La Cour européenne des droits de l'homme juge que la condamnation pour apologie de crimes d'atteintes volontaires à la vie, par les juridictions pénales françaises, d'un homme ayant offert à son neveu un tee-shirt portant les inscriptions « Je suis une bombe ! » et « Jihad, né le 11 septembre », n'a pas violé l'article 10 de la Convention. Tenant compte du contexte général dans lequel s'inscrivait le message, la Cour conclut que les motifs retenus par les juridictions internes pour condamner le requérant, reposant sur la lutte contre l'apologie de la violence de masse, apparaissent pertinents et suffisants pour justifier l'ingérence litigieuse.
Le présent arrêt est rendu à quelques jours du 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, aujourd'hui perçus comme le triste symbole du basculement des sociétés occidentales dans un climat de menace terroriste permanente. Il est également rendu dans une affaire dont on n'aurait pas soupçonné qu'elle atteigne un jour les couloirs strasbourgeois. À ce titre, un auteur spécialiste du droit de la presse débutait son commentaire de l'arrêt rendu en l'espèce par la chambre ...
Cour européenne des droits de l'homme, 2 septembre 2021, Z.B. c/ France
Thomas Besse
Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, université de ...
25 octobre 2021 - Légipresse N°396
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(1) Crim. 17 mars 2015, no 13-87.358, Bull. crim. no 56 ; Légipresse 2015. 347, note F. Gras ; Légipresse 2015. 205 et les obs. ; Dalloz actualité, 13 avr. 2015 ; AJDA 2015. 1451 ; D. 2015. 954, note A. Serinet ; ibid. 1738, obs. J. Pradel ; ibid. 2016. 277, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2015. 431, obs. G. Royer ; AJCT 2015. 402, obs. S. Lavric.
(2) E. Dreyer, Tempête dans un bac à sable : le droit de la presse à l'école maternelle, JCP 2015. 559.
(3) Loi du 29 juill. 1881, art. 24, al. 5.
(4) T. corr. Avignon, 10 avr. 2013.
(5) Nîmes, ch. corr., 20 sept. 2013, no 13/00687.
(6) Crim. 17 mars 2015, no 13-87.358, préc.
(7) Loi no 2014-1353 du 13 nov. 2014, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, art. 5.
(8) J.-B. Thierry, Provocation aux crimes et délits, J.-Cl. Lois pénales spéciales, fasc. 60, 2017, nos 24 et s.
(9) Crim. 28 avr. 2009, no 08-82.136, Bull. crim. no 79.
(10) Crim. 24 oct. 1967, Bull. crim. no 263 ; Crim. 14 janv. 1971, no 70-90.558, Bull. crim. no 14 ; Crim. 16 nov. 1993, no 90-83.128, Bull. crim. no 341. À noter, toutefois, que toute glorification d'un criminel ne saurait être de facto constitutive d'une infraction pénale : v. CEDH 23 sept. 1998, Lehideux et Isorni c/ France, no 24662/94, D. 1999. 223, note P. Rolland ; RSC 1999. 151, obs. F. Massias ; ibid. 384, obs. R. Koering-Joulin.
(11) C. Bigot, Pratique du droit de la presse, 3e éd., Dalloz, 2020, p. 291, no 326.31.
(12) Ainsi de l'auteur d'un ouvrage prétendant démontrer que certains crimes nazis « ont été provoqués par l'attitude de ceux-là mêmes qui en ont été les victimes, ou de leurs compatriotes, et qu'ainsi ils n'ont constitué de la part de leurs auteurs, que de légitimes moyens de défense » (Crim. 11 févr. 1954, Bull. crim. no 71).
(13) Ainsi de l'humoriste déclarant, à propos d'un journaliste d'origine juive : « Quand je l'entends parler, je me dis les chambres à gaz… quand même… dommage », TGI Paris, 17e ch., 4 mars 2015, no 14/16567, Légipresse 2015. 139 et les obs. ; ibid. 143 et les obs.
(14) CEDH 2 oct. 2008, Leroy c/ France, no 36109/03, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; RSC 2009. 124, obs. J. Francillon.
(15) E. Dreyer, Responsabilités civile et pénale des médias, 2e éd., Litec, 2008, p. 163, no 328.
(16) V. déjà les critiques, d’E. Dreyer, JCP 2015. 559, préc. ; F. Gras, Apologie et provocation non suivies d'effet : des incriminations dangereuses, Légipresse 2015. 347 ; A. Lepage, L'apologie, une notion délicate à interpréter, CCE 2014. Comm. 38.
(17) « Je m'appelle Jihad » : comment ce prénom est devenu problématique, L'Express, 23 oct. 2017.
(18) Nîmes, 20 sept. 2013, no 13/00687, préc., spéc. p. 4.
(19) Ibid., p. 6.
(20) Un procédé comparable peut être observé dans la condamnation pour apologie du terrorisme du porteur d'une pancarte sur laquelle était lisible le message « Je suis humain – Je suis Charlie » au recto et « Je suis la vie – Je suis Kouachi », la chambre criminelle estimant que l'apologie est réalisée par la manifestation d'une « égale considération pour des victimes d'actes terroristes et l'un de leurs auteurs à qui il s'identifiait » (Crim. 25 avr. 2017, no 16-83.331, Bull. crim. no 121 ; Légipresse 2017. 359 et les obs. ; ibid. 392, Étude E. Dreyer ; D. 2017. 984 ; AJ pénal 2017. 349, obs. Y. Mayaud).
(21) En ce sens, v. T. Besse, La pénalisation de l'expression publique, IFJD, 2019, nos 218 et s.
(22) Sur cette évolution, v. T. Besse, Apologie d'actes terroristes : quelle publicité ?, Légipresse 2018. 556.
(23) Crim. 11 juill. 2017, no 16-86.965, Bull. crim. no 212 ; Légipresse 2017. 416 et les obs. ; Crim. 19 juin 2018, n° 17-87.087, AJ pénal 2018. 419, obs. J.-P. Vicentini.
(24) Crim. 4 juin 2019, no 18-85.042, Bull. crim. no 102 ; Crim., 4 juin 2019, n° 18-85.042, Légipresse 2019. 331 et les obs. ; ibid. 483, obs. E. Dreyer ; D. 2019. 1229 ; ibid. 2320, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2019. 448, obs. M. Bendavid.