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06/04/2023
Mérite une sanction pénale l'individu qui se défend d'une accusation d'agression sexuelle en révélant publiquement l'identité de sa prétendue victime
La Cour de cassation, statuant sur un litige relatif à la publication de l'identité d'une victime d'agression sexuelle, énonce qu'il appartient au juge de trouver un juste équilibre, au regard de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entre la liberté d'expression et le droit au respect de la vie privée et de la dignité que cherche à protéger l'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881. Pour ce faire, le juge doit examiner si la diffusion de l'identité de la victime d'infraction sexuelle contribue à un débat d'intérêt général, tenant compte de l'éventuelle notoriété de la personne visée et de son comportement avant la diffusion, de l'objet de cette dernière, son contenu, sa forme et ses répercussions.
Un prédicateur est accusé de plusieurs agressions sexuelles. À l'intérêt des médias pour les accusations portées contre lui, il oppose une campagne de communication offensive, n'hésitant pas à évoquer l'identité de l'une de ses accusatrices sur un plateau de télévision, dans un communiqué de presse et dans un ouvrage. À la suite, l'intéressée porte plainte pour le délit de publication d'identité d'une victime d'agression sexuelle, prévu et réprimé par l'article ...
Cour de cassation, (ch. crim.), 7 février 2023, Tariq R.
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
6 avril 2023 - Légipresse N°412
3965 mots
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(1) Crim. 10 août 2022, no 22-81.057 P, Légipresse 2022. 464 et les obs. ; ibid. 544, étude E. Raschel ; D. 2022. 1470 ; AJ pénal 2022. 478, obs. J.-B. Thierry ; CCE 2022. Comm. 76, obs. A. Lepage.
(2) Si le prédicateur est en attente de procès pour une des accusations de viol portées contre lui, tel ne semble pas être le cas s'agissant des faits commis au détriment de l'accusatrice en cause ici.
(3) Ce qui est indiscutable, v. S. Detraz, La notion textuelle de « victime » en matière pénale, in Mélanges G. Guidicelli-Delage, Dalloz, 2017, p. 69.
(4) On ne saurait admettre, comme le suggérait le pourvoi, que le statut de victime ne peut être reconnu que par une décision devenue définitive de condamnation de l'auteur des faits. Cela priverait de tout intérêt l'incrimination de l'art. 39 quinquies. En effet, cela retarderait beaucoup trop le moment où la protection que le législateur veut accorder aux victimes d'infractions sexuelles (anonymat) entre en vigueur. La protection d'une victime, comme celle du présumé innocent, doit pouvoir s'appliquer dès lors et tant que les faits font « l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire » (C. civ., art. 9-1).
(5) V., parmi d'autres, E. Dreyer, Droit de la communication, 2e éd., LexisNexis, 2022, p. 45.
(6) L'incrimination ne suppose pas rapportée la preuve d'une atteinte à la dignité de la victime car elle constituerait en soi une telle atteinte ; v. C. Lazerges, La présomption d'innocence, in Droits et libertés fondamentaux, Dalloz, 2004, p. 489 : « peu importe ici que soit démontrée l'atteinte grave à la dignité, elle va de soi pour le législateur ». À ce titre, l'infraction aurait donc bien trouvé sa place dans un chapitre de la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 intitulé « Dispositions réprimant l'atteinte à la dignité d'une victime d'une infraction pénale » ; v. J.-Y. Dupeux, Les règles de la protection pénale de l'image des personnes, in coll. L'Image menacée ? Actes du forum Légipresse du 4 oct. 2001, éd. Victoires, 2001, p. 74.