Les infractions de presse sont traditionnellement l’objet de mesures spécifiques, notamment en ce qui concerne l’instruction préparatoire. Ces particularités sont encore accentuées par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. Le nouvel article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 réforme ainsi la procédure de mise en examen pour les délits de diffamation et injure, qui comprend désormais, avant la mise en examen proprement dite, l’envoi d’une « lettre d’intention ». Le règlement de l’information a, lui aussi, été revu, non sans laisser place à de nombreuses interrogations quant à l’articulation des règles générales et spéciales. En définitive, si les vertus simplificatrices de la loi concernant la phase de mise en examen ne peuvent qu’être soulignées, de sérieux doutes relatifs à la complexité de la nouvelle clôture de l’information en matière de diffamation et injure doivent concomitamment être émis.
Les infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sont une matière dans laquelle l'instruction pénale revêt une physionomie bien particulière(1), que vient d'accentuer encore la loi du 23 mars 2019, à la demande unanime de tous les professionnels concernés, qu'ils soient avocats, juges d'instruction ou parquetiers.
Ces spécificités de l'instruction se traduisaient déjà par plusieurs limitations aux pouvoirs des magistrats instructeurs. Tout d'abord, pour toutes les infractions ...
Christophe Bigot
Avocat au Barreau de Paris
1er juillet 2019 - Légipresse N°372
4814 mots
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(1) * Cet article fait l’objet d’une coparution dans la revue AJ pénal 2019. 318. Pour approfondir, v. J.-P. Valat, De quelques particularités de l'instruction des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881, Légipresse 2007. II. 49 ; C. Bigot, Pratique du droit de la presse, Légipresse, 2e éd., 2017, p. 353 et s.
(2) Crim. 22 juin 1982, Bull. crim. no 169 ; Crim. 16 févr. 1988, Bull. crim. no 78.
(3) Crim. 14 juin 1994, no 94-81.035, Bull. crim. no 233. La règle s'applique aussi bien au juge d'instruction qu'à la chambre de l'instruction : Crim. 3 déc. 2013, no 12-84.501 ; Crim. 20 juin 2017, no 16-87.063, D. 2018. 208, obs. E. Dreyer ; AJ pénal 2017. 505, obs. N. Verly ; AJCT 2017. 576, obs. J. Lasserre Capdeville.
(4) Crim. 7 mai 2018, no 17-83.857.
(5) Lorsqu'il apparaît au vu de l'information que les conditions de la publicité ne se trouvent pas réunies, le juge peut ordonner le renvoi devant le tribunal de police (C. pr. pén., art. 178 ;. Crim. 2 oct. 1985, Bull. crim. no 293 ; Crim. 14 janv. 1992, no 91-80.185, Bull. crim. no 14). En pareil cas, le tribunal de police pourra néanmoins se déclarer par la suite incompétent s'il considère pour sa part que la condition de publicité est remplie (Crim. 11 déc. 2018, no 18-80.717).
(6) Crim. 18 juin 1985, Bull. crim. no 234.
(7) Crim. 4 nov. 1986, Bull. crim. no 323 ; Crim. 24 oct. 1989, Bull. crim. no 379 ; Crim. 26 mai 1992, no 91-84.187, Bull. crim. no 212 , D. 1994. 191, obs. T. Massis ; Crim. 2 nov. 2016, no 16-82.328, D. 2017. 181, obs. E. Dreyer.
(8) Crim. 28 févr. 2012, no 08-83.926, Enderlin c/ Karsenty, D. 2012. 741, obs. S. Lavric ; CCE 2012, no 53, p. 37, note A. Lepage ; Crim. 11 avr. 2012, no 11-86.331, AJDA 2012. 1701 ; D. 2013. 457, obs. E. Dreyer. Crim. 19 juin 2012, no 11-86.611, D. 2013. 457, obs. E. Dreyer. Il en résulte que si pour une raison ou une autre, des éléments de preuve figurent au dossier de l'instruction, la juridiction de jugement n'a pas à les analyser, car c'est au prévenu d'établir la preuve de sa bonne foi (Crim. 10 avr. 2018, no 17-81.467, D. 2019. 216, obs. E. Dreyer).
(9) Sur QPC, Crim. 11 juill. 2018, no 18-90.017, AJ pénal 2018. 477, obs. J.-B. Thierry. Dans le même sens, à quelques variantes près, Crim. 19 févr. 2019, no 18-83.124.
(10) En effet, il est indiqué que « le juge procède conformément aux dispositions du présent article ». Il ne s'agit donc pas d'une faculté mais d'une procédure obligatoire et les art. 80-1 et 116 c. pr. pén. sont écartés.
