L'examen de la protection juridique des formats d'émissions télévisuelles conduit à se pencher sur deux questions : la première portant sur l'éligibilité à la protection du droit d'auteur, et la deuxième sur la concurrence déloyale et le parasitisme. La jurisprudence récente permet d'affi ner la défi nition des formats d'émissions et les conditions de leur protection. À cet égard, il convient de prendre en compte l'évolution du « fonds commun de la production audiovisuelle ». Ainsi, ne peut être sanctionnée la simple reprise, par un producteur, d'« éléments usuels communs à toute une profession », au nom de la liberté du commerce et de l'industrie.
Dans une précédente chronique (1) consacrée à la protection juridique des formats d'émissions télévisuelles, nous avions examiné cet objet au statut hybride dans la moindre des mailles de son canevas afi n de tenter de déterminer son régime de protection.L'actualité jurisprudentielle nous invite à nous attarder de nouveau sur le sort réservé aux formats : l'étau se resserre autour de cet objet juridique dont la défi nition s'imprègne de l'évolution des tendances audiovisuelles ...
Armelle FOURLON
Avocat au Barreau de Paris, Cabinet Nomos
1er janvier 2013 - Légipresse N°301
6492 mots
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(2) Légipresse n° 232, juin 2006, « La protection juridique des formats d'émissionstélévisuelles : une géométrie variable », II, p. 63.
(3) CA Paris Pôle 5, ch 4, 12 sept 2012, RG 11/05622, Légipresse 298, oct. 2012p. 536.
(4) CA Paris Pôle 5 ch 2, 6 avril 2012, RG 11/08768.
(5) CA Paris 1re ch, 14 oct 1975, RIDA juillet 1976.136.
(6) CA Paris 4e ch, 21 sept 2001, SARL ACDC Productions et Chonavey C. / RFO et a.
(7) Le terme de combinaison n'est pas sans rappeler celui qui ouvre droit à laprotection des inventions par le droit des brevets, dès lors que la combinaisonne se résume pas à la juxtaposition de moyens connus, mais est inventive etnouvelle. On constate d'ailleurs que nombreux sont les postulants à la protectionpar le droit d'auteur qui se réclament également de la nouveauté et ducaractère précurseur du format, lequel est systématiquement écarté commenon valide.
(8) CA Paris Pôle 5 ch 2, 6 avril 2012, RG 11/08768 confi rmant TGI Paris, 3e ch. 2esect., 25 mars 2011, RG 09/12126.
(9) TGI Paris 3e ch 2e Sect, 20 février 2009, RG 06/04159, LP n° 261, mai 2009, p. 67(rejet également des actes de concurrence déloyale en l'absence de similitudesentre les émissions).
(10) CA Paris Pôle 5 ch 2, 29 avril 2011, RG 09/24698 sur appel de TGI Paris 3e ch2e sect, 17 nov 2009, RG 08/05449.
(11) TGI Paris 3e ch 4e sect., 12 novembre 2009, RG 09/794 : le premier conceptcomportant un découpage et quatre critères défi nissant l'identité est jugécomme « ne comportant aucune indication sur le cadre de l'émission, sur la place etle rôle de l'intervieweur, la manière de fi lmer décors et personnages » et n'indiquantpas non plus « comment le sujet est introduit et présenté aux téléspectateurs » ; lesdeux pilotes fi lmés étant en inadéquation avec la description et établis sur descaractéristiques techniques banales. Le second est jugé limité à des indicationstrop générales (rôle et place de la présentatrice, présentation de la chanson,succession des séquences) et à l'expression d'un concept d'émission ludique(traduire en langue française des chansons étrangères).
(12) TGI Paris 3e ch 1re sect, 3 janvier 2006 RG 03/01374.
(13) TGI Paris 3e ch 2e sect, 1er juillet 2011, RG 09/17351 confi rmé par CA ParisPôle 5 ch. 2, 28 sept 2012 RG 11/16075.
(14) CA Paris Pôle 5 ch 1, 30 mars 2011 confi rmant TGI Paris 3e ch 1re sect 26 janv2010, RG 08/08058 et voir aussi CA Paris Pôle 5 ch 2, 15 oct 2010, RG 09/18829pour un concept de jeu fondé sur le caractère régional des données exploitées(résultats d'audimats par région) et des participants (un candidat par région).
(15) TGI Paris 3e ch 3e sect, 4 mars 2011, RG 09/16963.
(16) CA Versailles 1re ch, 3 mai 2007, RG 06/02805 relevant aussi le caractère purementénumératif de l'exposé de l'enchaînement des séquences, la successiondes diff érents moments de l'émission sans défi nition précise alors que les élémentsvisuels (éclairages, costumes, scènes, sonorisations, plans ) sont banals.
