L'article 81 du Code général des impôts (Cgi) prévoit une allocation forfaitaire pour frais d'emploi accordée aux journalistes, les autorisant à déduire annuellement 7 650 de la base imposable de leurs revenus. À l'heure où la chasse aux « niches fiscales » va bon train, il convient de revenir sur l'historique de cet abattement ainsi que sur les diverses tentatives de sa remise en cause par l'administration fiscale.
Si les mots ne sont pas des idées, ils ontprofession ». Se pose alors la question de déterminer ces charges qui grèvent le revenu pour établir le revenu net imposable.Dans un courrier du 18 février 1925, le Snj demandait donc au ministère « d'indiquer les dépenses d'ordre professionnel que les journalistes sont autorisés à déduire du montant de leurs émoluments pour l'établissement des impôts sur le revenu ». Réponse du ministre : « D'après la législation en vigueur, pour ...
Frédéric Gras
Avocat au Barreau de Paris
1er octobre 2012 - Légipresse N°299
4406 mots
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(2) La pression fiscale est en corrélation directe avec le passage de l'État régalienà l'État régulateur interventionniste, puis providence et tentaculaire.
(3) Tocqueville (Alexis de) - De la démocratie en Amérique, t. I, première partie,chap. III, Vrin.
(4) Laurent (Samuel) et Parienté (Jonathan), « Niche fiscale des journalistes : lesfaits derrière les clichés », Le Monde.fr, 19 octobre 2012.
(5) Le Sénat refusait obstinément de la voter et le président de la République,Raymond Poincaré, n'y était pas favorable. Mais en mai 1914, la gauche estmajoritaire à l'Assemblée et favorable à l'impôt sur le revenu. Elle accepte leservice militaire de trois ans et le Sénat ne peut plus refuser le vote du nouvelimpôt, au nom de l'union nationale. Depuis, la France a maintes fois fait la paixmais l'impôt n'a jamais disparu Sur la création de l'impôt sur le revenu : Vindt(Gérard), « Aux sources de l'impôt sur le revenu », Alternatives Économiquesn° 151, septembre 1997.
(6) Le Journaliste, n° 28, février-mars 1925.
(7) Cf. également : décret-loi du 20 juillet 1934 texte d'application des art. 2, 3,11 et 13 de la loi du 6 juillet 1934 relatifs à la réforme fiscale en matière d'impôtscédulaires, de taxes accessoires et d'impôts sur le revenu.
(8) Piketty (Thomas). Les hauts revenus en France au xxe siècle, inégalités et redistributions,1901-1998, Grasset, 2001, Kindle, emplacement 7057.
(9) Ibid., Kindle, emplacement 7818.
(10) Cet article, aujourd'hui disparu du Code général des impôts, a néanmoinslégalement subsisté par une cristallisation en droit de la Sécurité sociale, lesabattements fiscaux anciennement existants continuant d'être appliquéspar l'arrêté du 20 décembre 2002 (mod. arr. 25 juillet 2005). Celui-ci autorisel'employeur à appliquer une déduction forfaitaire spécifique, sur l'assiette descotisations sociales, dans la limite de 7 600 (et non 7 650 !) par année civilepour les salariés qui exposent des frais professionnels particulièrement élevés.
