Sous réserve de l'exception de parodie, la liberté d'expression ne peut légitimer une atteinte portée au respect dû à l'oeuvre et notamment à ce qu'il est convenu d'appeler son esprit.
La célèbre photographie d'Ernesto Guevara dite du « Che au béret et à l'étoile », prise par Alberto Korda en 1960, a dépassé le simple statut d'oeuvre pour accéder à celui d'icône pop. Loin de rester en relation avec le message politique révolutionnaire du fameux Guerrillero heróico, le portrait a progressivement été capté par les marchands du Temple. Les boutiques de T-shirts fantaisistes et de gadgets en tout genre proposent ainsi une palette assez large de produits pour ...
Cour d'appel, Paris, Pôle 5, ch. 2, 17 juin 2011, D. E. Diaz Lopez c/ KMBO et les Piquantes
Alexandre ZOLLINGER
Maître de conférences à l'IUT de Poitiers, Centre d'Étude et de Coopération ...
(2) Il ne s'agit pas ici simplement d'une formule rhétorique douteuse : v. en eff ethttp://www.admirabledesign.com/Che-design, consulté le 22 novembre 2012.
(3) V. par exemple M. Wells, « After 40 years and millions of posters, Che's photographersues for copyright », The Guardian, 7 août 2000.
(4) Traduction approximative de la déclaration que l'on peut lire dans plusieursarticles de la presse britannique. V. notamment, sur le site de la BBC, « CheGuevara photographer dies », 26 mai 2001, http://news.bbc.co.uk/2/hi/americas/1352650.stm, consulté le 22 novembre 2012.
(5) Cass. civ. 1re, 12 juillet 2011, n° 09-16188, Propriété industrielle n° 11, Novembre2011, n° 82, comm. P. Tréfi gny-Goy.
(6) Cass. com., 12 juillet 2011, n° 08-20033.
(7) TGI Paris 3e ch., 16 septembre 2010, n° RG 10/08327.
(8) V. notamment, pour une tentative de défi nition de l'originalité d'une oeuvrephotographique faisant référence à l'attitude et à l'expression du visage : CAParis, 4e ch., 5 mars 1991 ; ou encore au regard du sujet photographié : TGI Paris,1re ch., 22 mars 1989 : JCP G 1990, I, 3433, ann. 6. Plus globalement, sur la protectionde l'oeuvre photographique, v. par exemple Y. Gendreau, « Objet du droitd'auteur d'oeuvres protégées. Photographies », JCl. PLA, Fasc. 1150, 2008.
(9) Concernant l'articulation des actions en contrefaçon et en parasitisme, v. parexemple S. Durrande et C. Zolynski, « Objet du droit d'auteur. Droit d'auteuret concurrence déloyale », JCl. PLA, Fasc. 1116, 2010. V. également, soulignant lerôle subsidiaire de l'action en parasitisme pour la protection de la renommée,D. Lefranc, « La renommée en droit privé », Defrénois, 2004 (plus particulièrement,pour l'évocation de la protection des idées, relevant de la concurrencedéloyale et ne pouvant normalement résulter du droit d'auteur, v. p. 212,n° 230).
(10) V. notamment en ce sens Cass. civ. 1re, 27 févr. 1973, Bull. civ. 1973, I, n° 72 ;Cass. civ. 1re, 15 oct. 1996, Bull. civ. 1996, I, n° 355 La jurisprudence a longtempsété divisée sur la question, mais la règle de l'indiff érence de la bonneou mauvaise foi en matière civile est désormais clairement posée ; certainesdécisions continuent toutefois, de temps à autre, à la négliger (v. par exempleCA Paris, 24 septembre 2003, JCP G 2004, I, 113, obs. C. Caron). Sur l'ensemble decette question, v. notamment E. Dreyer, « Procédures et sanctions. Contrefaçon.Éléments constitutifs », JCl. PLA, Fasc. 1610, 2011, § 141 et s.
(11) P. Gaudrat, Rép. civ. Dalloz, V° « Propriété littéraire et artistique » (1° propriétédes créateurs), 2007, § 514.
(12) V. également en ce sens CA Paris, 18 févr. 2011, n° 09-19.272, JCP E 2011,1586, § 6.
(13) V. cependant contra F. Pollaud-Dulian, « Chronique Propriété littéraire etartistique Les rapports de l'exception de copie privée avec les mesures techniquesde protection », RTD com. 2004, pp. 488 et s., affi rmant que l'exceptionde copie privée apparaît « plus comme un pis-aller ou une tolérance traditionnelle,que comme l'expression d'un droit du public », et qu'ainsi le législateur « pourraitsupprimer purement et simplement cette exception ».
