Le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes a été enregistré à l'Assemblée nationale le 12 juin 2013. L'objectif est de réécrire la loi du 4 janvier 2010 qui avait instauré le principe d'une telle protection, mais dont l'application, dans l'affaire des fadettes notamment, a révélé qu'elle était insuffisamment protectrice. Le projet de loi étend le domaine d'application de la protection du secret des sources des journalistes et vient renforcer le régime de protection, par la mise en place d'un contrôle a priori des atteintes pouvant être portées au secret des sources, la pénalisation du contrôle a posteriori et la garantie pour le journaliste d'une immunité en cas de recel de violation de secret professionnel. Le texte doit maintenant être discuté en séance publique par les parlementaires, avant que les juges ne se penchent sur l'interprétation à donner aux exceptions formulées, et puissent ainsi prévenir toute dérive.
La quête d'une protection efficace des sources d'information du journaliste en France constituerait-elle un exercice de style pour le législateur ? Un moyen de parfaire sa technique en faisant siens les conseils de Boileau ? Le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes, déposé par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, à l'Assemblée nationale le 12 juin dernier incite à le penser (1) La nécessité de garantir le secret des sources journalistiques ...
Catherine FRUTEAU
Maître de conférences à l'Université de la Réunion
1er septembre 2013 - Légipresse N°308
5830 mots
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(2) Projet de loi n° 1127 renforçant la protection du secret des sources desjournalistes du 12 juin 2013.
(3) Cedh, 27 mars 1996, W. Goodwin c/ Royaume-Uni, Rec. n° 7, p. 483 ; LP 1996,n° 132. III. 70, note Derieux ; Rtdh 1996, p. 444, obs. de Fontbressin (reproduit àGaz. Pal. 11-12 juillet 1997, p. 26) et p. 452, obs. P. Thoussain ; Rtd Civ. 1996, n° 4,p. 1026, obs. J.-P. Marguenaud ; D. 1997, somm. p. 211, comm. N. Fricero ; LP 1997,n° 140. II. 33, note P. Auvret ; Les Petites Affiches 30 juillet 1997, p. 23, note P. Auvret.
(4) La loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sourcesne comporte que sept articles. Sur cette loi, voir L. n° 2010-1 du 4 janvier2010 relative à la protection du secret des sources journalistiques, JO 5 janvier2010, p. 1 ; « Secret des sources journalistiques », LP 2010, n° 268-IV-2 ; « Sourcesjournalistiques : un secret bien gardé », N. Fricero, Gaz. Pal. 2010, n° 20-21, p. 15 ;J. Buisson, « Protection du secret des sources journalistiques », Procédures 2010,n° 2, p. 27 ; A. Guedj, « Sentiments mitigés autour de la loi du 4 janvier 2010relative à la protection du secret des sources des journalistes », LP 2010, n° 269-II-19 ; A. Chavagnon, « La protection des sources journalistiques : la décevanteloi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 », D. 2010, p. 275 ; J.-P. Rigambert, « Le secret dessources des journalistes », Revue pénitentiaire et de droit pénal 2010, n° 2, p. 477.
(5) Fadette est l'acronyme de facturation détaillée. Elle désigne le relevé détaillédes communications téléphoniques.
(6) Dans un autre volet de l'affaire Bettencourt, l'ancien procureur de Nanterre,Philippe Courroye, a également requis les fadettes de deux journalistes duMonde en 2011. Il a également requis en 2012 les fadettes du journalisteRomain Bolzinger, auteur d'un reportage de Canal+. Enfin, à Marseille, enavril 2010 déjà, le procureur Jacques Dallest a requis les fadettes de deux journalistesdu Monde en réponse à un article relatif à l'assassinat et à la tentatived'assassinat de nationalistes corses.
