Si le propriétaire ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de son château, il est toutefois en droit de s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal. En l'espèce, un producteur de vin qui reprochait à une société concurrente d'avoir commercialisé des bouteilles de vin avec une étiquette comportant une représentation du château dont il est propriétaire, a obtenu la condamnation de cette dernière à faire cesser toute commercialisation des bouteilles litigieuse et à lui verser 10 000 euros de dommages-intérêts. L'intéressée a formé un pourvoi en cassation contre cette condamnation, estimant que la cour d'appel n'avait constaté ni le caractère anormal du trouble allégué, ni même son existence. Pour la Cour de cassation, a légalement justifi é sa décision la cour d'appel qui, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que les sociétés parties au litige commercialisaient l'une et l'autre du vin sous la même appellation d'origine, a relevé que la production desdits vins de cette appellation était concentrée sur un territoire très limité et très proche de la commune du château photographié, de sorte que l'utilisation par la défenderesse de l'image de celui-ci, propriété de la seconde, causait à cette dernière un trouble anormal.
Ce n'est pas la première fois que le contentieux de l'image des biens se retrouve en terres viticoles. Après les Grandes Murailles de Saint-Émilion (1) ou le Château Vieira (2), il quitte ici le Bordelais pour les vignobles de la Loire et plus précisément pour les fi efs vendéens. En l'espèce, les faits sont simples : les sociétés Château Marie du Fou et Jard Chais Mareuillais commercialisent toutes deux du vin sous l'appellation d'origine Mareuil. Or, la seconde utilise sur ses ...
Cour de cassation, Civ. 1re, 28 juin 2012, Société Château Marie du Fou c/ Société Jard Chais Mareuillais
(2) CA Bordeaux, 30 mai 2005, CCE 2005, comm. 184, note C. Caron ; Légipresse2005, III, p. 195, note B. Gleize.
(3) CA Bordeaux, 25 mai 2004, RLDI, 2005/1, n° 1, note B. Gleize.
(4) Ass. plén., 7 mai 2004, D. 2004, p. 1545, note J.-M. Bruguière ; D. 2004, p. 1547,note E. Dreyer ; JCP G 2004, II, 10085, note C. Caron ; JCP G 2004, I, 163, n° 3, chron.G. Viney ; JCP G 2004, I, 171, chron. H. Périnet-Marquet ; Dr. et patrimoine, n° 128,p. 34, note T. Revet ; RTD Civ 2004, p. 528, obs. T. Revet ; Propr. intell. 2004, n° 12,p. 817, obs. V.-L. Benabou ; Légipresse 2004, n° 213, III, p. 117, note J.-M. Bruguièreet B. Gleize ; RLDA, juill. 2004, 9 et s., chron. J.-L. Bergel ; CCE 2004, Étude 14, noteC. Caron.
(5) Cass. civ. 1re, 10 mars 1999, D. 1999. 319, concl. J. Sainte Rose, note E. Agostini; D. 1999, Somm. com. 247, obs. S. Durrande ; D. 2000, Somm. com. 282, obs.O. Tournafond ; JCP 1999, II, 10078, p. 857, note P.-Y. Gautier ; JCP 1999, I, 175, n° 2,obs. H. Périnet-Marquet ; JCP éd. E, 1999, p. 819, obs. M. Serna ; RIDA oct. 1999,n° 182, p. 149, obs. M. Cornu ; RTD Civ 1999, p. 859, obs. F. Zenati ; RTD com. 1999,p. 397, obs. A Françon ; RD imm. 1999 p. 187, obs. J.-L. Bergel et M. Bruschi ; CCE1999, comm. 4, obs. Y. Gaubiac ; Droit et patrimoine 2001, n° 91, p. 84, note V.-L.Benabou ; Droit et patrimoine 1999, Lettre hebdo n° 300, p. 6, note J.-M. Bruguièreet N. Mallet- Poujol ; Defrénois n° 17/99, p. 897, note C. Caron ; D. 2000, chron.p. 19, note J. Ravanas.
(6) Cass. civ. 1re, 2 mai 2001, Bull. civ. I, n° 114 ; D. 2001, p. 1973, note J.-P. Gridel ;JCP 2001, II, 10553, note C. Caron ; JCP E 2001, p. 1386, note M. Serna ; RTD Civ2001, p. 618, obs. T. Revet ; LPA 2001, n° 167, p. 9, note J.-M. Bruguière ; RD imm.2001, p. 358, obs. M. Bruschi ; Defrénois 2002, p. 329, note S. Piedelièvre ; Legipresse,n° 183, III, p. 116, note G. Loiseau.
(7) Cf. supra, note 3.
(8) Cass. civ. 1re, 5 juillet 2005, CCE 2005, comm. 148, note C. Caron. V. aussi CAParis, 11 janvier 2006, CCE 2006, comm. 38, obs. C. Caron.
(9) CA Orléans, 15 février 2007, CCE 2007, comm. 78, note C. Caron.
(10) CA Bordeaux, 30 mai 2005, préc.
(11) La jurisprudence considère parfois que le préjudice s'infère nécessairementdes actes déloyaux constatés. En ce sens, v. par exemple Cass. com., 14 juin2000, RJDA 2000, n° 1195.
(12) Sur ce point, v. notre thèse, La protection de l'image des biens, Defrénois,2008, t. 33, n° 573.
(13) V. par exemple G. Viney, JCP G 2004, I, 163, Chron. n° 3, spéc. n° 28 : « l'adjectifanormal sera interprété comme imposant une exigence supplémentaire parrapport à celle du dommage ordinairement requis pour fonder une action enresponsabilité civile ».
(14) CA Orléans, 10 novembre 2005, CCE 2006, comm. 38, note C. Caron.
(15) Sur ce point, v. notre thèse, préc., n° 569.
(16) En la matière, la Cour de cassation a d'ailleurs longtemps utilisé le doublevisa des articles 544 et 1382 avant de dégager un principe général du droitselon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
(17) J.-M. Bruguière et B. Gleize, « Image des biens : la jurisprudence cadre del'assemblée plénière de la Cour de cassation », Légipresse 2004, III, p. 117.
(18) V. en particulier v. E. Dreyer, « L'énigme du trouble anormal causé parl'image d'une chose », CCE 2006, Étude 20.
(19) Cass. civ. 1re, 5 juillet 2005, préc.
(20) CA Orléans, 10 novembre 2005, préc.
(21) TGI Auxerre, 18 avril 2006, Juris-Data n° 2006-324392.
(22) V. par exemple CA Paris, 11 janvier 2006, préc. ; CA Paris, 27 septembre2006, CCE 2007, comm. 1, note C. Caron, Légipresse 2007, n° 240, III, p. 84, note B.Gleize ; CA Orléans, 15 février 2007, préc.
(23) L'expression avait été utilisée au lendemain de l'arrêt Gondrée par P.-Y.Gautier, « L'exploitation d'un bien sous la forme de photographies porte atteinte audroit de jouissance du propriétaire », JCP 1999, II, 10078, n° 16.
(24) V. par exemple, à propos de l'image du château de Chambord, TA Orléans,6 mars 2012, D. 2012, p. 2222, note J.-M. Bruguière. V. aussi, concernant lesphotographies d'oeuvres relevant des collections d'un musée, CE 29 octobre2012, AJDA 2012, p. 2031.