Quel est le réel impact des exigences procédurales de la loi de 1881, si souvent dénoncées, sur l'issue des poursuites en matière de presse ? Cette étude, rigoureuse et inédite, recense l'intégralité des décisions rendues en 2010 en matière pénale par la 17e chambre du Tgi de Paris (chambre de la presse). Ainsi, toutes les décisions dans lesquelles des moyens de procédure ont été opposés à la poursuite (nullités, exceptions d'incompétence, moyens tirés de l'acquisition de la prescription, irrecevabilités ) ont été recensées et analysées. Ces statistiques précises permettront à tout un chacun de déterminer si ces règles processuelles constituent, ou pas, un obstacle majeur qui empêcherait les victimes d'infractions de presse d'obtenir la condamnation des auteurs de celles-ci et l'indemnisation de leur préjudice.
Les chausse-trappes procédurales de la loi du 29 juillet 1881 : tout juriste qui s'intéresse au droit des médias a déjà entendu ou lu cette expression imagée, qui assimile le parcours qui attend celui qui engage un procès de presse à un piège guettant les animaux sauvages. C'est même, peut-on dire, un des lieux communs les plus répétés de la littérature juridique spécialisée en la matière.On le retrouve fréquemment dans la doctrine, sous la plume de spécialistes éminents ...
Nicolas BONNAL
Magistrat
1er décembre 2011 - Légipresse N°289
8372 mots
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(2) De façon non exhaustive, citons B. Beigner, L'honneur et le droit, Lgdj, coll. Bibl.dr. Privé, 1995, t. 234, p. 152 et s. ; E. Derieux, Philosophie juridique du journalisme,ouvrage collectif sous la direction de Pascal Mbongo, Mare & Martin, Paris 2011,p. 73 et s. ; M. Véron, « Le parcours procédural en matière d'injures et de diffamationsenvers les particuliers », in La liberté de la presse et le droit pénal, Puam,1994, p 67-78 ; E. Dreyer, Responsabilité civile et pénale des médias, Litec, 2008
(3) L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, La Documentation Française,juin 2008.
(4) Pour l'anecdote, on citera, sans mentionner de nombreux blogs tenus pardes juristes, le site www.linguee.fr, un site de traduction qui propose, pourchaque expression, un florilège de citations bilingues : pour « droit de la presse »,le premier exemple offert est extrait du site d'un cabinet d'avocats qui définit lamatière comme « truffée de chausse-trappes ».
(5) Impossible de résister au plaisir de citer, avec le professeur Dreyer (op. cité),Marc Domingo : « la loi du 29 juillet 1881 est peuplée, sur son versant procédural,de monstres fantastiques et d'avortons étranges qui composent une galerie detératologie juridique rarement imitée dans d'autres secteurs du droit. » (« Atteintes àla réputation : la protection judiciaire pénale », Gaz. Pal. 1994, 2, doctr. p. 999)
(6) E. Derieux, « Faut-il abroger la loi de 1881 ? » Légipresse, n° 154, II p. 93, sept.1998.
(7) V. p. ex. Cass. Crim., 25 févr. 1980, Bull. Crim. 1980, n° 70, où la Cour, saisie del'applicabilité à la matière des articles 565 et 802 du Code de procédure pénalequi posent le principe qu'il n'y a pas de nullité sans grief tranche que ce texten'a pas abrogé « les dispositions exceptionnelles et impératives des alinéas 2 et 3 del'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lesquelles tendent àgarantir les droits de la défense et touchent à la protection de la liberté d'expressiontelle que la réglemente cette loi ».
(8) E. Derieux, « Faut-il abroger la loi de 1881 ? » déjà cité.
(9) L'auteur de cette étude doit remercier ici vivement le greffe de la 17e chambrecorrectionnelle du tribunal de grande instance de Paris, et spécialementMme Martine Vail, pour l'accès qui lui a été donné aux feuilletons d'audience etla copie de l'intégralité des décisions tranchant des moyens de procédure.
(10) Une telle liste n'est pas exhaustive ; l'immunité parlementaire, ou les immunitésde l'article 41 de la loi de 1881, qui s'attachent aux propos tenus lors dedébats parlementaires ou judiciaires et aux comptes rendus de tels débats,peuvent être assimilés à des moyens de procédure qui empêchent un examenau fond de la poursuite. Il en est de même du sursis à statuer lié à la situationprocédurale d'un des témoins de l'offre de preuve. Il se trouve que l'échantillonchoisi n'offre pas d'exemple de telles situations.