(7) Dans l'affaire Squarcini, l'ancien directeur central du renseignement intérieura été, le 17 juin 2013, renvoyé devant le tribunal correctionnel pour « collectede données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ». Il encourtcinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. L'enquête de l'ancienprocureur de Nanterre, Philippe Courroye, a été annulée par la cour d'appel deBordeaux (CA, ch. instr., 5 mai 2011, Rldi 2011, N° 75, note Derieux ; Jcp G, 10 oct.2011, 1099), décision confirmée par la Cour de cassation le 6 décembre 2011(Cass. Crim. 6 déc. 2011, n° 11-83.970, D. 2012, p. 17 obs. S. Lavric, et p. 765 obs.E. Dreyer ; Rsc 2012, p. 191, obs. J. Danet, LP 2012, 105, note A. Guedj et T. Fourrey; Gaz. Pal, 1eret 2 fév. 2012, 23, obs. P. Piot).
(8) Le retentissement de ces affaires fut tel que le mot « Fadette » fera son entréedans le dictionnaire Le Petit Robert en 2014.
(9) Avis du 25 avril 2013 sur la réforme de la protection du secret des sources, JOn° 0134 du 12 juin 2013.
(10) Projet de loi n° 1127 renforçant la protection du secret des sources desjournalistes, exposé des motifs, p. 3.
(11) Projet de loi n° 1127 renforçant la protection du secret des sources desjournalistes, exposé des motifs, p. 4.
(12) Avis du 25 avril 2013 sur la réforme de la protection du secret des sources,op. cit.
(13) Le terme inventé par F. Chateauraynaud et D. Tomy, Les Sombres Précurseurs,éd. Ehess, 1999.
(14) Devenue la Cour constitutionnelle.
(15) Arrêt de la Cour d'arbitrage n° 91/2006 du 7 juin 2006.
(16) Art. 2 de la loi du 29 juillet 1881.
(17) Cedh, 14 septembre 2010, Sanoma Uitgevers B.V. c/Pays-Bas, n° 38224/03 ;G. Gonzalez, « Intouchables sources journalistiques », Jcp G n° 39, 27 septembre2010, 951 ; LP mars 2011, n° 281, p. 157, comm. C. Fruteau.
(19) Cedh, 22 novembre 2012, Telegraaf Media Nederland Landelijke Media B.V. etautres c/Pays-Bas, n° 39315/06.
(20) Art. 226-13 du Code pénal.
(21) Art. 4 du projet de loi du 12 juin 2013 modifiant les articles 226-4, 226-25,432-8, et 432-9 du Code pénal.
(22) Voir en ce sens l'arrêt Gaetner, Crim. 11 juin 2002, Crim. 11 juin 2002, Bull.crim. n° 132 ; D. 2002, Inf. Rap., p. 2453 ; Jcp, éd. G, 2003, II, 10 061, note E. Dreyer ;Gaz. Pal. 2002, 2, p. 1745, note Monnet ; Dr. pénal 2002, p. 135, obs. Véron ; Rev.sc. crim. 2002, p. 619, obs. J. Francillon, et p. 881, obs. J.-F. Renucci. Confirmépar Crim. 11 février 2003, Bull. crim. n° 29 ; D. 2003, Inf. Rap., p. 807 ; Jcp, éd. G,
(2004) IV. 1601 ; LP 2003, n° 201. III. 71, note B. Ader qui énonce que « le droit àun procès équitable et à la liberté d'expression justifient que la personne poursuiviedu chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, lespièces d'une information en cours ».
(23) Art. 1er de la loi du 4 janvier 2010 modifiant l'article 35 de la loi du 29 juillet1881.
(24) V. en ce sens Crim. 19 juin 2001, LP oct. 2001, n° 185.III.161 ; D. 2001, p. 2538 ;Rsc 2002, note Francillon ; Jcp, éd. G, 2002, II, 10 064.
