Le développement de la télévision connectée, intégrant l'internet et les caractéristiques du web 2.0 aux téléviseurs, constitue une nouvelle étape dans la convergence de l'internet et de la télévision et pose la question de sa régulation. En effet, la séparation entre le Csa, régulateur des contenus et des libertés publiques, et de l'Arcep, régulateur économique des réseaux, devient de plus en plus floue. À l'heure où le Premier ministre a annoncé réfléchir au rapprochement entre ces deux instances, le déploiement de la télévision connectée semble appeler à une extension du champ d'application du droit de l'audiovisuel à tous les services délinéarisés. De plus, un éventuel rapprochement entre l'Arcep et le Csa doit être examiné au regard de la gestion efficace du spectre radioélectique et de la neutralité du Net.
1. La télévision connectée à internet permet au consommateur d'accéder au monde de l'audiovisuel et celui de l'internet sur le même terminal, en tout lieu, à tout moment (1). Dans une conception large, elle recouvre également les services de télévision accessibles via les consoles de jeux, les téléphones multifonctions et les tablettes (2).2. Elle réunit sur un même écran trois grandes catégories d'acteurs réglementées et régulées différemment (3). Les diffuseurs sont des ...
Éléonore SCARAMOZZINO
Avocat au Barreau de Paris, Scaraye
1er septembre 2012 - Légipresse N°297
5568 mots
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(2) Rapport de mission sur les perspectives du secteur audiovisuel à l'horizon 2015,Dominique Richard. 2011.
(3) Rapport sur la Télévision connectée, mission confiée à MM. Candilis, Levrier,Manigne, Rogard et Tessier, novembre 2011.
(4) La régulation s'oppose à l'approche « normativiste » de l'action administrativequi régente a priori les comportements sous peine de sanction ; elle offre unevision différente plus concrète, où « le droit est envisagé sous l'angle de l'action,comme une composante de la réalité sociale et saisi dans une dynamique. ( )La régulation apparaît comme une alternative à l'intervention autoritaire de lapuissance publique dans le jeu des relations sociales ; elle désigne un mode d'ajustementdes intérêts faisant appel à des procédés plus souples, moins contraignants,et s'inscrit plutôt dans une perspective de déréglementation », Jean-Louis Autinet Catherine Ribot, Manuel de droit administratif général, 4e édition, LexisNexisLitec, 2005.
(5) Décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la productiond'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffuséspar voie hertzienne terrestre, Jorf n° 0152 du 3 juillet 2010, page 12098; Décretn° 2009-1271 du 21 octobre 2009 relatif à la contribution à la productionaudiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienneterrestre en mode analogique, Jorf n° 0245 du 22 octobre 2009, p. 17673;Décret n° 2010-1379 du 12 novembre 2010 relatif aux services de médiasaudiovisuels à la demande, Jorf n° 0264 du 14 novembre 2010 page 20315; Décretn° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique etaudiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de servicesde radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées parle Conseil supérieur de l'audiovisuel, Jorf n° 0100 du 29 avril 2010, page 7774.
(6) IP (Internet Protocol) : protocole de télécommunications utilisé sur les réseauxqui servent de support à internet. Il utilise une technique dite de commutationde paquets. Iptv : diffusion d'émissions de télévision à partir d'un signal utilisantla norme IP.
(7) Vidéo à la demande à l'acte, par abonnement.
(8) Codifiée à l'article 302 bis KC du Cgi.
(9) Codifiée aux articles 302 bis KH et 1693 sexies du Cgi.
(10) Cette taxe reversée au groupe France Télévisions pour compenser la pertede recettes publicitaires liées à la suppression de la publicité dans l'audiovisuelpublic n'entre pas dans la catégorie de taxe administrative prévue par lesarticles 12 et 13 de la directive 2002/20/CE dite « directive autorisation ». Unavis motivé a été adressé le 30 septembre 2010 à l'Espagne et à la France parla Commission européenne estimant que la taxe est incompatible avec le droitde l'UE dans le domaine des télécommunications. La Commission européennea traduit la France et l'Espagne devant la Cjue le 14 mars 2011.
