Par sa décision n° 2011-131 Qpc du 20 mai 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel le 5e alinéa de l'article 35 de la loi de 1881, qui interdit de se prévaloir de l'exceptio veritatis lorsque les faits présumés diffamatoires ont plus de dix ans. Cette décision apparaît essentielle dans sa contribution à la protection constitutionnelle de la liberté d'expression. En effet, le Conseil constitutionnel y affirme son contrôle sur l'ensemble du droit de la presse, et fait définitivement primer la liberté d'expression sur le droit à l'oubli. Néanmoins, la décision invite également à se demander si la Qpc est un mécanisme équilibré pour contrôler la constitutionnalité des règles limitant la liberté d'expression.
I. Au sein des droits et libertés que la Constitution garantit, la protection constitutionnelle de la liberté d'expression apparaît peu développée. L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui élève la libre communication des pensées et des opinions au rang des droits les plus précieux de l'homme, et que le Conseil constitutionnel proclame justement comme étant la condition du caractère démocratique de notre État, a fait l'objet d'un nombre assez ...
Guillaume LÉCUYER
Avocat aux Conseils
1er juillet 2011 - Légipresse N°285
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(2) On entend par « utiles » les décisions répondant à des griefs pertinemmentsoulevés par les auteurs de la saisine.
(3) Déc. n° 81-129 DC du 31 octobre 1981, Loi portant dérogation au monopoled'Etat de la radiodiffusion ; déc. n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communicationaudiovisuelle ; déc. n° 84-176 DC du 25 juillet 1984, Loi modifiant laloi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et relative à certainesdispositions applicables aux services de communication audiovisuelle soumisà autorisation ; déc. n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter laconcentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme desentreprises de presse ; déc. n° 86-210 DC du 29 juillet 1986, Loi portant réformedu régime juridique de la presse ; déc. n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loirelative à la liberté de communication ; déc. 88-288 DC du 17 septembre 1989,Loi relative à la liberté de communication ; déc. n° 93-33 DC du 30 septembre1993, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la libertéde communication ; déc. n° 2000-428 DC du 4 mai 2000, Loi organisant uneconsultation de la population de Mayotte ; déc. n° 2000-433 DC du 27 juillet2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à laliberté de communication ; déc. n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Loi portantdiverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel ; déc. n° 2004-497 DC du1er juillet 2004 ; déc. n° 2007-550 DC du 27 février 2007 ; déc. n° 2009-577 DCdu 3 mars 2009, Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communicationaudiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ; déc. n° 2009-580DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création surinternet (Hadopi I).
(4) Déc. n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur; déc. n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux établissementspublics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
(5) Déc. n° 94-345 DC du 29 juillet 1994, Loi relative à l'emploi de la languefrançaise, cons. n° 10.
(6) Déc. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons.n° 99 s.
(7) Cf. B. Beignier, B. de Lamy, E. Dreyer, Traité de droit de la presse, Litec 2009,n° 153.
(8) Cass., 7 mai 2010, pourvoi n° 09-80774.
(9) Crim., 7 juin 2011, pourvoi n° 10-88315, à paraître au Bulletin.
(10) Cass., 31 mai 2010, pourvoi n° 09-87578. Le refus de renvoi a été justifié parla circonstance que le moyen d'inconstitutionnalité revenait à critiquer la jurisprudencede la Cour de cassation et non la disposition législative elle-même.La question mériterait d'être posée à nouveau à la lumière de la jurisprudencedu Conseil constitutionnel soumettant à la question prioritaire de constitutionnalitél'interprétation constante d'une disposition législative (cf. déc. n° 2010-39Qpc du 6 octobre 2010, cons. n° 2).
(11) Cass., 16 juillet 2010, pourvoi n° 10-90081, contestation de l'article 31 auregard du respect du principe d'égalité ; Cass., 28 sept. 2010, pourvoi n° 10-90096, contestation de l'article 35 ter I incriminant la diffusion sans son accordde l'image d'une personne identifiée ou identifiable placée en détention provisoireau regard du respect du principe de légalité criminelle ; Crim., 7 décembre2010, pourvoi n° 10-83698, contestation de l'article 59 limitant à trois joursnon francs le délai de pourvoi en cassation au regard du droit à un recourseffectif et aux droits de la défense ; Cass., 23 juin 2011, pourvoi n° 11-40023,contestation de l'article 65-1 qui place les victimes d'une atteinte à la présomptiond'innocence dans une situation procédurale plus précaire par rapport àcelle réservée par l'article 9 du Code civil aux personnes victimes d'atteinte àl'intimité de la vie privée.
