Le discours politique jouit depuis la loi du 29 juillet 1881 d'une grande liberté, régulièrement réaffirmée au visa de l'article 10 de la Cedh par la Cour européenne des droits de l'homme. De fait, si une quasi-immunité est reconnue à la polémique politique, par les textes comme la jurisprudence, des limites sont toutefois posées. Elles tiennent, d'une part, à la distinction que fait la jurisprudence entre la liberté laissée aux « jugements de valeur » et les « allégations de faits précis » et, d'autre part, au droit qu'a toute personne mise en cause à la contradiction, sauf à fausser le libre jeu démocratique.
Lorsque les révolutionnaires ont dit, en 1789, que la liberté d'expression était « un des biens les plus précieux de l'homme », ils avaient surtout en tête le droit pour tout un chacun d'exprimer ses opinions politiques sans avoir à craindre de finir dans les geôles de la Nation. La bonne marche d'une démocratie suppose en effet que celle-ci garantisse aux citoyens, et plus spécialement aux dépositaires de l'expression publique, que sont les hommes publics eux-mêmes et les ...
Basile Ader
Avocat au Barreau de Paris
1er avril 2012 - Légipresse N°294
4976 mots
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(1) * Cet article a été retravaillé à partir d'une intervention faite dans un colloquesur le thème « Quelle liberté d'expression en matière politique ? », organisé par laCommission ouverte de droit de la presse du Barreau de Paris, le 11 avril 2012, àla Maison du Barreau.
(2) Arrêt Handyside du 7 décembre 1976 § 49 en 7 décembre 1976.
(3) Parti Communiste unifié de Turquie c/ Turquie 30 janvier 1998 § 46 et Desjardinc/ France du 22 novembre 2007 § 47.
(4) Castells c/ Espagne 23 avril 1992 § 42 ; Piermont c/ France 27 avril 1995 § 76 etencore tout récemment De Lesquen du Plessis-Casso c/ France du 12 avril 2012§ 38.
(5) Voir à ce titre le rappel qu'en fait Yves Baudelot dans « Droit et Polémique »,Légipresse juin 1999-II, page 71 ou Nathalie Mallet-Poujol dans « Le juge etl'idéologie dans les procès en diffamation », Légipresse n° 218 janvier/février2005 I, page 1
(6) Voir par exemple : Ch. crim. 23 mars 1978 Bull. Crim. N° 115 Ch. crim.9 juillet 1981 Bull. Crim. N° 219 Ch. crim. 11 juin 1981 Bull. Crim. N° 195 ouCh. civ. 2e 14 janvier 1988 Dalloz 1999 jurisprudence page 134.
(7) Ch. crim. 14 janvier 2003, Légipresse avril 2003-I, page 28 et Ch. crim. 16 décembre1986, Bull. Crim. N° 374 ; Ch. crim. 20 octobre 1992, Bull. Crim. N° 329
(8) Nathalie Mallet-Poujol précité.
(9) Lindon et autres c/ France, 22 octobre 2007 § 46, Brasilier c/ France, 11 avril2006 § 47, Renault c/ France, 25 février 2010 § 39.
(10) Ch. crim. 14 mai 2002, Légipresse novembre 2002- I, n° 196
(11) Voir à ce sujet le récent jugement rendu par la 17e chambre le 7 décembre2011, déboutant Alain Madelin de son action en diffamation contre MonsieurVincent Peillon qui retient, au visa de l'article 10 de la Cedh, que le propos quirappelle des condamnations passées, « se place dans le cadre d'un débat d'intérêtgénéral à l'occasion d'une campagne électorale et oppose des hommes politiquesque même si le demandeur n'exerce plus de fonction politique » en ajoutant « l'importancedes fonctions politique qu'il a exercées conférait aux propos tenus un butlégitime en alimentant le débat relatif aux limites de l'information du public sur unéventuel passé judiciaire des hommes politiques ».
(12) Voir également Cour d'appel de Rouen, 17 février 1997, Dalloz 1998, Sommaire85 observations Bigot.