(17) Cité in CCE juin 2011, p. 23, Chron. « Un an de » B. Montels TGI Paris, 3e ch2e sect, 26 nov 2010, F. D. et al c/ Sté Jeunesse TV et al. 1. A.2.
(18) TGI Paris 3e ch 3e sect, 16 janv 2008, RG 05/17073.
(19) CA Paris 4e ch, 20 fév 2008, RG 07/00907, confi rmant TGI Paris 3e ch 1re sect, 3oct 2006, RG 03/18271, rejetant la contrefaçon par l'émission « d'Art d'Art », leurprojet commun ne pouvant faire l'objet d'une quelconque appropriation sansrelever le fait que le format a été présenté au diff useur.
(20) TGI Paris 3e ch 1re sect, 5 janv 2010, RG : 08/5641.
(21) CA Paris Pôle 5, ch 1, 25 mai 2011, RG 09/22973.
(22) TGI Paris 3e ch 3e sect, 24 mars 2010, RG 08/03361, qui considère le conceptbanal, qualifi e le pilote d'oeuvre audiovisuelle à l'originalité faible comptetenu de l'emprunt à certains éléments caractéristiques aux lois du genre desconcours ou de la téléréalité et ne retient pas la contrefaçon en l'absence dereprise à l'identique et dès lors que certains éléments sont inappropriables(casting sauvage )
(23) Ord. Réf TGI Paris 21 mai 2010, RG 10/54427, LP n° 273-07, juin 2010 I p. 65sur le format Love is blind et la reconnaissance par l'une des parties de la validitédes droits de l'autre du fait de la négociation d'une licence sur le format.
(24) TGI Paris 3e ch, 3e sect, 5 mars 2008, RG 05/07480.
(25) Précité note 3 : la seule ressemblance est rattachée au thème de la randonnéeéquestre et le concurrent justifi e d'un savoir faire propre (techniqueséprouvées de montage et de prise de son à cheval) faisant d'ailleurs l'objetd'apport en industrie dans les contrats de coproduction de ce dernier, et alorsque le débauchage invoqué est contredit par l'existence de collaborationsantérieures avec les professionnels oeuvrant dans le domaine considéré.
(26) CA Paris 4e ch. section A, 21 février 2007, RG 2005/20146, réformant TGI Paris3e ch 3e sect, 7 septembre 2005, RG 05/06945.
(27) Précité note 21.
(28) Précité note 2.
(29) L'emploi du terme « originalité » alors qu'il ressort des principes de droitd'auteur n'est sans doute pas très opportun mais aucune confusion n'en ressortensuite.
(30) CSA, rapport d'activité 2001, article 4.2 consacré aux émissions de téléréalitéshttp://www.csa.fr/var/ezfl ow_site/storage/csa/rapport2001/synthese/franc_activite.htm
(31) Une constante dans l'analyse des griefs. Cf. TGI Paris 3e ch. 4e section,20 octobre 2011, RG 10/3999, concernant une émission inspirée des « lateshows » et une émission d'« infotainment » qui se base sur l'identité distinctedes émissions malgré un « animateur, une introduction personnelle, un lookidentiques, des interviews des invités, relevant que la construction, le ton, le thèmecomme le rythme des émissions font en réalité l'identité de chaque émission nesont pas identiques ».
(32) Précité note 3.
(33) CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 décembre 2010, RG 08/21690, qui présente en outreun intérêt sur la notion de rupture brutale des relations commerciales transposéesmais non transposables à l'audiovisuel.
(34) Précité note 13.
(35) TGI Paris 3e ch 1re sect, 16 mai 2007, RG 05/14725, sur la banalité de l'idéesocle du projet (rencontre autour d'un repas) et les diff érences quant au choixdes invités, déroulement de la soirée, l'esprit de l'émission.
(36) Précité note 11 pour la reprise d'un quiz.
(37) Précité note 30.
(38) Précité note12.
(39) Précité note 14.
(40) TGI Paris 3e ch. 3e sect., 24 mars 2011, RG 08/03361.
(41) Réfl exions sur les émissions dites de « téléréalité » - Synthèse des auditionset bilan de la réfl exion établi par la Commission de réfl exions sur l'évolution desprogrammes http://www.csa.fr/index.php/Espace-Presse/Communiques-depresse/Bilan-de-la-refl exion-sur-la-telerealite-les-preconisations-du-CSA
(42) Précité note 9, pour les jeux d'argent télévisés, sont banals l'usage duterme « Jackpot », l'utilisation d'un matériel de tirage consistant en un plateaucirculaire sous forme de boules de casino comportant les numéros 1 à 10 et decouleurs distinctes réparties entre les numéros pairs et les numéros impairs etl'organisation de l'émission télévisée autour de cette table.