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Chroniques et opinions
01/09/2007
Quel avenir pour les sites de contenus générés par les utilisateurs? Critique de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris en matière de responsabilité des prestataires de stockage
À l'heure où l'internet voit se multiplier les sites de contenus générés par les utilisateurs, la question du champ d'application du régime de responsabilité limitée des prestataires de stockage se trouve naturellement au coeur des débats. La cour d'appel de Paris a montré par deux arrêts qu'elle entend exclure de ce champ les fournisseurs de services qui déploient une activité ne se limitant pas à la seule prestation technique d'hébergement et ceux qui exercent une activité commerciale. Cette position, qui réduit à son domaine le plus strict le régime de responsabilité limitée de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, est critiquable.
Charlotte ROMANO
Avocat aux barreaux de Paris, New York, Angleterre et Pays de Galles de Gaulle ...
(2) Couverture du Time Magazine 25 déc. 2006, disponible à l'adressehttp://www.time.com/time/covers/0,16641,20061225,00.html.
(3) A. Mbida, «Web 2.0, premier système d'exploitation en ligne », Informatique11 nov. 2005 p. 46.
(4) Le juge des référés a débouté Familles de France de son recours exercéen raison de contenus prétendument violents et pornographiques accessiblesaux mineurs sur Second Life, v. TGI Paris réf. 2 juillet 2007, foruminternet.org. ;Légipresse 244-I, p. 124.
(5) Recours exercé par la Ligue de Football Professionnel et la FédérationFrançaise de Tennis en raison de la mise à disposition d'images piratées de laligue 1 de football et du tournoi de Roland Garros, v. E. Torregano, « Les fédérationssportives françaises attaquent YouTube », lefigaro.fr 8 juin 2007.
(6) Recours exercé en raison de la mise en ligne par les internautes de vidéosdes sketches de Lafesse, v. A. Salomon, « Jean-Yves Lafesse en guerrecontre les pirates », lefigaro.fr 15 juin 2007. L'humoriste a obtenu la reconnaissancede la responsabilité de MySpace en tant qu'éditeur, la suppression dela page MySpace lui étant consacrée et la condamnation de MySpace à hauteurde 61000 euros à titre provisionnel, v. TGI Paris réf. 22 juin 2007, foruminternet.org ; Légipresse 244-I, p. 125.
(7) Art. L. 121-7 Code pénal.
(8) L'article 93-3 de la loi de 1982 modifiée dispose: « Au cas où l'une desinfractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la libertéde la presse est commise par un moyen de communication au public par voieélectronique, le directeur de la publication ( ) sera poursuivi comme auteurprincipal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable àsa communication au public. À défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteursera poursuivi comme auteur principal ( ) ».
(9) Directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative à certainsaspects juridiques des services de la société de l'information, et notammentdu commerce électronique, dans le marché intérieur.
(10) Point 2 préambule, dir. comm. électr.
(11) Point 40 préambule, dir. comm. électr.
(12) Art. 6.I.2 LEN.
(13) CA Paris 7 juin 2006, Légipresse n° 235-III, p. 181.
(14) Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communicationmodifiée par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, elle-même réforméepar la LEN. L'article 43-9 de la loi de 1986 imposait à Tiscali de détenir etconserver les données permettant d'identifier les personnes ayant contribué àla création du contenu du service dont elle est prestataire.
(15) P. de Candé, « Responsabilité de l'hébergeur lorsqu'il offre un servicerémunérateur », Expertises août-sept. 2006 p. 313.
(16) CA Paris 4 mars 2007, Légipresse n° 243-I, p. 102.
(17) Le tribunal a également condamné le particulier ayant enregistré le nomde domaine hotel-meridien.fr pour contrefaçon.
(18) Art. 6.I.2 LEN.
(19) Supra n° 13.
(20) Rapport 345 (2002-2003) de la Commission des affaires économiques duSénat sur le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.
(21) Art. 14 dir. comm. électr.
