Saisie de la conformité à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, de la condamnation pénale d'un journaliste pour recel de violation du secret professionnel, à la suite de la publication d'un portrait-robot établi par les services de police dans le cadre d'une enquête en cours, la Cour européenne considère qu'il n'existe aucune raison sérieuse de remettre en cause l'appréciation retenue par les juridictions internes qui ont estimé, d'une part, que l'intérêt d'informer le public ne justifiait pas l'utilisation de la pièce de la procédure litigieuse et, d'autre part, que cette publication avait exercé une influence négative sur la conduite de la procédure pénale.
À la fin de l'année 2011, plusieurs viols ont été commis à Paris et en région parisienne selon un même mode opératoire. Un portrait-robot du suspect fut établi par les services de l'identité judiciaire, sur la base du témoignage de l'une des victimes. La presse s'empara du sujet. Un journaliste du Parisien publia un premier article consacré à cette question puis téléphona au commissaire chargé de différentes investigations. Celui-ci s'offusqua et rappela à ses services qu'ils ...
Cour européenne des droits de l'homme, 17 décembre 2020, Sellami c/ France
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
9 février 2021 - Légipresse N°389
4154 mots
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(1) Crim. 9 juin 2015, no 14-80.713, Bull. crim. n° 142 ; Légipresse 2015. 396 et les obs. ; D. 2015. 1322 ; AJ pénal 2016. 85, et les obs. ;JCP 2015. 950, note F. Fourment ; ibid. 2015. 1191, no 17, obs. B. Beignier ; Dr. pén. 2015. Comm. 122, obs. P. Conte ; CCE 2015. Comm. 70, obs. A. Lepage ; Gaz. Pal. 9-11 août 2015, p. 28, obs. S. Detraz.
(2) CEDH 17 déc. 2020, Sellami c/ France, no 61470/15.
(3) V. déjà, CEDH 7 juin 2007, Dupuis et a. c/ France, no 1914/02, § 46, AJDA 2007. 1918, chron. J.-F. Flauss ; D. 2007. 2506, note J.-P. Marguénaud ; RSC 2007. 563, note J. Francillon ; CEDH 28 juin 2012, Ressiot et a. c/ France, no 15054/07, § 102, Légipresse 2012. 417 et les obs. ; AJDA 2012. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2012. 2282, et les obs., note E. Dreyer ; JS 2012, n° 123, p. 10, obs. G.D. ; Constitutions 2012. 645, obs. D. de Bellescize ; RSC 2012. 603, obs. J. Francillon.
(4) Le problème avait clairement été posé ainsi dans la presse juridique, B. Ader, Recel, publications interdites et intérêt général, Légicom no 58, 2017, p. 39.
(5) « On pourrait se demander du reste, si les rédacteurs du Code napoléon ont réellement songé, en écrivant l'art. 1382, à faire disparaître le trésor de solutions équitables auquel l'ancien Droit était parvenu par l'étude des délits spéciaux, et notamment du délit d'injures. Ce serait aussi une question de savoir si les lois sur la liberté de la presse n'avaient pas entendu instituer, pour toutes les manifestations de la pensée, un système juridique clos, se suffisant à lui-même, arbitrant une fois pour toutes les intérêts en présence, y compris les intérêts civils et enlevant du même coup à l'article 1382 une portion de sa compétence diffuse » (Le silence et la gloire, D. 1951. Chron. 119).
(6) V., E. Dreyer, Droit de la communication, LexisNexis, 2018, nos 1910 et s.
(7) V. par ex., s'agissant du secret de la défense nationale, C. pén., art. 413-9 et s.
(8) Le Conseil constitutionnel a condamné cette extension s'agissant du recel d'apologie du terrorisme (V., Cons. const. 19 juin 2020, n° 2020-845 QPC, M. Théo S., § 26, D. 2020. 1360, et les obs. ; Légipresse 2020. 466 et les obs.).
(9) CEDH, gr. ch., 29 mars 2016, no 56925/08, Légipresse 2016. 206 et les obs. ; RSC 2016. 592, obs. J.-P. Marguénaud.