(13) Ainsi jugé 1re ch. civile le 24 octobre 2006, Bull. civ. 2006 I n° 437, à proposde la mise en examen du maire d'une commune ou de l'appartenance d'unhomme politique à la franc maçonnerie - Cassation civile, 27 février 2007, arrêtn° 06-10393 et 15 mai 2007 n° 06-18448 Voir également les développementsde Jean-Yves Monfort « L'apparition en jurisprudence du critère du débatd'intérêt général » Légipresse n° 290 janvier 2012-I, page 21.
(14) « Déclaration sur la liberté du discours politique dans les médias » adoptée parle Comité des ministres du Conseil d'Europe le 12 février 2004, Légipresse n° 211mai 2004-IV page 35, Commentaire Frédéric Gras.
(15) Voir Brasilier c/ France précité § 37 ; Desjardins c/ France précité § 42 ; Duplessis-Cassot § 43 ou De Haes et Gisèle Jsels c/ Belgique du 24 février 1997 § 47 ;Obershlick c/ Autriche 1er juillet 1997 § 33.
(18) Ch. Crim. 29 juillet 1899 Dalloz 1902 - I - page 118.
(19) Cour de cassation Ch. Crim. 25 octobre 2011 n° 10-87655.
(20) Ch. Crim. Cour de cassation 18 janvier 2011 n° 10-80886.
(21) Ch. Crim. 24 mai 2011 n° 10-83106.
(22) Voir par exemple : Ch. Crim. 16 mars 2004, Légipresse 2004 n° 211 I,page 59 Ch. crim. 29 novembre 1994, Bull. Crim. N° 381.
(23) Nathalie Mallet-Poujol : « Le juge et l'idéologie dans le procès en diffamation» précité.
(24) Cour de cassation, 2e ch. civ., 24 juin 1998, Bull. Civ. I, n° 212.
(25) Voir à ce sujet l'examen que font de cette « révolution » deux auteurs, enparticulier Jean Yves Monfort, « L'apparition en jurisprudence du critère de débatd'intérêt général dans le droit de la diffamation », et Christophe Bigot, « Laportée de la rénovation de la théorie de la bonne foi sous l'emprise de l'intérêtgénéral », Légipresse n° 290, janvier 2012 pages 21 et suivantes.
(26) Arrêt Brasilier c/ France du 11 avril 2006 précité - § 36.
(27) Arrêt Mamère c/ France du 7 novembre 2006 précité - § 25. Relevonségalement qu'à la suite de cet arrêt, comme désormais autorisée par les articles626-1 et suivants du Code de procédure pénale, Noël Mamère a demandéla révision de son procès, et fut à nouveau jugé par la cour d'appel de Paris quia dit qu'il était « autorisé à utiliser des formes imagées qui n'ont pas dépassés leslimites admissibles en matière de liberté d'expression garanties par le droit interne etconventionnel. », Cour d'appel de Paris, 11e chambre A 10 juin 2009, Légipressen° 266, page 230, Observations B. Ader.
(28) Ch. Crim. 23 mars 1978, Bull. Crim. N° 115.
(29) Cassation civile, 2e chambre, 16 novembre 1988, Semaine juridique édition Gn° 2 IV page 22.
(30) Ch. Crim. 18 janvier 2011, n° 10-80886.
(31) Ch. Crim. 1er février 2011, n° 10-81667.
(32) Conseil d'État, 31 juillet 2009, n° 31-8539.
(33) Conseil d'État, 29 juin 2005, n° 27-2859.
(34) Conseil d'État, 23 juillet 2009, n° 32-2425.
(35) Conseil d'État, 28 novembre 2008, n° 31-7864. Conseil d'État, 8 juin 2009,n° 32-1974.
(36) Ch. Crim. 16 février 1999, Bull. Crim. N° 22.
(38) Voir par exemple : Cour d'appel de Paris, 9 avril 1999, Légipresse 1999 I,page 99. Cour d'Appel de Paris, 20 septembre 2001, Légipresse 2001 I, page 1.
(39) Voir par exemple Lopes Gomes da Silva c/ Portugal, 28 septembre 2000, § 38.