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Diffamation
/ Cours et tribunaux
27/07/2022
Liberté d'expression, libération de la parole : la Cour de cassation dans le mouvement #MeToo
La Cour de cassation confirme la relaxe d'une jeune femme qui était poursuivie du chef de diffamation publique envers un particulier, après avoir accusé, dans un billet de blog, un ancien ministre de l'avoir agressée sexuellement lors d'une représentation à l'opéra. La cour d'appel a valablement retenu que, si les propos litigieux portaient atteinte à l'honneur ou à la considération de l'intéressé, ils s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général consécutif à la libération de la parole des femmes à la suite de l'affaire Weinstein. Le bénéfice de la bonne foi est ainsi reconnu à la prévenue (1re espèce).
La journaliste Sandra Muller, initiatrice du mouvement #BalanceTonPorc, est définitivement relaxée. La Cour de cassation rejette le pourvoi de l'ancien dirigeant d'Équidia, qui l'a poursuivie en diffamation pour l'avoir accusé de harcèlement sexuel. Les propos publiés contribuaient à un débat d'intérêt général sur la dénonciation de comportements à connotation sexuelle non consentis de certains hommes vis-à-vis des femmes. De plus, ils reposaient sur une base factuelle suffisante et demeuraient mesurés, de sorte que le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à la journaliste (2e espèce).
Avec l'affaire Depp versus Heard aux États-Unis – une affaire de diffamation –, certains ont voulu voir la fin du mouvement #MeToo(1). Dans deux arrêts particulièrement attendus rendus par sa première chambre civile le 11 mai dernier, la Cour de cassation a clairement pris son parti : le mouvement a de l'avenir. Elle les a rendus le même jour, signe clair d'une volonté de la Haute juridiction de s'inscrire symboliquement dans l'actualité du mouvement de libération de la parole ...
Cour de cassation, (1re ch. civ. ), 11 mai 2022, M. P. Joxe Cour de cassation, (1re ch. civ. ), 11 mai 2022, E. Brion
Renaud Le Gunehec
Avocat au Barreau de Paris - Normand et associés
Antoine Pastor
Avocat au Barreau de Paris
Normand & associés
27 juillet 2022 - Légipresse N°405
4450 mots
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(1) « Johnny Depp contre Amber Heard, “la mort de #MeToo” », Courrier international, 20 mai 2022.
(2) R. Le Gunehec, #Balancetonporc : diffamation, dénonciation, délation ? Retour sur une jurisprudence qui se cherche dans le monde d'après, Légipresse 2021. 330.
(3) Paris, pôle 2, 7e ch., 14 avr. 2021, no 20/02248, Légipresse 2021. 198 et les obs. ; ibid. 2022. 121, étude E. Tordjman, O. Lévy et J. Sennelier ; ibid. 253, obs. N. Mallet-Poujol.
(4) Civ. 1re, 28 sept. 2016, no 15-21.823, Juris-Data no 2016-019564 ; Légipresse 2016. 577 et les obs. ; ibid. 617, obs. F. Gras ; D. 2016. 2447, note Y. Pagnerre ; ibid. 2209, édito. N. Dissaux ; ibid. 2017. 181, obs. E. Dreyer ; Crim. 5 nov. 1963, no 62-90.771.
(5) Soc. 20 avr. 2022, no 20-10.852, sur le licenciement pour faute grave d'un animateur de télévision en raison d'une « blague » sexiste prononcée à l'antenne : pour rejeter le pourvoi de l'animateur et valider son licenciement, la Cour a tenu compte du contexte médiatique, en faisant directement référence aux mouvements #MeToo et #Balancetonporc ; L. Malfettes, Blague sexiste et faute grave : les limites de la liberté d'expression, Dalloz actualité, 10 mai 2022 ; Légipresse 2022. 218 et les obs. ; ibid. 363, note F. Gras ; D. 2022. 1191, note J.-P. Marguénaud et J. Mouly ; Dr. soc. 2022. 386, étude A.-M. Grivel ; ibid. 512, étude P. Adam.
(6) S. Lavric, Diffamation : de l'importance du contexte dans l'appréciation de la bonne foi, Dalloz actualité, 31 mai 2022.
(7) Paris, pôle 2, 7e ch., 31 mars 2021, no 19/19081, Légipresse 2021. 198 et les obs. ; ibid. 2022. 121, étude E. Tordjman, O. Lévy et J. Sennelier ; ibid. 194, étude N. Verly ; ibid. 253, obs. N. Mallet-Poujol ; D. 2022. 872, obs. RÉGINE ; TGI Paris, 17e ch. civ., 25 sept. 2019, no 18/00402, Légipresse 2019. 519 et les obs. ; ibid. 2020. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie.
(8) C. Bigot, La Cour de cassation tranche en faveur de la préservation de la libération de la parole des victimes d'agressions sexuelles, D. 2022. 1071.
(9) S. Grunvald, Les violences sexuelles sous le feu des données chiffrées, AJ pénal 2019. 344.
(10) CEDH 24 juin 2004, no 59320/00, Von Hannover c/ Allemagne, AJDA 2004. 1809, chron. J.-F. Flauss ; D. 2005. 340, note J.-L. Halpérin ; ibid. 2004. 2538, obs. J.-F. Renucci ; RTD civ. 2004. 802, obs. J.-P. Marguénaud.
(11) N. Goinard et P. Darvey, Violeurparis, le compte Instagram qui dénonce les auteurs présumés d'agressions sexuelles, visées par plusieurs plaintes, Le Parisien, 24 mars 2022 ; v. supra, p. 401, TJ Paris, 8 juill. 2022, n° 22-53972.