(11) Article 17-1 de la loi de 1986.
(12) L'Internet est un réseau à commutation de paquets à l'architecture et auxprincipes simples, qui ne fournit qu'un service dit « best-effort (delivery) » c'està-dire sans aucune garantie de qualité sur le débit disponible, le délai subi ouencore les pertes de paquets.
(13) La question de l'e-fiscalité ne sera pas traitée. Le gouvernement a décidé,le 12 juillet, de lancer une mission d'expertise sur la fiscalité de l'économienumérique.
(14) Communiqué du 21 août 2012. Cette réflexion s'appuiera sur les positionsde l'Arcep et du Csa et sera coordonnée avec celle conduite par Pierre Lescuresur l'acte II de l'exception culturelle.
(15) Directive 2010/13/UE, du 10 mars 2010 visant à la coordination de certainesdispositions législatives, réglementaires et administratives des États membresrelatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Servicesde médias audiovisuels »), JO L 95 du 15 avril 2010.
(16) Voir sur cette question Suzanne Nikoltchev (éd.), Iris Spécial : La réglementationdes services audiovisuels à la demande : chaos ou cohérence ?, Strasbourg,Observatoire européen de l'audiovisuel, 2011.
(17) Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009, relative à la communication audiovisuelleet au nouveau service public de télévision, modifiant l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
(18) Article 36 de la loi du 5 mars 2009 modifiant l'article 2 de la loi n° 86-1067du 30 septembre 1986.
(19) Article 1 b) de la directive 2010/31/UE : « programme : un ensembled'images animées, combinées ou non à du son, constituant un seul élément dansle cadre d'une grille ou d'un catalogue établi par un fournisseur de services demédias et dont la forme et le contenu sont comparables à ceux de la radiodiffusiontélévisuelle. Un programme est, à titre d'exemple, un film long métrage, une manifestationsportive, une comédie de situation, un documentaire, un programme pourenfants ou une fiction originale ».
(20) Synthèse de la consultation relative au déploiement des services relevantde l'article 30-5 de la loi du 30 septembre 1986 aux données associées aux servicesde la Tnt et de la Rnt ainsi qu'à la régulation des Smad, Csa mars 2010, p. 2.
(21) M. D. Cole, « Le cadre juridique européen des services à la demande : Quelledirective pour quels services ? », pp. 41 à 53, et Joan Barata Mir « Les attentesdes législateurs et des autorités de régulation dans le domaine des servicesde médias audiovisuels à la demande », pp 105-111 in S. Nikoltchev (éd.), Laréglementation des services audiovisuels à la demande : chaos ou cohérence ?,Strasbourg, Observatoire européen de l'audiovisuel, 2011.
(22) Article 15 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l'application desarticles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principesgénéraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière depublicité, de parrainage et de télé-achat.
(23) Article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.
(24) Décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 fixant les principes généraux concernantla diffusion des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles par leséditeurs de services de télévision.
(26) Le Csa veut étendre sa juridiction à YouTube et Dailymotion : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/06/06/le-csa-veut-etendre-sa-juridictiona-youtube-et-dailymotion_1713383_651865.html
(27) Voir sur cette question Suzanne Nikoltchev (éd.), Iris Spécial : La responsabilitééditoriale, Strabourg, Observatoire européen de l'audiovisuel, 2008.
(28) Une absence de responsabilité éditoriale, telle que définie par la directiveSmav (art. 1er, c)), n'implique pas juridiquement l'application du régime du « SafeHarbour », puisque les deux directives sont autonomes. Cependant, l'approcheest commune et garantit la cohérence du droit européen.
(29) L'article 12 de la directive 2000/31/CE subordonne l'exemption de responsabilitéà la condition que le prestataire « ne soit pas à l'origine de la communication» et « ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l'objet de latransmission ». Le considérant 42 de la directive e-commerce et son article 12retiennent l'absence de connaissance des informations transmises et n'exercentaucun contrôle sur le contenu.
