En fournissant régulièrement du travail à un pigiste pendant une longue période, une entreprise de presse fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel l'entreprise est tenue de fournir du travail. Les manquements de la société d'éditions à ses obligations d'employeur de fournir du travail régulier à la salariée et de la rémunérer en conséquence sont suffi samment graves pour faire droit à la demande de résiliation judiciaire de son contrat aux torts de la société, produisant les eff ets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans cette affaire, pour laquelle le Conseil de prud'hommes de Nanterre s'est prononcé, par un jugement du 12 décembre 2008, et sur laquelle la Cour d'appel de Versailles a statué, le 28 juillet 2010, pour en confirmer quelques éléments et en infirmer d'autres, la demanderesse (S. Foy) réclamait, pour certaines périodes pour lesquelles cela lui était contesté par la société éditrice (Éditions Larivière) : la reconnaissance de sa qualité de journaliste professionnelle ; la ...
Cour d'appel, Versailles, 17e ch., 28 juillet 2010, S. Foy c/ Éditions Larivière
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(2) Derieux, E. et Granchet, A., « Définition du journaliste professionnel », Droitdes médias. Droit français, européen et international, Lextenso éditions, Lgdj, 6eéd., 2010, pp. 379-402 ; Derieux, E. et Granchet, A., « Définition de la professionde journaliste », Le droit des médias, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 4e éd.,2010, pp. 76-81.
(3) « Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulièreet rétribuée d'apporter une collaboration intellectuelle et permanente à une publicationpériodique en vue de l'information des lecteurs » (Cass. soc., 5 mars 1987,Melle Mermet). « Les journalistes s'entendent de ceux qui apportent une collaborationintellectuelle et permanente à des publications périodiques en vue de l'informationdes lecteurs » (CE, 1er avril 1992, G. Brouty, Légipresse, décembre 1992, n° 97.III.138). Dans un arrêt du 17 juin 2010, la 2e chambre civile de la Cour de cassationdécrit l'« activité de journaliste » comme comportant, selon un principedésormais classique, « une collaboration intellectuelle et permanente à unepublication périodique en vue de l'information des lecteurs ».
(4) Il a ainsi été considéré que « l'illustration des fiches destinées à présenter desméthodes et des techniques de jardinage », dans un périodique spécialisé, présentait« un caractère suffisant de rapport avec l'actualité pour que le dessinateurpuisse être qualifié de reporter-dessinateur » et, à ce titre, être assimilé à unjournaliste professionnel (CE, 24 oct. 1997, Mme Eyraud).
(5) Dans un arrêt du 1er juillet 2009, la chambre sociale de la Cour de cassationa considéré que « n'exerçait pas la fonction de journaliste » la personne dont lamission « consistait, sous l'autorité d'un journaliste, à la rédaction d'un agenda leplus complet possible des événements à venir », mais dont la rédaction, faite sousle « contrôle d'un journaliste, s'analyse comme un rôle d'exécution ». Dans un arrêtdu 13 octobre 2009, la cour administrative d'appel de Paris a estimé, à proposd'une « styliste photo », que, « son activité consistant à sélectionner des photosdestinées à être publiées dans la revue », en conséquence, que, « quand bienmême cette activité s'insérait parfaitement dans la chaîne des travaux nécessaires àl'élaboration de la revue, et alors même que l'intéressée participait aux conférencesde rédaction, la collaboration ainsi apportée par Mme A. à la publication d'unerevue mensuelle est sans rapport avec l'information des lecteurs ; que, dès lors,cette dernière ( ) ne peut utilement se prévaloir de la qualification de journalisteprofessionnel » (cités par Derieux, E. et Gras, F., « Statut des journalistes. 1er juillet2009 30 juin 2010 », Légipresse, octobre 2010, n° 276).
