Alors que la loi sur les droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) du 1er août 2006 est venue consacrer les mesures techniques de protection, la majorEMI a annoncé le 2 avril dernier qu'elle allait proposer aux plateformes de téléchargement légal l'ensemble de son catalogue (à l'exception des Beatles) sans DRM. Outre les problèmes d'interopérabilité posés par les mesures techniques, pourrait poindre la question de leur avenir.
SOUS CE TITRE PROVOCATEUR SE CACHE UNE VÉRITABLE interrogation quant à l'utilité de la loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (dite loi DADVSI) en ce que celle-ci a consacré les mesures techniques (1) comme moyen de protection des oeuvres dans le monde numérique, alors même que certains opérateurs économiques ont désormais cessé d'en faire usage. Cette consécration est arrivée près de douze années après leur ...
(2) Bien que la notion de DRM ne se réduise pas à celle de mesures techniques,nous utiliserons indifféremment, pour les besoins de cette étude, l'expression« mesures techniques » ou « mesures techniques de protection » etle sigle « DRM » pour Digital Rights Management systems.
(3) Article 11 du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur : « Les Parties contractantesdoivent prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiquesefficaces contre la neutralisation des mesures techniques efficaces quisont mises en oeuvre par les auteurs dans le cadre de l'exercice de leurs droitsen vertu du présent traité ou de la Convention de Berne et qui restreignentl'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres, d'actes qui ne sont pas autoriséspar les auteurs concernés ou permis par la loi », l'article 18 du Traité del'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes étant rédigédans les mêmes termes
(4) Titre II du Digital Millenium Copyright Act introduisant un nouvel article 512au Copyright Actde 1976
(5) Chapitre III intitulé « Protection des mesures techniques et information surle régime des droits»
(6) Par opposition aux mesures techniques d'information ou d'identificationsimplement destinées à permettre l'identification de l'oeuvre et à informer l'utilisateursur l'oeuvre et sur ses droits et devoirs
(7) Seul le catalogue des Beatles n'est pas concerné.
(8) Décision n° 2006-540 du 27 juillet 2006 : « Considérant que le législateur a fait de l' interopérabilité un élément qui conditionne le champ d'applicationde la loi pénale ; qu'il devait en conséquence définir en des termes clairset précis le sens qu'il attribuait à cette notion dans ce contexte particulier ;qu'en s'abstenant de le faire il a porté atteinte au principe de légalité desdélits et des peines»
(9) Voir pour cela le numéro spécial de la Revue Lamy Droit de l'Immatériel,« Interopérabilité : aspects juridiques, économiques et techniques », janvier2007.
(10) « Les DRM sont un frein énorme au développement du marché de la musiqueen ligne car, suivant le standard de votre baladeur, vous pourrez ou nonaccéder à tel ou tel site légal, cela crée de la frustration » (Laurent Fiscal,Directeur de VirginMega, Libération, « Net: la musique se délie peu à peu »,20 octobre 2006).
(11) Décision n° 04-D-54 du 9 novembre 2004.
(12) Alors que, dans un secteur tel que les jeux vidéo, l'absence d'interopérabilitéest une règle communément acceptée.
(13) Le choix du format de DVD haute-définition qui prévaudra ( HD-DVD ouBluRay) appartient en premier lieu au public.
(14) Voir infra la décision du Conseil de la concurrence dans l'affaireVirginMega/Apple.
(15) À noter toutefois la décision du TGI de Nanterre du 15 décembre 2006,dans une affaire opposant l'association UFC-Que Choisir à la société Sony.Saisis de la question de l'absence d'interopérabilité des morceaux téléchargéssur le site de Sony avec d'autres baladeurs numériques que ceux de Sony, lesjuges de Nanterre ont refusé de se prononcer, renvoyant ce débat à l'Autoritéde régulation des mesures techniques. Une seconde action de l'UFC-QueChoisir fondée sur les mêmes motifs, cette fois-ci contre la société Apple,serait actuellement pendante devant le TGI de Paris.
(16) Sans revenir sur la saga judiciaire Mulholland Drive, maintes fois commentée,on citera notamment un jugement du TGI de Paris rendu le 10 janvier 2006dans une affaire opposant l'association UFC-Que Choisir à la société WarnerMusic France, concernant les DRM embarqués sur un disque du chanteur PhilCollins.
(17) « Les verrous numériques des DRM sont aujourd'hui une incitation au piratage,rendant paradoxalement la musique plus difficile à acheter qu'à téléchargersur les réseaux Peer-to-Peer ! » (Denis Olivennes, PDG de la Fnac,Libérationdu 15 février 2007).
(18) La nouvelle plateforme de téléchargement d'Apple, iTunes Plus, est disponibleen Europe depuis le 30 mai 2007 (« Apple ouvre son iTunes sansDRM », Zdnet France, 30 mai 2007).
(19) Steve Jobs, PDG d'Apple, réclamait cette suppression dans une lettrepubliée sur le site Internet de la société (« Thoughts on Music», 6 février2007, http://www.apple.com/hotnews/thoughtsonmusic).
(20) Le Monde, « Musique en ligne: Virgin et Fnac déverrouillent plusieurscentaines de milliers de titres », 16 janvier 2007.
(21) Libération, « Des sites qui vendent des MP3 légaux et non protégés »,4 mai 2006.
(22) « La technologie est dans ce cas au service de la culture, et non l'inverse», Renaud Donnedieu de Vabres, ZDNet France, in« Les réactions enFrance après le revirement d'Apple sur les DRM », 7 février 2007.
(23) Déclaration d'Eric Nicoli, Président d'EMI, ZDNet France, « Musique enligne : que va changer la diffusion du catalogue sans DRM d'EMI? », 2 avril 2007
(24) Libération, « Les verrous numériques sont une incitation au piratage »,15 février 2007.