(30) Voir sur cette question le point « 3.4. Lutter plus efficacement contre lesabus et mieux résoudre les litiges », de la communication de la Commission du11 janvier 2012, Un cadre cohérent pour renforcer la confiance dans le marchéunique numérique du commerce électronique et des services en ligne, COM(2011) 942 final. Considérant qu'une révision de la directive e-commerce seraitactuellement prématurée, la Commission s'engage à adopter une initiativehorizontale sur les procédures de notification et action (p. 16).
(31) Rapport sur la Télévision connectée, novembre 2011, p. 14.
(32) Voir sur cette question : Suzanne Nikoltchev (éd.), Iris-Spécial : la recherche decontenus audiovisuels, Strasbourg, Observatoire européen de l'audiovisuel, 2008.
(33) Antitrust : La Commission enquête sur des allégations d'infraction auxrègles antitrust par Google, IP10/1624. En effet, le 21 mai 2012, le Commissaireeuropéen en charge de la concurrence, invitait Google à lui transmettre desmesures visant à remédier aux abus de position dominante sur le marché de larecherche, identifiés par l'enquête initiée en novembre 2010 par les services dela direction générale de la concurrence, suite au dépôt de plaintes de concurrents.L'instruction a relevé l'existence de pratiques discriminatoires mises enoeuvre par le moteur de recherche privilégiant ses services par rapport à ceuxde ses concurrents.
(34) La télévision européenne face à la TV.2.0 ?, Eléonore Scaramozzino, Éd. Larcier,2012.
(35) Cette question est traitée au II.2.2.
(36) La communication de la Commission du 3 mars 2010 relative à la stratégieEurope 2020 et dans la communication de la Commission du 26 août 2010relative à la stratégie numérique pour l'Europe.
(37) Le plan de fréquences actuel en France apparaît donc plutôt comme lerésultat d'une stratification progressive que comme le fruit de l'optimisationd'une ressource rare que constitue le spectre.
(38) Décision n ° 243/2012/UE du Parlement européen et du Conseil du 14 mars2012 établissant un programme pluriannuel en matière de politique du spectreradioélectrique, JO n° L 081 du 21 mars 2012, p. 007-0017.
(39) Le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur, le ministère de laRecherche, le ministère des Transports, le ministère en charge de l'Espace pourle Cnes et toutes les applications spatiales, et enfin l'aviation civile.
(40) Ces dispositions sont en conformité avec la directive communautaire2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 dite« Autorisation », qui aux termes de son article 5-2 laisse aux États membres lapossibilité de conditionner l'attribution des fréquences à la réalisation d'objectifsd'intérêt général.
(41) Cela a été le cas, en 2011, pour les deux règlements de différend opposantles sociétés Towercast et Tdf.
(42) Article 17-1 de la loi de 1986 modifiée.
(43) Le groupe a notamment traité du marché de la radiodiffusion, de la télévisionconnectée et de la neutralité de l'internet.
(44) Communication de la Commission européenne « Encourager l'utilisationpartagée des ressources du spectre radioélectrique dans le marché intérieur », COM(2012) 478 final, 3 septembre 2012.
(45) Une coopération plus étroite entre le Csa Arcep Anfr avait été évoquéeen 2011, voir également sur cette question le rapport d'information de la Commissiondes Affaires économiques sur le bilan et les perspectives d'évolutionde l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes(Arcep), par le sénateur Bruno Retailleau, 27 juin 2007.
(46) T. Wu, « Network Neutrality, Broadband Discrimination », J. on Telecomm.and High Tech. Law, 2003, vol. 2, p. 141.
(47) La « gestion de trafic » renvoie, selon la définition retenue par l'Autorité derégulation des communications électroniques et des postes (Arcep), à toutesles formes techniques d'intervention sur les flux de données mises en oeuvreen prenant en compte la nature du trafic, ou encore l'identité ou la qualité deson émetteur ou de son destinataire. Arcep, Neutralité de l'internet et des réseaux :Propositions et recommandations, septembre 2010. Il ne s'agit pas de modifier lecontenu du trafic, mais de modifier son acheminement en fonction de certainesde ses caractéristiques, p. 10.
