Si la loi a érigé la création photographique au rang des oeuvres de l'esprit, la jurisprudence en la matière demeure néanmoins contrastée. Il faut dire qu'entre le créateur et le pur opérateur, toutes les hypothèses intermédiaires sont possibles En outre, certains modes d'élaboration ou d'exploitation des photographies compliquent leur réception par le droit d'auteur. Ainsi, la technique numérique ou l'exploitation en série induisent des pratiques nouvelles.
La photographie est issue d'un processus de création spécifi que. Il allie choix du sujet et savoir-faire technique dans le but de corréler le cliché avec le résultat imaginé par le photographe. Ainsi défi nie, la photographie a indéniablement sa place parmi les oeuvres protégées par le droit d'auteur, présentées traditionnellement comme « créations de forme originales ». Néanmoins, l'omniprésence de l'outil dans le processus de création rend l'appréciation de l'oeuvre ...
Antoine LATREILLE
Professeur à l'Université Paris-Sud, Codirecteur du CERDI, Directeur du Master ...
1er juillet 2010 - Légipresse N°274
5925 mots
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(2) Une création peut ne pas être originale. En revanche, un objet original au senssubjectif du terme est nécessairement une création, c'est-à-dire un produit émanantde l'intelligence humaine.
(3) Henri Desbois, Le droit d'auteur en France, Paris : Dalloz, 1978, n° 85- 88, p. 102- 103.
(4) Article 6 de la directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993, JOCE n° L290 du 24 novembre
(1994) Le 17e considérant utilise l'expression « création intellectuelle de l'auteurqui refl ète sa personnalité » qui permet de pencher en faveur d'une interprétationsubjective de la notion.
(5) Cf. Infra. II C.
(6) Philippe Gaudrat, Réfl exion sur la forme des oeuvres de l'esprit, Mélanges en l'honneurd'André Françon, Paris : Dalloz, 1995, p. 210.
(7) Manier un photocopieur ou un scanner requiert de combiner des paramètresparfois complexes : la secrétaire peut-elle revendiquer des droits sur les résultatsobtenus par un procédé analogue à la photographie ?
(8) CJUE, 16 juillet 2009, Infopaq. Cf. Benoît Michaux, « L'originalité en droit d'auteur,une notion davantage communautaire après l'arrêt Infopaq », Auteurs & Media,2009/5, p. 473.
(9) Ce qui explique qu'une personne représentée sur la photographie puisse êtrel'auteur. Cf. aff aire Paris Match, TGI Paris, 6 juillet 1976, RIDA, octobre 1976, p. 190, RTDcom, 1977, p. 117. note Henri Desbois ; Mise en scène autour de la Joconde qualifi éed'oeuvre de collaboration entre le concepteur (qui apparaît sur la photographie)et le photographe prestataire, CA Paris 4e Chambre - Section B, 3 décembre 2004,inédit.
(10) En revanche, la photographie d'identité offi cielle réalisée par le truchement d'unphotomaton devrait être exclue en raison des contraintes strictes qui pèsent sur lareprésentation du sujet.
(11) Cf. arrêt Infopaq, supra note 7.
(12) Article L.122-3 du Code de la propriété intellectuelle.
(13) Cf. notre article : « L'appropriation des photographies d'oeuvres d'art : élémentd'une réfl exion sur un objet de droit d'auteur », Recueil Dalloz, 17 janvier 2002,Chronique, p. 299 à 306.
(15) A aussi reconnu l'originalité d'une photographie de tableau : CA Paris, 4e ch. B,27 janv. 2006, SARL Éditions Arfi se c/ SARL Descharnes, Juris-Data n° 2006-292630, ChristopheCaron, « Droit d'auteur : les photographies de tableaux sont protégées ! », CCEn° 4, avril 2006, comm. 60.Contra CA Dijon, 7 mai 1996 : D. 1998, somm. p. 189, obs. Claude Colombet, CAParis, 24 juin 2005, CCE 2005, comm. 131.Dans une situation proche, reconnaissance de l'originalité de photographies de piècesde monnaie : CA Paris, 4e ch. A., 6 oct. 2004, SARL Sté Talon haut c/ Agent judiciairedu Trésor, Juris-Data n° 2004-254150, CCE n° 12, décembre 2004, comm. 157.
(16) L. 511-4 du Code de la propriété intellectuelle : « un dessin ou modèle a un caractèrepropre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur avertidiff ère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de lademande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiqué. Pour l'appréciationdu caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur de la réalisation dudessin ou modèle ».
(17) Cf. infra. II C.
