ordre public », v. par ex., Crim. 6 mai 2003, no 02-84.348 P, D. 2003. 1667 ; RSC 2004. 125, obs. J. Francillon ; Crim. 14 oct. 2014, no 13-84.635, inédit, Légipresse 2014. 591 et les obs.. Mais c'est beaucoup plus original en matière civile, Civ. 2e, 24 juin 1998, no 95-18.131, D. 1999. 164, obs. C. Bigot ; Civ. 2e, 29 nov. 2001, no 99-18.559, D. 2002. 44 ; Civ. 1re, 10 sept. 2015, no 14-18.262, inédit, Légipresse 2015. 520 et les obs.. Et même devant le juge des référés, Civ. 2e, 24 avr. 2003, no 00-12.965 et 99-21.503. Ce qui, pour la juridiction civile, est une dérogation au régime édicté par l'art. 2247 c. civ.
(6) Crim. 2 oct. 2001, no 01-81.951, inédit, CCE 2002. Comm. no 66, obs. A. Lepage ; v. aussi, implicitement, Crim. 28 mars 2017, no 15-80.875.
(7) Le principe est posé à l'occasion d'une action en insertion forcée de droit de réponse mais a vocation à s'appliquer à toutes les infractions prévues par la loi du 29 juill. 1881.
(8) CEDH 29 avr. 2008, no 24562/03, Clinique Sainte Marie c/ France.
(9) CEDH 17 juin 2008, no 39141/04, Vally et al. c/ France.
(10) V. infra.
(11) Par ex., E. Derieux, La loi de 1881, RD publ. 1981. 1532 : ce délai serait « achevé à peine commencé » ; v. aussi, B. Beignier, L'honneur et le droit, LGDJ, 1995, rééd. 2014 ; E. Dreyer, Droit de la communication, 2e éd., LexisNexis, 2022, no 1505.
(12) CEDH, gr. ch., 5 avr. 2018, no 40160/12, Zubac c/ Croatie.
(13) CEDH 2 févr. 2023, no 74530/17, Rocchia c/ France, Dalloz actualité, 20 mars 2023, obs. A. Lefebvre. V. aussi, sur la même thématique, sanctionnant également la France pour le formalisme attaché à la requête en nullité, CEDH 26 juill. 2007, no 35787/03, Walchli c/ France, D. 2007. 2304, obs. M. Léna ; AJ pénal 2007. 490, obs. C. Porteron.
(14) CEDH 9 juin 2022, no 15567/20, Lucas c/ France, AJDA 2022. 1190 ; D. 2022. 2330, obs. T. Clay ; ibid. 2023. 571, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2022. 353, obs. F. Eudier ; Dalloz IP/IT 2022. 352, obs. E. Nalbant.
(18) CEDH 26 juill. 2007, préc., § 29, et surtout CEDH 2 févr. 2023, préc., très motivé en équité notamment au regard d'un disfonctionnement imputable au service public de la justice.