(48) COM (2011) 222 final, p. 8.
(49) Le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne, à l'automne2011, ont adopté des positions soutenant la préservation de la neutralité del'internet. Le premier a notamment reconnu « la nécessité d'une gestion raisonnabledu trafic afin de garantir que la connectivité des utilisateurs finaux n'est pasinterrompue par une congestion du réseau ». Le Conseil de l'Union européenne aexprimé une position similaire dans ses conclusions du 13 décembre 2011.
(50) Arcep, Neutralité de l'Internet et des réseaux : Propositions et recommandations,septembre 2010.
(51) Ces principes découlent directement des recommandations nos 1 et 2.
(52) Le 29 mai 2012, la Commission a annoncé un projet de recommandationspécifique, Stratégie numérique : la Commission lance une consultationpublique sur la préservation de l'internet ouvert (neutralité du Net), 23 juillet2012, IP/12/817.
(53) Comme le témoigne l'affaire Cogent vs Orange, position de l'Autorité de laconcurrence, 10 mai 2011, www.autoritedelaconcurrence.fr
(54) Elle a adopté le 29 mars 2012, la décision no 2012-0366 qui vise à connaîtreles conditions techniques et tarifaires d'interconnexion et d'acheminementde données entre opérateurs et Fca ayant un impact sur les utilisateurs situésen France. Cependant, cette initiative se heurte à l'hostilité des opérateurs, quicontestent le fondement juridique de la démarche ainsi que le caractère disproportionnéde ce contrôle, sans qu'un dysfonctionnement véritable n'ait étéidentifié. Voir Synthèse des contributions à la consultation publique qui s'estdéroulée du 23 décembre 2011 au 17 février 2012, www.arcep.fr. Cette décisionest contestée sur son fondement juridique, Verizon et AT&T ont déposé unrecours devant le Conseil d'État, visant à faire échec à toute tentative de l'Arcepde collecter des données sur le marché de l'interconnexion.
(55) Arrêt de la Cjue du 24 novembre 2011, C-70/10, Scarlet Extend SA c. Sociétébelge des auteurs et compositeurs, et arrêt de la Cjue du 16 février 2012, C-360/10,Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers Cvba (Sabam) à NetlogN. V. (« Netlog »).
(56) Rapport d'Information de la Commission des affaires économiques surla neutralité de l'internet et des réseaux, présenté par Mme Corinne Erhel etMme Laure de La Raudière, avril 2011.
(57) Loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptationde la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travailet de communications électroniques, Jorf n° 0069 du 23 mars 2011, page 5186.
(58) L'ordonnance n° 2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communicationsélectroniques a pour objet, dans son titre premier, de transposer les directives2009/136/CE et 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre2009 modifiant cinq directives de 2002, Jorf n° 0197 du 26 août 2011,page 14473.
(59) Décret n° 2012-436 du 30 mars 2012 portant transposition du nouveaucadre réglementaire européen des communications électroniques, Jorf n° 0078du 31 mars 2012, page 5907, et Décret n° 2012-488 du 13 avril 2012 modifiantles obligations des opérateurs de communications électroniques conformémentau nouveau cadre réglementaire européen, Jorf n° 0090 du 15 avril 2012,page 6919.
(60) Article L. 36-8, 2° du Cpce.
(61) Article L. 32-4, 2° du Cpce.
(62) La mission sur la télévision connectée, la Commission Lancelot, Rapportde mission sur les problèmes de concentration dans les médias, Commissioninstituée par décret 2005-217 du 8.03.2005, décembre 2005, le Rapport d'Informationsur les autorités indépendantes, rédigé par les députées René Dosièreet Christian Vanneste, Assemblée nationale, 28 octobre 2010.