Il y a encore peu de temps, une telle interrogation aurait été dépourvue de toute pertinence, pour ne pas dire parfaitement incongrue. La réponse paraissait acquise : les règles processuelles spéciales instaurées par la loi sur la liberté de la presse avaient toutes vocation à s'appliquer devant le juge civil. Tout au plus demeurait-il encore quelques adaptations de détail à réaliser pour concilier ces règles spéciales avec le droit commun de la procédure civile, voire quelques domaines encore à défricher. Pourtant, quelques décisions récentes remettent en question ce qui apparaissait comme un mouvement général cohérent et bien assis. Ces décisions sont-elles le signal d'un changement de direction ?
Assiste-t-on à un retour en arrière qui serait de nature à rendre caducs les choix effectués, à partir de 1992, par la 2e chambre civile de la Cour de cassation, qui avait estimé qu'il n'était pas loisible à la partie poursuivante à une action engagée devant le juge civil sur le fondement de la commission d'une infraction de presse de s'affranchir des contraintes procédurales qui se seraient imposées à elle si elle avait agi par la voie pénale ? Qu'on les approuve ou non, ces choix ...
Nicolas BONNAL
Magistrat
1er mai 2010 - Légipresse N°272
5691 mots
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(19) Un tel argument n'a cependant pas empêché la Cour de cassation d'exigerdu juge civil de presse que, contrairement aux règles de droit commun en matièrecivile (CC, art. 2247), il soulève d'office l'acquisition de la prescription (Cass.2e civ., 24 juin 1998, Bull. civ. II, n° 211), comme doit le faire le juge pénal nonpas en vertu de la loi sur la liberté de la presse, mais en application du droitcommun de la procédure pénale (Cass. crim., 20 mai 1980, Bull. crim., n° 156).
(20) Cass. 2e civ., 14 janv. 1999, Bull. II, n° 8.
(21) De façon périphérique au présent sujet, on relèvera que le revirementimposant au demandeur à une action civile fondée sur l'article 9-1 du Codecivil d'interrompre régulièrement la prescription trimestrielle instituée parl'article 65-1 de la loi sur la presse (Cass. 2e civ., 8 juill. 2004, Bull. civ. II, n° 387)venait conforter, au-delà du champ des actions de presse à proprement parler,cette volonté d'harmonisation.
(22) Cass. 2e civ., 17 juill. 1994, Bull. civ. II, n° 234 ; Cass. 2e civ., 22 janv. 2004, Bull.civ. II, n° 23.
(23) Cass. 2e civ., 23 mai 2001, Bull. civ. II, n° 106.
(24) Cass. 2e civ., 22 janv. 2004, Bull. civ. II, n° 23.
(25) Cass. 2e civ., 18 déc. 1995, Bull. civ. II, n° 312 ; Cass. 2e civ., 25 juin 1980, Bull.civ. II, n° 155.
(26) Cass. 2e civ., 20 mars 2007, Bull. civ. II, n° 121.
(27) Cass. 2e civ., 16 nov. 1988, n° 87-15134.
(28) Cass. 2e civ., 16 déc. 1999, Bull. civ. II, n° 191.
(29) Cass. 1re civ., 8 nov. 2007, Bull. civ. I, n° 348, Légipresse, mars 2008, n° 249, III,p. 31, note B. Ader.
(30) Cass. 2e civ., 1er févr. 1978, Bull. civ. II, n° 28 ; Cass. 2e civ., 17 déc. 1998, n° 96-22839.
(36) Lequel n'a en la matière, pour le moment, vu se concrétiser que saproposition tendant à regrouper les procès civils de presse devant le tribunalde grande instance, ce qui a conduit à l'abrogation de l'article R 221-15 2° duCoj qui réservait au tribunal d'instance la connaissance des actions civiles pourles diffamations ou injures commises « autrement que par voie de presse », et àl'attribution d'une compétence exclusive au tribunal de grande instance pourles « actions civiles pour diffamation ou pour injures publiques ou non publiques,verbales et écrites » (Coj art. 211-4 13° dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1693 du 29 décembre 2009), simplification dont il y a tout lieu de se féliciter.