(11) Piketty (Thomas). Les hauts revenus en France au xxe siècle, inégalités et redistributions,1901-1998, Grasset, 2001, p. 649 et 653 et Kindle, emplacement 7949
(12) Ibid., Kindle, emplacement 7963
(13) Lettre du 11 mars 1974 et instruction fiscale du 29 mai 1974 dite « circulaireGiscard ». Ses termes ont été repris par le Boi 5F-12-02 n° 45 du 5 mars 2002.Ainsi, sont remboursés en franchise d'impôt : les frais de taxi de nuit, les frais dedéplacement et de séjour du journaliste envoyé en mission. Sont considéréscomme frais professionnels propres aux journalistes, et doivent donc être comprisdans leur revenu imposable en cas de remboursement par l'entreprise : les frais de transport du domicile au lieu de travail sauf taxi de nuit ; les frais d'achat de la documentation courante qui n'est pas destinée à resterdans les archives de l'entreprise ; les frais de cadeaux, autre qu'étrennes, sur justificatifs ; les frais d'abonnement et de communications téléphoniques passées dudomicile, remboursés par l'entreprise, dans la limite de 50 % de leur montant etde 91 euros par an ; les frais de réception à domicile ; 50 % des frais de repas autres que ceux visés au 2) dans la limite d'un plafondde 915 euros par an ; 1,50 euro par jour de frais de taxi, sauf taxi de nuit ; 10 % du remboursement des frais d'utilisation d'une voiture personnelleautres que les frais de transport du domicile au lieu de travail. Les frais mentionnésci-dessus, ne sont compris dans la base que pour un maximum de : 1 905 euros par an, lorsque le salaire brut ne dépasse pas 763 euros par mois ; 3 430 euros par an, lorsque le salaire brut excède 763 euros par mois.
(14) Commission des finances du contrôle budgétaire et des comptes économiquesde la Nation Rapport n° 85 de M. Alain Lambert, Sénateur, sess. ord.1997/1998, tome II fascicule I, projet de loi de finances pour 1998.
(15) Ibid. Ici la discrimination est plus évidente et le Sénat la relève : « Le gouvernementa doté, en cours de discussion budgétaire, le fonds pour les journalistes de100 millions de francs. Qu'en sera-t-il pour les autres professions dont les déductionssupplémentaires vont être progressivement supprimées, au cas où le législateur décideraiten dernier ressort de revenir à la proposition du gouvernement de renoncerà la réforme de l'impôt sur le revenu ? »
(16) Loi de finances rectificative pour 1998 n° 98-1267 du 30 décembre 1998 :art. 22 : I. Le 1° de l'article 81 du Code général des impôts est complétépar une phrase ainsi rédigée : « Les rémunérations des journalistes, rédacteurs,photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux perçuesès qualités constituent de telles allocations à concurrence de 50 000 F. » II. Lesdispositions du I sont applicables aux revenus perçus à compter du 1er janvier1998 : Le 1° de l'article 81 du Code général des impôts est complété par unalinéa ainsi rédigé : « Toutefois, lorsque leur montant est fixé par voie législative, cesallocations sont toujours réputées utilisées conformément à leur objet et ne peuventdonner lieu à aucune vérification de la part de l'administration. »
(18) Instr. fisc. du 5 mars 2012, 5 F-7-12 ; Mardière (Christian de la), Droit fiscalgénéral, Champs Université, Flammarion 2012, Kindle, emplacement 1789-1793qui qualifie le fait de « phénomène de psychologie sociale intéressant ».
(19) Cf. JO, S., Q., 30 oct. 1996, p. 5105, question de M. Ivan Renard au ministre dela Culture, M. Douste Blazy.
(20) JO, S., Q., 30 oct. 1996, p. 5105, précité.
(21) Cette motivation se retrouve dans une série de recours en appel à l'encontrede jugements tous favorables aux journalistes. Les arrêts seront publiésprochainement dans Légipresse.
(22) Lafferière, Traité de la juridiction administrative, Berget-Levrault, 1896, tome 1,p. 498.
(23) Lafferière Édouard, Les journalistes devant le Conseil d'État, Paris, 1865, VveJoubert, p. 29.
(24) Même si celle-ci est déclarative et non constitutive de statut, son attributionpar une commission paritaire journaliste-éditeur, sous le contrôle duConseil d'État, ne peut que renforcer la qualité.
(25) Pour une solution identique : TA Paris (2e ch., 2e sect.), 14 mars 2011, AlicePham, n° 0918407.