(22) Les débats parlementaires de la LEN indiquent que l'élargissement susmentionnéde la définition du statut d'hébergeur avait pour objectif de faireentrer les organisateurs de forums dans le champ de la LEN. V. par exemplel'Avis 351 (2002-2003) de la Commission des lois du Sénat: « L'exigence quele stockage soit permanent exclut ( ) les prestataires organisant des forumsde discussions ( ) Cependant, la plupart des organisateurs de forums de discussionn'ont pas mis en place de modérateurs et se comportent comme desimples intermédiaires techniques. Dans cette hypothèse, il convient de lesfaire bénéficier du régime de responsabilité limitée ( ) Ceci conforterait lajurisprudence dégagée par les juridictions judiciaires mais qui donne encorelieu à certaines contestations ». Sur les hésitations jurisprudentielles antérieuresà la LEN relatives au statut des organisateurs de forums, v. notamment TGIParis réf. 18 fév. 2002, TGI Lyon réf. 28 mai 2002 et TGI Toulouse ch. desurgences 5 juin 2002, legalis.net. La jurisprudence paraît désormais considérerces derniers comme des hébergeurs, v. T. corr. Lyon 21 juillet 2005, legalis.net ; et Légipresse 230-I, p. 47: « que désormais le responsable d'un forumnon modéré ou modéré a posteriori doit être considéré comme un hébergeurau sein de la loi puisqu'il assure le stockage direct des messages diffuséssans porter de regard préalable sur ces derniers ; que le recours aux travauxparlementaires de la loi du 21 juin 2004 tend à démontrer que les promoteursde ladite loi ont manifesté leur intention de rendre applicable aux organisateursde forums de discussion l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986; queselon les débats parlementaires, il convient en effet de se référer davantage àla définition communautaire du prestataire d'hébergement, telle que définie àl'article 14 de la directive européenne du 8 juin 2000, laquelle ne limite pasl'activité d'hébergement à la prestation purement technique mais identifie plusprécisément l'ensemble des fonctions d'intermédiation qui ne relèvent pasdu simple transfert d'information ».
(23) A. Pfeffer, La vente d'objets virtuels dans les MMOG/MMORPG,jeuxonline.info.
(24) Supra n° 21.
(25) CA Aix-en-Provence 13 mars 2006,
(26) TGI Paris 13 juillet 2007, Légipresse n° 244-III, p.167
(27) Art. L. 131-3 CPI.
(28) Propos tenus lors de la conférence « State of Play » organisée par lesUniversités de New York et Yale en novembre 2003, v. A. Pfeffer, supra n° 22.
(29) Dans Second Life, l'utilisateur doit souscrire un abonnement payant s'ilsouhaite être actif dans le jeu et créer du contenu. En outre, la monnaie locale,le « Linden Dollar » (L$), est convertible en véritables dollars américains envertu d'un taux de change officiel et, lorsqu'un résident souhaite acquérir unobjet ou terrain virtuel, il doit payer avec ses L$ achetés avec des dollars américains.C'est également sur ces ventes que l'éditeur fonde son modèle économiquecar certains terrains sont mis en vente directement par lui.
(30) Tel est le cas par exemple des forums organisés par des associations deconsommateurs.
(31) Art. 14 dir. comm. électr.
(32) Point 17 préambule, dir. comm. électr. V. aussi art. 1.2 dir. comm. électr.
(33) John Bunt v. David Tilley & others, (2006) EWHC 407 (QB), v. points 41à 45.
(34) Le Digital Millenium Copyright Act, Section 512 (c), limite la responsabilitédes prestataires de services à raison des contenus contrefaisants qu'ilshébergent à la demande d'utilisateurs et qui sont diffusés sur le Web. Afin debénéficier du régime de responsabilité limitée, trois conditions doivent êtreremplies: 1) le prestataire ne doit pas avoir connaissance des activités contrefaisantes; 2) si le prestataire a le droit et la capacité de contrôler l'activitécontrefaisante, il ne doit pas percevoir un avantage financier directement attribuableà l'activité contrefaisante ; 3) le prestataire doit retirer ou bloquer l'accèsau contenu contrefaisant dès qu'il est informé des actes de contrefaçon.
(35) A & M Records v. Napster, 239 F3d 1023 (9 th Cir. 2001).
(36) C'est ce qu'a retenu le juge américain dans l'affaire Perfect 10, Inc.v. CCBill LLC 481 F.3d 751 (9 th Cir. 2007).
(37) C'est l'une des questions que devra trancher le juge américain dans l'affaireopposant Viacom à YouTube en matière de contrefaçon de copyright àraison de la diffusion de vidéos protégées sur YouTube.
(38) TGI Paris 13 juillet 2007, supra n° 25.
(39) « Dailymotion condamné pour avoir laissé diffuser un film de cinéma »,lesechos.fr 13 juillet 2007.
(40) TC Paris réf. 23 mai 2007,
(41) Art. 3 dir. comm. électr.
(42) TGI Paris réf. 22 juin 2007, supra n° 5.
(43) Propos du porte-parole du groupe TF1 reproduits dans l'article, « TF1 démentvouloir attaquer YouTube et Dailymotion en justice », latribune.fr 5 juillet 2007.
(44) TGI Paris 13 juillet 2007, supra n° 25 et 37. Le tribunal a écarté la qualificationd'éditeur de contenus et retenu celle d'hébergeur. Dailymotion a certes étécondamnée, mais elle l'a été en application de la LEN et non du droit commun.