(12) Crim., 15 mars 2011, pourvoi n° 10-90129, à paraître au Bulletin.
(13) Cf. G. Eveillard, Abrogation implicite ou inconstitutionnalité de la loi ?, Rfda2011, p. 353, n° 14 et 20.
(14) CE ass. 16 déc. 2005, rec. p. 570, Rfda 2006, p. 41, concl. Stahl, énonçant que« s'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité d'un texte législatifaux dispositions constitutionnelles en vigueur à la date de sa promulgation, illui revient de constater l'abrogation, fût-elle implicite, de dispositions législatives quidécoule de ce que leur contenu est inconciliable avec un texte qui leur est postérieur,que celui-ci ait valeur législative ou constitutionnelle ».
(15) Crim. 18 nov. 1985, Bull. crim. n° 359 ; adde O. Desaulnay, L'application de laConstitution par la Cour de cassation, Dalloz, 2009, n° 1051 s.
(16) Déc. n° 2010-79 DC du 17 déc. 2010, Daoudi ; déc. n° 2010-52 Qpc du 14 octobre2010, Compagnie agricole de la Crau.
(17) G. Eveillard, op. cit., n° 16.
(18) La formule a été inaugurée dans la décision Hadopi I, préc., cons. n° 15, et aété reprise dans la déc. n° 2010-3 Qpc, cons. n° 6.
(19) Déc. n° 94-345 DC, cons. n° 5.
(20) Cf. déc. n° 94-352 DC du 18 mai 1995, cons. n° 23 ; déc. n° 2003-467 DC du13 mars 2003, cons. n° 103.
(21) Sur les différents types de contrôle, cf. G. Drago, Contentieux constitutionnelfrançais, Puf 2011, n° 412 et 413 ; comp. D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel,Montchrestien, 2010, p. 144 s.
(22) Cf. G. Levasseur, « Réflexions sur l'exceptio veritatis », in Mél Chavanne, Litec.1990, n° 26 s. ; N. Mallet-Poujol, « Diffamation et histoire contemporaine »,Légipresse, 1996, n° 134, II, p. 97 ; D. de Bellescize, « L'histoire, otage de la loi du29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », in Clé pour le siècle, Dalloz, 2000, p. 1306 s.
(23) Cf. Cedh, 17 févr. 2006, Mamère, req. n° 12697/03, § 24 ; adde l'affaire Lingensdu 8 juillet 1986, req. n° 9815/82, § 43, à propos de la polémique portant surl'attitude des Autrichiens et du chancelier Kreisky face au national-socialismeet sur la participation d'anciens nazis à la direction de ce pays ; cf. égalementl'incidente de l'arrêt Colombani du 25 juin 2002, req. n° 51279/99, § 66.
(24) Déc. n° 88-224 DC du 20 juillet 1988, cons. n° 24.
(25) Cf. Traité de droit de la presse et des médias, préc. n° 789.
(26) 1re Civ., 20 nov. 1990, Bull. civ., I, n° 256 ; 2e Civ., 3 juin 2004, Bull. civ., II, n° 272.
(27) Sur la différence quant à l'effet inter partes ou au contraire erga omnes de la déclaration d'inconstitutionnalité entre les deux idéaux-types de justiceconstitutionnelle que constituent la Cour suprême des États-Unis ou le modèlekelsénien européen, v. G. Drago, op. cit., n° 35 s.
(28) Cf. notre thèse, Liberté d'expression et responsabilité Étude de droit privé,Dalloz, 2006, n° 284 s.
(29) La réserve d'interprétation constructive est celle qui consiste à ajouter à laloi ce qui lui manque pour être constitutionnelle. Sur les différentes catégoriesd'interprétation sous réserve, cf. G. Drago, op. cit., n° 639 s. ; L. Favoreu et alii.,Droit constitutionnel, Dalloz, 2009, n° 468.
(30) Pour une illustration, cf. déc. n° 2003-467 DC préc., cons. n° 104.