(14) V. notamment sur ces questions A. Zollinger, « L'adaptation du droitd'auteur français à l'univers numérique : quels risques pour les droits del'Homme ? », in Technique et droits humains, Montchrestien, 2011, p. 283.
(15) V. par exemple A. Lucas, « Droit d'auteur et droits voisins : droits patrimoniaux exceptions droits du public à l'information », Propriétés Intellectuelles,n° 10, janvier 2004, pp. 551 et 552 : « la méthode serait détestable, qui reviendraità introduire subrepticement dans les systèmes de droit d'auteur une sorte de fairuse, c'est-à-dire un système d'exception ouvert dans lequel il reviendrait au juge dedire, au vu des circonstances de l'espèce, si la prétention de l'utilisateur d'échapperau droit exclusif est raisonnable. ( ) utiliser la Convention européenne des droits del'Homme pour aller au-delà de ce que permet l'exception prévue par la loi ou pouren consacrer une nouvelle ne serait pas admissible ».
(16) V. la décision de première instance rendue en l'espèce : TGI Paris 3e ch.,16 septembre 2010, n° RG 10/08327. V. également, dans la fameuse aff aireUtrillo : TGI Paris 3e ch., 23 février 1999, Comm. com. électr. oct. 1999, chron. n° 1,note Ch. Caron ; D. 1999, jurispr. p. 580, note P. Kamina ; D. 2000, chron. p. 455,note B. Edelman ; RTD com. 2000, p. 96, note A. Françon.
(17) V. par exemple, dans la même aff aire Utrillo, les arrêts de la cour d'appel etde la Cour de cassation procédant à une balance des intérêts in abstracto enfaveur du droit d'auteur : CA Paris 4e ch., 30 mai 2001, JCP E 2003, 278, § 12 ;Cass. civ. 1re, 13 novembre 2003, Légipresse 3/2004, n° 209, note V. Varet ; JCP E2004, 1898, § 13 V. également en ce sens Cass. civ. 1re, 2 octobre 2007, JCP E2009, 1108, § 12.
(18) L'aff aire de la suite donnée aux Misérables de Victor Hugo trouve, dans cettejurisprudence, une place à part. Si l'article 10 de la Convention européenneest bel et bien invoqué, il s'agit toutefois davantage d'apprécier concrètement,d'une manière assez classique, l'équilibre à trouver entre la liberté de l'adaptateur(ici renforcée par l'idée de domaine public) et le droit moral au respectde l'oeuvre adaptée. Il n'est donc pas en l'espèce véritablement question d'unebalance des intérêts externe à la loi, mais plutôt de la recherche d'un équilibredans le cadre de la loi. V. notamment sur cette aff aire Cass. civ. 1re, 14 février2007, JCP G 2007, II, 10025, note C. Caron ; CA Paris, 19 décembre 2008, JCP G2009, II, 10038, note C. Caron. À noter cependant l'affi rmation trop rapide, parla cour de renvoi, du caractère non absolu du droit moral, sans distinguer selonqu'il soit invoqué par l'auteur ou son héritier.
(19) V. par exemple, pour des applications correctes bien que peu récentes dela méthode de conciliation de l'article 10 § 2 : CA Paris, 12 décembre 2001 et CAVersailles, 20 décembre 2001, JCP E 2003, 1508, § 11.
(20) A. Lucas, « Droits des auteurs. Droits patrimoniaux. Exceptions au droitexclusif », JCl. PLA, Fasc. 1248, 2010, n° 19.
(21) Sur cette recherche de compromis, v. notamment notre thèse, Droitd'auteur et droits de l'Homme, Université de Poitiers et LGDJ, 2008, n° 1042 à 1049.
(22) V. notamment, relevant cet écart de solution, M. Levinet, in Les Grands arrêtsde la Cour européenne des droits de l'Homme PUF, 5e édition, 2009, comm. n° 57,p. 611 ; J.-P. Marguenaud, La Cour européenne des droits de l'Homme, Dalloz, 3eédition, 2005, pp. 82-84.
(23) L'idée d'une protection particulière ie accrue des composantes extrapatrimonialesde certains droits de propriété aurait de multiples vertus, mais n'apas encore été développée à notre connaissance. Cette dernière appréhendepour l'instant le droit au respect des biens sous un angle essentiellementpatrimonial. V. notamment sur la question A. Zollinger, « Le droit au respectdes biens, ou la diffi cile défi nition du droit de propriété en tant que droit del'Homme », in Les modèles propriétaires au XXIe siècle, Université de Poitiers etLGDJ, p. 31.