(11) V., pour l'énoncé expresse du principe Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus dans une décision de justice, Soc. 22 oct. 1996, no 94-43.319.
(12) Loi du 23 mars 2019, art. 109 XIII.
(13) Toutes ces étapes sont-elles interruptives de prescription ? La jurisprudence aura à le dire. S'il s'agit d'actes du juge d'instruction, de nature juridictionnelle, ils sont par nature interruptifs (sur ce principe, Crim. 26 juin 1998, Bull. crim. no 203 ; Crim. 15 nov. 2000, no 00-82.973 ; Crim. 10 févr. 2004, no 03-87.283, Bull. crim. no 36). Mais la question peut se poser pour la lettre du juge notifiant l'intention de mettre en examen. C'est une étape préliminaire obligatoire mais est-ce un acte au sens propre ?
(14) Solution archi-constante depuis Crim. 2 mai 1990, no 89-83.986, Bull. crim. no 165 ; et surtout, Crim. 12 janv. 1993, no 91-81.748, Bull. crim. no 14 ; D. 1994. 190, obs. J.-Y. Dupeux. V., par ex., Crim. 18 avr. 2000, no 99-80.629. En revanche, pour les citations délivrées à l'issue d'une instruction, le prévenu peut être cité au domicile désigné par lui lors de l'instruction, peu importe qu'il s'agisse du siège du journal.
(15) Crim. 29 sept. 1992, no 92-80.861, Bull. crim. no 291 ; Crim. 21 janv. 1997, no 94-84.919, Bull. crim. no 20 ; Crim. 11 déc. 2001, no 00-83.838, Légipresse 2002, no 191, III, 91 ; Civ. 2e, 24 janv. 2002, Légipresse 2002, no 191, III, 90.
(16) Celui-ci aura alors accès au dossier d'instruction comme s'il avait été désigné par une personne convoquée pour un interrogatoire de première comparution.
(17) Délai qui part du retour de l'avis de réception au cabinet du magistrat instructeur.
(18) Le législateur n'a pas prévu l'hypothèse selon laquelle le juge d'instruction voudrait donner à la personne le statut de témoin assisté, est-ce à dire qu'il n'existe pas en ces matières ? La question est posée.
(19) V. la description de la procédure par C. Guéry et P. Chambon, Droit et pratique de l'instruction préparatoire, Dalloz Action 2018/2019, nos 313-23 et s.
(20) Sur la réforme de l'art. 175, v. aussi C. Guéry, supra, p. 313.
(21) Durée qui a pu être jugée excessive par certains magistrats instructeurs (v. C. Guéry et P. Chambon, op. cit., no 612-42) ; v., sur cette loi en général, C. Guéry, La loi du 5 mars 2007 et l'instruction préparatoire, AJ pénal 2007. 105.
(22) Ce souci de rapidité est semble-t-il l'un des fils rouges de la réforme. V., sur ce point, l'excellente synthèse de J. Pradel, Notre procédure pénale à la recherche d'une efficacité à toute vapeur – Loi no 2019-222 du 23 mars 2019, JCP 2019. Doctr. 406.
(23) Cons. const. 21 mars 2019, no 2019-778 DC, AJDA 2019. 663 ; D. 2019. 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2019. 172, obs. V. Avena-Robardet. Le Conseil prend bien soin de préciser, § 395, qu'il ne s'est prononcé sur aucune autre disposition que celles visées dans les recours dont il a été saisi.
(24) Principe applicable depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 janv. 1993 (Crim. 8 janv. 1997, no 96-83.010, Bull. crim. no 6 ; Crim. 9 juin 1998, no 96-84.894 ; Crim. 18 avr. 2000, no 99-83.758 ; Crim. 18 sept. 2001, no 01-80.726).
(25) Crim. 11 janv. 2000, no 98-86.269 ; Crim. 3 avr. 2019, no 18-84.468.
(26) Crim. 25 oct. 2011, no 11-80.017, D. 2012. 765, obs. E. Dreyer ; ibid. 2118, obs. J. Pradel ; Crim. 8 avr. 2014, no 13-81.808, D. 2015. 342, obs. E. Dreyer ; Crim. 23 janv. 2018, no 17-82.660 ; Crim. 3 avr. 2019, no 18-84.468.
(27) Selon un nouvel article 179-2 du c. pr. pén. introduit par la loi du 23 mars 2019, les ordonnances de renvoi pourront désormais indiquer les dates de comparution devant le tribunal et dispenser le parquet de citation. Voilà qui risque d'être compliqué à concilier avec les droits de la défense qui résultent des articles 35 et 55 de la loi de 1881…