Dans son Ébauche d'une théorie juridique de l'information, Catala ouvrait il y a trente ans le débat de l'intégration de l'information dans le régime commun ou spécial du droit des biens. Les informations, objets de la présente étude, entendues comme toutes celles ne relevant pas d'un régime de propriété intellectuelle ou répondant à la définition du savoir-faire et qui en pratique représentent la grande majorité des informations quoique non appropriables en tant que telles, pourront être contrôlées par celui qui les collecte. On constate qu'une même information, à des stades différents, peut juridiquement être traitée différemment. Or, ce traitement adapté en fonction du stade d'appréhension de l'information est influencé par de nombreux facteurs qui semblent contenir les prémices du statut juridique de l'information non appropriée.
Voilà maintenant plus de trente ans que le statut juridique de l'information et son intégration dans le régime commun, ou un régime spécial du droit des biens, sont discutés.L'article fondateur de Catala (1) qui survenait après quelques premières ébauches (2) a nourri depuis une activité doctrinale intense (3). Il ne semble plus nécessaire de reprendre et discuter ces différentes contributions.M. Vivant (4) a fait une synthèse de cet ensemble qui peut être reprise ici. Relevant le ...
Nicolas BINCTIN
Professeur agrégé des Facultés de Droit, Université de Poitiers - CECOJI
1er février 2013 - Légipresse N°302
7051 mots
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(2) Catala « Ébauche d'une théorie juridique de l'information », Rev. de droit prospectif1983, n° 1, p. 185 ; D. 1984, chron p. 975 ; Le droit à l'épreuve du numérique,Puf 1998, p. 224 (seule cette dernière version est utilisée pour les développementssuivants) ; même auteur, « La propriété de l'information », MélangesRaynaud, Dalloz-Sirey 1985, p. 97.
(3) Notamment, P. Leclercq, « Essai sur le statut juridique des informations »,Ministère de la Justice, 1980 ; « L'information sans frontière », (1980), la Doc.Française, Paris ; J.-P. Chamoux, « Impacts économiques et juridiques de l'informatisation», Paradoxes 1982, p. 116.
(4) R. M. Hilty, « La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle :problèmes et perspectives. Introduction », Revue Internationale de droitéconomique, 2006/4, p. 353 ; M. Vivant, « La privatisation de l'information parla propriété intellectuelle », Revue Internationale de droit économique, 2006/4,p. 361 ; même auteur, « À propos des biens informationnels », Jcp éd. G 1984, I,n° 3132 ; C. Lucas de Leyssac, « Une information seule est-elle susceptible devol ou d'une autre atteinte juridique aux biens ? », D. 1985, p. 43 ; J. Devèze, « Levol de biens informatiques », Jcp G 1985, I, 3210 ; A. Piédelièvre « Le matérielet l'immatériel. Essai d'une approche de la notion de bien », Les aspects du droitprivé en fin du XXe siècle, Mélanges Michel de Juglart, Montchrestien 1986, p. 55 ;C. Geiger, « La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle. Quelsremèdes pour la propriété littéraire et artistique », Revue Internationale de droitéconomique, 2006/4, p. 389 ; P. Leclercq, « L'information est-elle un bien ? », Droitet informatique. L'hermine et la puce, Masson, 1992 p 91 ; J.-C. Galloux, « Ébauched'une définition juridique de l'information », D., 1994, chr., p. 229 ; N. Mallet-Pujol, « Appropriation de l'information : l'éternelle chimère », D. 1997, Chron.330 ; E. Daragon, « Étude sur le statut de l'information », D. 1998, chron. p. 63 ;J. Passa, « La propriété de l'information : un malentendu ? », Droit & Patrimoine,mars 2001, p. 64.
(5) M. Vivant, « La privatisation de l'information par la propriété intellectuelle »,op. cit.
(6) P. Catala, « Ébauche d'une théorie juridique de l'information », op. cit.
(7) J. -C. Galloux, « Ébauche d'une définition juridique. », op. cit. ; contra, W. Dross,Droit civil Les choses, Lgdj 2012, n° 483-1.
