À la mesure de la surexposition médiatique, recherchée ou supportée, par les pipoles, la suractivité judiciaire des droits de la personnalité est source de dérives. En effet, en monétisant la vie privée et en faisant de sa protection une rente de situation, on contrefait les droits de la personnalité qui se destinent, fondamentalement, à la défense d'intérêts moraux, d'ordre extrapatrimonial. Ainsi, il apparaît que ces droits sont, dans certaines situations, détournés de leur finalité sociale. En outre, les droits de la personnalité participent régulièrement à un dévoiement de la procédure de référé et se transforment, bien souvent, en collecteurs d'indemnités. Face à ce constat, quels remèdes envisager ?
La Cour de cassation nous enseigne, doctement, que toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée (1). Au quotidien, il n'en est pourtant rien.La formule ne sert, en réalité, qu'à cautionner la captation du dispositif protecteur de la personnalité par ceux qui tirent profit de leur exposition publique. Les anonymes, Madame et Monsieur Toulemonde, ont il est vrai peu de risques qu'il soit fait ...
Grégoire Loiseau
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne - Université de Paris 1 ...
1er novembre 2011 - Légipresse N°288
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(2) Cass. 1re civ., 23 octobre 1990, Bull. civ., I, n° 222. - Cass. 1re civ., 27 février 2007,Bull ; civ., I, n° 85 ; Rtd civ. 2007, p. 309, obs. J. Hauser. - Cass. 1re civ., 22 mai 2008,pourvoi n° 07-13.165.
(3) On a gardé en mémoire l'image de cette femme en sang et en pleursphotographiée juste après l'attentat du Rer Saint-Michel. La condamnation del'entreprise de presse est censurée par la Cour de cassation, pour qui « la libertéde communication des informations autorise la publication d'images des personnesimpliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la dignité dela personne humaine » (Cass. 1re civ., 20 février 2001, Bull. civ., I, n° 42 ; D. 2001,p. 1199, note J.-P. Gridel, et somm., p. 1990, obs. A. Lepage ; Jcp 2001, II, 10533,note J. Ravanas ; Rtd civ. 2001, p. 329, obs. J. Hauser ; Dr. & Patr., juin 2001, p. 96,obs. G. Loiseau).
(4) V. encore, par exemple : Cass. soc., 5 juillet 2011, pourvoi n° 10-17.284, quirappelle que « le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respectde l'intimité de sa vie privée » et juge que, « si l'employeur peut toujours consulterles fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut lesutiliser pour le sanctionner s'ils s'avèrent relever de sa vie privée ».
(5) Cass. 1re civ., 3 avril 2002, Bull. civ., I, n° 110 ; D. 2002, p. 3164, note Ch. Bigot ;D. 2003, somm., p. 1546, obs. Ch. Caron ; Légipresse 2002, III, p. 170, note G.Loiseau. Cass. 1re civ., 22 mai 2008, pourvoi n° 07-13.165.
(6) Cedh, 23 juillet 2009, aff. Hachette Filipacci Associés c. France, req. n° 12268/03,point 52 ; Rtd civ. 2010, p. 79, obs. J. Hauser.
(7) V. Ch. Caron, « Brèves observations sur l'abus des droits de la personnalité »,Gaz. Pal., 18 mai 2007, n° 138, p. 47.
(8) V. encore Tgi Paris, ord. réf., 8 juin 2011, Légipresse 2011, p. 404, qui, pouraccorder une provision à valoir sur la réparation, décide que le retrait de l'articlelitigieux du site où il était mis en ligne n'empêche pas la saisine du juge desréférés, le demandeur étant libre de choisir de saisir le juge du fond ou celuides référés.
(9) On saluera ici la savoureuse et remarquable ordonnance de référé du jugeJoël Boyer, président de la 17e chambre du tribunal de grande instance deParis : Tgi Paris, ord. réf., 1er juin 2011, Légipresse 2011, p. 417, obs. B. Ader. Lemagistrat motive, entre autres choses, sa décision par la considération trèsjuste que « le préjudice est généralement, en cette matière, inhérent aux atteintes ;encore doit-il s'apprécier au regard du prix que les demandeurs paraissent attacher,non à la publicité qu'ils recherchent, mais aux valeurs que le droit protège ». V. aussi,réparant le préjudice à hauteur d'un euro symbolique : Tgi Paris, 15 juin 2011,Légipresse 2011, p. 404.
(10) V. not. Cass. 1re civ., 5 novembre 1996, Bull. civ., I, n° 378 ; Jcp 1997, II, 22805,note J. Ravanas et I, 4025, n° 1, obs. G. Viney ; Rtd civ. 1997, p. 632, obs. J. Hauser.V. encore Tgi Paris, ord. réf., 1er juin 2011, préc. - Tgi Paris, 15 juin 2011, préc.
(11) Trib. arbitral Paris, 7 juillet 2008, Rev. Lamy dr. aff. 2008, n° 33, p. 27, obs. V. Forti.