Le récent communiqué de la Cnil, se félicitant que le G8 ait appelé à la définition d'approches communes dans le domaine de la vie privée, témoigne de la préoccupation de son président, M. Türk, de « franchir un pas décisif en la matière, face au développement du numérique ». Ainsi, la condamnation, le 17 mars 2011, de Google et de son service Street View, pour « atteinte à la vie privée, au secret des correspondances et à la liberté d'expression » montre bien que la physionomie de cette protection évolue. Un glissement s'opère de la protection des données personnelles à la garantie de la vie privée, qui devient une valeur sociale, un objectif d'action publique.
Longtemps confinée au rôle d'autorité de contrôle de la collecte et du traitement de données nominatives par l'administration ou les entreprises, la Cnil se fait désormais le champion de la protection de la vie privée de chacun et de tous.Le mouvement accompagne une sociétalisation du traçage par le déploiement, notamment, de technologies intrusives, comme les dispositifs de vidéosurveillance ou de géolocalisation. L'évolution à l'oeuvre, si elle n'est pas encore pleinement ...
Grégoire Loiseau
Professeur à l'École de droit de la Sorbonne - Université de Paris 1 ...
1er juin 2011 - Légipresse N°284
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(2) Le président de la Cnil, Alex Türk, vient cependant de consacrer un ouvrageà la question : La vie privée en péril. Des citoyens sous contrôle, 2011. V. aussiA. Lucas-Schoetter, « Droit à la vie privée et protection des données personnellesversus liberté d'expression », Légipresse 2011, n° 282, p. 217. - J. Antippas,Les droits de la personnalité : de l'extension au droit administratif d'une théoriefondamentale de droit privé, th. Paris II, 2010, spéc. n° 171 et s., p. 227 et s.
(3) V. not. Délibération n° 2009-201 du 16 avril 2009, Rev. dr. trav. 2010, p. 108,obs. L. Marino. - Délibération n° 2010-112 du 22 avril 2010, Légipresse 2011,p. 63, obs. G. Loiseau.
(4) Délibération n° 2011-035.
(5) V. not. Le Monde du 23 mars 2011, p. 22 : « La Cnil s'attaque aux abus desservices de géolocalisation sur internet » par L. Girard.
(6) V. aussi la Convention élaborée au sein du Conseil de l'Europe le 28 janvier1981, pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisédes données à caractère personnel, dont le but est « de garantir, sur le territoirede chaque partie, à toute personne physique ( ) le respect de ses droits et de seslibertés fondamentales, et notamment de son droit à la vie privée, à l'égard du traitementautomatisé des données à caractère personnel la concernant » (article 1er).
(7) A. Lucas-Schoetter, préc., p. 219.
(8) A. Lucas-Schoetter, préc., p. 217 et s.
(9) Alex Türk, préc., p. 191.
(10) Délibération n° 2011-035, p. 24, dernier §.
(11) Seule une conception hypertrophiée de la vie privée permet de retenir quela collecte des adresses IP des internautes constitue une interférence dans leurdroit au respect de la vie privée (v. en ce sens les conclusions de l'avocat généralprès la Cour de justice de l'Union européenne Pedro Cruz Villalon, en datedu 14 avril 2011, affaire C-70/10, Scarlet Extended c/ Sabam, § 76, se référant àl'opinion du contrôleur européen des données).
(12) V. not. Cedh, 2 septembre 2010, affaire Uzun c. Allemagne, req. n° 35623/05,spéc. § 43 et 46 ; D. 2010, p. 2161, note S. Lavric. V. également, sur cette décision,H. Matsopoulou, « La surveillance par géolocalisation à l'épreuve de laConvention européenne des droits de l'homme », D. 2011, p. 724. V. aussi Cedh,3 avril 2007, affaire Copland c. Royaume-Uni, req. n° 62617/00, § 44, qui juge que« la collecte et la conservation, à l'insu de la requérante, de données à caractère personnelse rapportant à l'usage qu'elle faisait du téléphone, du courrier électroniqueet de l'Internet ont constitué une ingérence dans l'exercice du droit de l'intéressée aurespect de sa vie privée et de sa correspondance, au sens de l'article 8 ».
(13) L'exposé des motifs de la proposition de loi présentée par les sénateursYves Détraigne et Anne-Marie Escoffier rend d'ailleurs clairement compte del'intégration de la protection des données personnelles dans celle, plus générale,de la vie privée. V. déjà, dans cette démarche, la directive 2002/58/CE du12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel etla protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniquesqui vise à « garantir un niveau égal de protection des données à caractèrepersonnel et de la vie privée aux utilisateurs de services de communications électroniquesaccessibles au public » (considérant 4).
(14) Délibération n° 2011-035, p. 24, § 8.
(15) Délibération n° 2011-035, p. 22, § 2.
(16) V. supra.
(17) V. Cedh, 2 septembre 2010, préc., spéc. § 49 à 52, qui décide qu'une surveillancepar Gps peut constituer une ingérence dans la vie privée.
(18) V. Libération du 22 avril 2011, p. 34 : « Les clients tracent et Apple piste » parA. Hervaud. Pour le secrétaire général de la Cnil, « ce traçage personnel est intrusifet dangereux. Les personnes ne sont pas informées de cette géolocalisation et l'onignore si ces informations sont transmises à un tiers ou uniquement conservéesdans le terminal mobile de l'ordinateur du seul utilisateur. Il faudrait savoir si cesdonnées sont transférées vers la société Apple ou des sociétés tierces à des finscommerciales ».
(19) Certaines législations, comme celle de l'État de Californie, coupent radicalementcourt à ces pratiques. Ainsi, il est prévu que « aucune personne ou entitédans cet Etat ne peut utiliser d'outil informatique pour déterminer la localisation oules mouvements d'un individu ».