(25) V. en ce sens Cedh, Fressoz et Roire c/France, 21 janvier 1999, Rev. sc. crim.1999, p. 630, obs. J.-P. Massias ; Jcp, éd. G, 1999, II, 10 120, note E. Derieux ;Gaz. Pal. 25-27 juillet 1999, p. 18, note P. Lambert ; LP 1999, n° 160. II. 33, noteE. Dreyer et G. Cohen-Jonathan et n ° 160. III. 41. Confirmé par Cedh, 7 juin 2007,Cedh, 7 juin 2007, requête n° 1914/02, Dupuis et a. c/France, in http://www.echr.coe.int ; E. Derieux « La Cedh condamne la France pour violation de la libertéd'expression », Jcp, G, 2007.II.10127 ; Jcp, A, 2007, Somm. act. 602 ; C. Fruteau,« Présomption d'innocence et liberté de la presse : nouvelle condamnationde la France pour violation de l'article 10 de la Cedh », Rldi 2007/31, n ° 1053,p. 82. qui affirme « qu'il convient d'apprécier avec la plus grande prudence, dansune société démocratique, la nécessité de punir pour recel de violation de secret del'instruction ou de secret professionnel des journalistes qui participent à un débatpublic d'une telle importance, exerçant ainsi leur mission de chiens de garde de ladémocratie ».
(26) Cass. crim. 6 mars 2012, n ° 11-80.801, LP n° 293-24 ; Jcp G, avril 2012, 547note S. Detraz.
(27) En ce sens, voir V. Nioré, Carbon de Seze, « Halte au feu ! À propos de laconcurrence des secrets : secret des sources et secret professionnel de l'avocatà travers le triste exemple des perquisitions au domicile et en cabinet d'avocat», Gaz. Pal., 23 avril 2013, n° 113, p. 8.
(28) Cedh, 27 mars 1996, W. Goodwin c/Royaume-Uni, op. cit., § 39
(29) Cedh, 12 avril 2012, n° 30002/08, Martin et a. c/France, AJ pénal 2012, p. 249 ;LP n° 296 juill./août 2012.II.421, chron. L. François ; Bicc n ° 763 du 1er juin 2012,n° 3 ; Rsc 2012, p. 603, obs. J. Francillon.
(30) Crim. 30 octobre 2006, n° 06-85.693, Bull. crim. N° 258 ; D. 2007 p. 1240, noteA. Guedj ; LP n° 238.III.11 ; Rsc 2007, p. 106, obs. J. Francillon ; Dr pénal 2007, 1,chron. O. Mouysset, comm. 13, note A. Maron ; Jcp 2007.II.10054 obs. F. Fourment,C. Michalski et Ph. Piot.
(31) Cedh, 28 juin 2012, n° 15054/07 et 15 066/07, Ressiot et a. c/France, Ajda 2012,p. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2012, p. 2282, obs. E. Dreyer ; Procédures2012, p. 257, note J. Buisson ; Rsc 2012, p. 603, obs. J. Francillon.
(32) Dans le même sens, Cedh, 18 avril 2013, n° 26419/10, § 58 : « les limitationsapportées à la confidentialité des sources journalistiques appellent ( ) l'examen leplus scrupuleux ».
(33) CA, ch. instr., 5 mai 2011, Rldi 2011, n° 75, note Derieux ; Jcp G, 10 oct. 2011,1099.
(34) Cass. Crim. 6 déc. 2011, n° 11-83.970, D. 2012, p. 17 obs. S. Lavric, et p. 765obs. E. Dreyer ; Rsc 2012, p. 191, obs. J. Danet, LP 2012, 105, note A. Guedj etT. Fourrey ; Gaz. Pal, 1eret 2 fév. 2012, 23, obs. P. Piot.
(35) Cass. Crim. 14 mai 2013, n° 11-86.626, Procédures Juillet 2013, n° 7,comm. 20, note A.-S. Chavent-Leclère ; Jcp G, juin 2013, 676, veille par E. Derieux ;Légipresse 306-20.
(36) Portalis, Discours préliminaire au premier projet de Code civil, éd. Confluences, « Voix de la cité », p.18.