(18) Par exemple, cession présumée en raison de la durée des relations contractuelles,acceptation d'un paiement
(19) TGI Paris, 3e Ch., 2e Sec., 22 février 2008, M. Gastaud c/ Agence Sipa Press,n° 05/08007, inédit.
(20) Article 6 précité note 3 : « Protection des photographies - Les photographies quisont originales en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteursont protégées conformément à l'article 1er. Aucun autre critère ne s'applique pourdéterminer si elles peuvent bénéfi cier de la protection. Les États membres peuvent prévoirla protection d'autres photographies ».
(21) Allemagne, Italie, Suède et certains autres pays scandinaves.
(22) Article L. 341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
(23) L. 112-2 9° du Code de la propriété intellectuelle.
(24) Radio, résonnance magnétique, rayon x, médecine nucléaire
(25) CA Riom, ch. com., 14 mai 2003, D. 2003, p. 2754, note Pierre Sirinelli ; JCP ÉD.E 2004, 1770, § 1, obs. Philippe Gaudrat ; Com. com.électr. 2003, comm. 117, noteChristophe Caron.
(26) Cf. notre article : « Images numériques et pratique du droit d'auteur », in Laphotographie et le droit, Légicom, 2005/2, n° 34, p. 5.
(27) Pour un exemple de lourde condamnation en raison de la perte de supports(près d'1,4 million d'euros pour 9 000 diapositives), cf. TGI Paris, 3e Ch., Sec. 2, 21 décembre2007, Catherine Leroy c/ Sté Gamma, inédit.
(28) Article L. 331-11 du Code de la propriété intellectuelle : « Les informationssous forme électronique concernant le régime des droits aff érents à une oeuvre,autre qu'un logiciel, une interprétation, un phonogramme, un vidéogramme ouun programme, sont protégées dans les conditions prévues au présent titre, lorsquel'un des éléments d'information, numéros ou codes est joint à la reproduction ouapparaît en relation avec la communication au public de l'oeuvre, de l'interprétation,du phonogramme, du vidéogramme ou du programme qu'il concerne.On entend par information sous forme électronique toute information fourniepar un titulaire de droits qui permet d'identifi er une oeuvre, une interprétation, unphonogramme, un vidéogramme, un programme ou un titulaire de droit, touteinformation sur les conditions et modalités d'utilisation d'une oeuvre, d'une interprétation,d'un phonogramme, d'un vidéogramme ou d'un programme, ainsi que toutnuméro ou code représentant tout ou partie de ces informations ».
(29) Pour un développement complet sur la question, cf. Florence Gaullier, « Lapreuve de l'originalité : mission impossible ? » in Colloque sur l'originalité des photographies,31 mai 2010, Sénat (Actes en cours de publication).
(30) Article 1315 al. 1 du Code civil : « celui qui réclame l'exécution d'une obligationdoit la prouver » auquel s'ajoute l'article 9 du Code de procédure civile : « il incombeà chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de saprétention ».
(31) Cette règle semble équitable puisqu'elle responsabilise la partie qui prend l'initiativede la procédure. Elle est aussi le plus souvent justifi ée par la diffi culté quepourrait avoir l'adversaire de prouver un fait négatif. En l'occurrence, cette raisonn'a qu'une portée réduite dans le cas étudié car il n'est pas sensiblement plus compliquéde rapporter l'originalité d'une création que de démontrer son absence(notamment par la présentation de créations tierces similaires ou identiques).
(32) Article L. 111-2 du Code de la propriété intellectuelle, Article 5.2 de laConvention de Berne.
(33) CA Paris, Pôle 5, chambre 1, 19 mai 2010, n° 08/23943, Robin contre Sté 123Multimedia Limited (inédit).Contra, pour une série de photographies de nouveau-nés réalisée par un artisteplasticien et utilisé en vitrine d'un grand magasin, TGI Paris, ord. réf., 13 mars2009, Légipresse, mai 2009, n° 261, p. 67.
(34) Argument retenu par CA Paris, 17 décembre 2008, M. Chastagnol c/ Sté SipaPress (inédit).
(35) Argument retenu par : CA Paris, 9 juin 2009, Andrieu et autres c/ AFP ; CA Paris,26 février 2010, Georges Bartoli c/ AFP.Contra pour un directeur de la photographie : TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 6 févr.2008, Jimmy G. c/ SA Éditions Gallimard et a, JCP ed. E, n° 40, 1er octobre 2009,p. 1918, RIDA oct. 2008, p. 511 et p. 359, chron. Pierre Sirinelli.
(36) Si la protection venait à être écartée, les cocontractants de l'exploitantseraient bien fondés à agir en nullité du contrat pour défaut de cause.
(37) Ce qui vaut aussi en faveur de l'auteur si le contrat présume l'absenced'originalité des créations réalisées.