(8) J. Passa, « La propriété de l'information », op. cit., l'information comme « actionconsistant à communiquer à un public des faits ou des opinions ».
(9) Voir notamment, Cass. crim., 16 nov. 2011, n° 10-87.866, à paraître, D. 2012.137, obs. M. Léna ; AJ pénal 2012. 163, obs. J. Lasserre Capdeville ; Rsc 2012.169, obs. J. Francillon ; Rtd com. 2012. 203, obs. B. Bouloc ; Jcp G 2012. II. 322 ;voir aussi, P. Berlioz, « Quelle protection pour les informations économiquessecrètes de l'entreprise ? », Rtd com. 2012.263.
(10) Catala, « Ébauche d'une théorie juridique de l'information », op. cit., notammentp. 234.
(11) Directive 96/9/CE du 11 mars 1995 concernant la protection juridique desbases de données, Joue n° L 077, 27 mars 1996 p. 20.
(12) N. Binctin, Le capital intellectuel, Litec 2007, n° 49 et sq. ; même auteur, Droitde la propriété intellectuelle, 2e éd. Lgdj 2012, n° 594 et sq.
(13) En ce sens, Catala, « Ébauche d'une théorie juridique », op. cit., p. 235 in fine.
(14) Voir N. Binctin, « L'accession mobilière », Juris-Cl. Civ., article 565 à 577.
(15) N. Binctin, Droit de la propriété intellectuelle, op. cit., n° 1162 et sq.
(16) Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence età la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, Jorf, 13 mai2010, p. 8881.
(17) Cass civ 1, 6 fév. 1996, France 3 c. Foca, Bull. civ. 1, n° 70, p. 46.
(20) On peut ajouter d'autres informations sensibles que celles visant directementune personne, notamment les informations collectées lors d'essais cliniquespour l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (Amm), qui suivant lemécanisme de l'article R. 5121-26 Csp, sont appropriées 10 ans.
(21) Commission européenne, « Protection de la vie privée dans un monde enréseau - Un cadre européen relatif à la protection des données, adapté aux défisdu XXIe siècle », 25 janv. 2012, COM(2012) 9 final. (http://ec.europa.eu/justice/data-protection/document/review2012/com_2012_9_fr.pdf )
(22) La Cnil souligne notamment la démarche de certains réseaux sociaux, telque le réseau social Famicity qui s'est engagé à suivre l'ensemble des règlesprotectrices de la vie privée émises par le G29. Elle souligne également l'initiativedu réseau social Diaspora, réseau social libre où le contrôle des données personnellespar les utilisateurs est a priori garanti par plusieurs techniques. La Cnil citel'exemple d'autres sites proposant aussi des mesures protectrices, en particulierdes mineurs, tels Mondokiddo, le Mini réseau, l'Univers de Wilby ou Yoocasa.
(23) Cedh, le 3 juil. 2012, Robathin c. Autriche, requête n° 30457/06.
(24) Article 8 : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale,de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'uneautorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérenceest prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une sociétédémocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, aubien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractionspénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protectiondes droits et libertés d'autrui.
(28) Directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003, concernant la réutilisation desinformations du secteur public, Joue L. 345, p. 90, dite directive Isp.
(29) Pt. 40.
(30) Pt. 41.
(31) Voir supra le statut des informations incluses dans les Amm.
(32) Ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès auxdocuments administratifs et à la réutilisation des informations publiques.
(33) Décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portant création d'une mission « Etalab» chargée de la création d'un portail unique interministériel des donnéespubliques.
(34) Circulaire du 26 mai 2011 relative à la création du portail unique desinformations publiques de l'État « data.gouv.fr » par la mission « Etalab » etl'application des dispositions régissant le droit de réutilisation des informationspubliques.
(35) Outre de nombreuses collectivités locales et les administrations centrales,ce mouvement est aussi adopté par la SNCF et la RATP pour des donnéesvisant le trafic sur leurs réseaux de transport.