(6) Auvret, P., « Commentaire de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative àla protection des sources des journalistes », Comm. Comm. électr., avril 2010,pp. 8-15 ; Chavagnon, A., « La protection du secret des sources des journalistes :la décevante loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 », Dalloz 2010, p. 275 ; Derieux, E.,« Secret des sources des journalistes. À propos de la loi du 4 janvier 2010 »,Jcp G 2010, n° 3, 40, pp. 9-11 ; Derieux, E. et Granchet, A., « Protection dessources d'information », Droit des médias. Droit français, européen et internatinal,Lextensoéditions-Lgdj, 6e éd., 2010, pp. 417-425 ; Guedj, A., « Sentiments mitigésautour de la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sourcesdes journalistes », Légipresse, février 2010, n ° 269.II.19-24.
(7) « Ayant retenu que l'intéressé avait, depuis son engagement, pour occupationprincipale, régulière et rétribuée, une activité rédactionnelle d'articles de presse ( )la cour d'appel a pu décider que M. Hoareau était journaliste professionnel » (Cass.soc., 5 janv. 2000, Sté Les Publications commerciales).
(8) Cass. soc., 19 novembre 1986, Bull., n° 536. « Ayant retenu que l'intéressé avait( ) pour occupation principale, régulière et rétribuée une activité rédactionnelled'articles de presse ( ) et qu'en contrepartie il percevait une rémunération dont il tiraitle principal de ses ressources, la cCour d'appel a pu décider » qu'il « était un journalisteprofessionnel » (Cass. soc., 5 janvier 2000, Les Publications commerciales).
(9) Derieux, E. et Granchet, A., « Nature du contrat », Droit des médias. Droit français,européen et international, Lextensoéditions-Lgdj, 6e éd., 2010, pp. 404-411.
(10) Au cours du débat parlementaire qui a conduit, en 1974, à l'insertion, dans leCode du travail, de cette présomption de salariat, le rapporteur indiquait que « letexte proposé tend à supprimer » la discrimination existant entre journaliste salariéet journaliste pigiste, « en faisant reconnaître, par la loi, que, quel que soit son mode,la rémunération du journaliste professionnel a le caractère d'un salaire et que la naturedes liens juridiques qui unissent ce journaliste à l'entreprise est un contrat de travail etnon pas un contrat d'entreprise ou de fourniture d'articles » (JO, Déb. Ass. Nat., 27 juin1974). Il n'était même plus question, alors, de « présomption ».
(11) Derieux, E. et Granchet, A., « Rupture du contrat de travail du journaliste »,Droit des médias. Droit français, européen et international, Lextensoéditions-Lgdj,6e éd., 2010, pp. 431-450 ; Derieux, E. et Granchet, A., « Rupture du contrat detravail du journaliste », Le droit des médias, Dalloz, coll. « Connaissance du droit »,4e éd., 2010, pp. 86-90.
(12) Cass. soc., 1er fév. 2000, Sté Editions de Meyland ; Cass. soc., 18 juil. 2001, StéEditions Charles Massin. « Si, en principe, une entreprise de presse n'a pas l'obligationde procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n'en est pas de mêmesi, en fournissant régulièrement du travail à ce journaliste pendant une longuepériode, elle a fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulierauquel l'entreprise est tenue de fournir du travail ( ) Attendu que la cour d'appela retenu que la société avait régulièrement versé, pendant trois années, des pigesà l'intéressée et que la régularité de ces paiements sur une longue période attestaitle caractère constant du concours qu'elle apportait à l'entreprise de presse », enconséquence, « elle a pu décider que la société avait l'obligation de demander à lajournaliste de manière constante et régulière une prestation de travail et que l'interruptionde cette relation ( ) s'analysait en un licenciement » (Cass. soc., 24 mars2004, Sté Sélection du Reader's Digest). « La relation de travail du journaliste rémunéréà la pige perd peu à peu sa spécificité, pour se fondre dans le régime de droitcommun alors même qu'elle n'y répond pas par plusieurs de ses caractéristiques »(Gras, F., « Le journaliste pigiste : de l'intermittence à la permanence salariale »,note sous Cass. soc., 31 octobre 2006, M. Vial c. Sté Sélection du Reader's Digest,Légipresse, avril 2007, n° 240.III.59-64).