(26) TA Paris, 18 juill. 2012, M. Ravaux, n° 1114585 ; il est à noter que la jurisprudenceantérieure était contraire, s'agissant de maquettistes dont les jugesadministratifs n'avaient retenu que l'aspect technique de la fonction : la préparationde la mise en page et la présentation formelle de la publication, mêmesi ces activités confèrent des responsabilités dans la confection matérielle dujournal, n'établissent pas l'importance des responsabilités dans la rédaction etne confèrent donc pas la qualité de journaliste à la personne considérée (CE,6 février 1981, n° 16599 ; CE, 24 juillet 1987 n° 58099). En matière judiciaire, et àtitre comparatif, il est à noter que la Cour de cassation a pu sanctionner un telmode d'analyse : « Attendu que pour refuser à Madame Garnier, antérieurementau 1er juillet 1981 la qualité de journaliste, la cour d'appel énonce que les diversestâches assumées par elle, bien que concourant à la diffusion des faits et des idées,ne mettaient en oeuvre que des connaissances techniques ; qu'en statuant ainsi,sans rechercher si, par la nature même de ses fonctions, Madame Garnier n'était pasun collaborateur direct de la rédaction, la cour d'appel a privé sa décision de baselégale » : Cass. Soc., 9 février 1989, Bull. N° 109.
(28) Caa Versailles, 09 nov. 2006, confirmée par CE, 25 juin 2007, Époux Travers.
(29) Cass. Soc., 7 mai 1987, Bull. N° 266.
(30) TA Paris, 1re sect., 3e ch., 18 nov. 2011, Mme Laurand, n° 0915210 ; pour unemême solution : TA Paris, 25 mai 2011, Mme Basire ; TA Paris, 1re ch., 1re sect.,25 mai 2011, Mme Dolce, n° 0817661 ; TA Paris, 1re sect., 1re ch., 25 mai 2011,Mme Kerfant, n° 0905290 ; TA Paris, 1re sect., 1re ch., 25 mai 2011, Mlle Verdun,n° 0814217 ; TA Paris, 1re sect., 3e ch., 24 févr. 2012, Mlle Maillefer, n° 1014905 ; TAParis, 1re sect., 3e ch., 21 sept. 2012, M. Cambier, n° 1115305 ; TA Rouen, 27 janvier2009, Mme Jusselin.
(31) Cass. Soc., 25 octobre 1989, Bull. n° 617
(32) Cass. Soc., 14 mai 1997, Bull. n° 174
(33) Guéry (Louis), Lutz-Sorg (Stéphane), Le secrétariat de rédaction, VictoiresÉditions, 2009, 261 p.
(34) Des siècles de communication : histoire de la presse et de l'édition, NosAncêtres- Vie & Métiers, juillet-août 2009.
(35) Dgi, Précis de fiscalité : PF/LI/5°P/T1/C1°/C, 428-1.
(36) Ibid., 428-4.
(37) Ibid., 428-1.
(38) Ibid., 428-2.
(39) Boi, 5-F-14-99 n° 19.
(40) TA Versailles, 7e ch., 22 déc. 2005, M. Faubert, n° 0406850 : il s'agissait enl'espèce d'un journaliste pigiste ayant exercé pendant huit mois la 1re année ettrois mois la 2e année fiscale.
(41) TA Paris, 1re sect., 3e ch., 29 mai 2009, M. David Tene, n° 0422677 : le journalisteavait travaillé huit mois sur l'année.
(42) TA Melun, 7e ch., 5 janv. 2010, M. et Mme Fendt, n° 0601857/7 : la journaliste,rédactrice dans une publication juridique, avait travaillé huit mois dans l'année.
(43) Lettre du sous-directeur du contrôle fiscal au secrétaire général du Snj endate du 30 décembre 2004. À noter que les autres passages de la lettre sontnuls et non avenus au regard de la jurisprudence administrative citée dans laprésente note.