Les règles gouvernant l’attribution des noms de domaine sur internet respectent tant les principes de liberté de communication et de liberté d’entreprendre que les droits de propriété intellectuelle. Elles n’ont ni pour objet ni pour effet de restreindre le droit du titulaire de marque d’interdire l’usage sans son consentement, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à la marque, si cet usage porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des services, en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public, sauf les effets de l’intérêt légitime et de la bonne foi quant au renouvellement de l’enregistrement de noms de domaine.
Le développement d’une économie qualifiée de territoriale place les signes distinctifs géographiques au cœur d’une problématique d’appropriation. À l’intérêt général qui commande de préserver la disponibilité de ces signes dans leur fonction de localisation et à l’intérêt privé qui autorise un particulier ou une entreprise à bénéficier d’un droit d’exploitation sur un nom géographique déterminé, vient depuis plusieurs années se superposer l’intérêt ...
Cour de cassation, (ch. com.), 5 juin 2019, Dataxy c/ Département de Saône-et-Loire
Julien CANLORBE
Docteur en droit Avocat au Barreau de Paris
3 octobre 2019 - Légipresse N°374
3179 mots
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(1) Encore récemment, un parlementaire interpellait Mme la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les actions prises par le gouvernement en faveur de la protection de l'identité des territoires (Question AN no 18788, JO 16 avr. 2019). Dans sa réponse, Mme la ministre soulignait l'ensemble des dispositions prises, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014 (dite loi « Hamon ») pour renforcer la protection du nom des collectivités territoriales (Rép. min. no 18788, JO 4 juin 2019).
(2) PIBD 2019, no 1120, III, p. 354 ; JCP E 2019, no 25, act. 415.
(3) Le Système de Résolution des Litiges (SYRELI) est une procédure alternative de règlement des litiges mise en place par l'AFNIC et approuvée par arrêté du ministre chargé des télécommunications du 21 octobre 2011. Cette procédure s'applique aux noms de domaine comportant les extensions gérées par l'AFNIC (.fr,.re,.wf,.tf,.pm et.yt). Elle peut être comparée à la procédure UDRP (Uniform Domain Resolution Policy) traitée devant le Centre de Médiation et d'Arbitrage de l'OMPI pour les noms de domaine en.com.
(4) Versailles, 12e ch., 14 mars 2017, PIBD 2017, no 1072, III, p. 370. Sur cet arrêt, v. N. Dreyfus, Confirmation de l'indépendance des juges par rapport aux décisions extra judiciaires et protection des noms des collectivités territoriales, CCE 2017/6. Étude 11. Le TGI de Nanterre avait été saisi après une décision sur incompétence du TGI de Paris, v. TGI Nanterre, 1re ch., 22 oct. 2015, n° 13/04361.
(5) J.-Cl. commercial, v° Attribution et contentieux des noms de domaine, par E. Tardieu-Guigues, fasc. n° 805.
(6) Cons. const. 6 oct. 2010, n° 2010-45 QPC, D. 2010. 2285, obs. C. Manara ; ibid. 2011. 2298, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; ibid. 2363, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; RFDA 2010. 1257, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud ; CCE 2010/12. Comm. 121, obs. C. Caron ; Gaz. Pal. 17-18 déc. 2010, p. 35, obs. F. Gilbert ; F. Sardain, Séisme pour le régime juridique des noms de domaine français, CCE 2011/1. Étude 2. Le Conseil constitutionnel y reprochait au législateur d'avoir entièrement délégué au pouvoir réglementaire le pouvoir d'encadrer les conditions dans lesquelles les noms de domaine sont attribués, renouvelés, refusés ou retirés.
(7) Disposition à rapprocher de l'art. L. 711-4, h), du CPI, qui prohibe l'adoption à titre de marque portant atteinte « au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale ». S'agissant du nom des collectivités territoriales, la protection accordée antérieurement à l'adoption de l'ordonnance de 2014 en vertu d'un décr. no 2007-162 du 6 févr. 2007 reposait sur un régime plus rigoureux qui réservait purement et simplement à ces dernières la faculté d'enregistrer leur dénomination en tant que nom de domaine de premier niveau du territoire national (.fr).
(8) Plus spécifiquement l'art. L. 713-3, b) qui dispose que « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : (…) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ».
(9) Méthode reposant sur une comparaison globale des signes et des produits et services respectivement désignés par la marque antérieure et le nom de domaine.
(10) Le risque de confusion entre les noms de domaine litigieux et la marque semi-figurative du département avait été reconnu au motif que la dénomination « Saône et Loire » occupait dans cette dernière une position distinctive autonome permettant de différencier la collectivité bourguignonne des autres départements. En outre, les services offerts par Dataxy avaient étant similaires aux services couverts par la marque (notamment de publicité, de publicité en ligne, de télécommunications), la cour d'appel avait considéré qu'un risque de confusion était susceptible de naître dans l'esprit du consommateur, porté à croire « à une origine commune des services offerts sous les deux dénominations en forme de déclinaison de la marque dont le département Saône-et-Loire est titulaire ».
(11) Le point relatif à la condition de bonne foi était développé par le deuxième moyen du pourvoi que la Cour de cassation juge inutile d'examiner.
(12) V., ainsi l'instauration d'un droit d'opposition à l'enregistrement d'une marque et d'un droit des collectivités territoriales à être alertées du dépôt d'une marque comprenant leur nom depuis l'entrée en vigueur de la loi no 2014-344 du 17 mars 2014, CPI, art. L. 712-2-1 et L. 712-4-3.
(15) Versailles, 13 sept. 2007, Propr. industr. 2007/12. Comm. 95, obs. P. Tréfigny ; TGI Nanterre, 30 janv. 2007, Propr. industr. 2007/5. Comm. 46, obs. J. Larrieu ; F. Glaize et A. Nappey, Autour de l'affaire Levallois.tv : protection des noms de collectivités territoriales sur l'Internet et interférences entre sites personnels et officiels, RLDI 2007/28, no 907.