LE CONTRAT D'ENREGISTREMENT exclusif ou contrat d'artiste (1) est aux artistes-interprètes ce que le contrat de commande assorti d'une cession de droits est aux auteurs d'oeuvres de l'esprit. C'est un contrat complexe, passé entre un artiste-interprète presque toujours un chanteur ou musicien soliste et un producteur de phonogrammes. Il comporte, d'une part, un ensemble de clauses constituant un contrat de travail, aux termes duquel le premier s'engage à participer par sa présence ...
Cour de cassation, Ch. sociale, 20 décembre 2006, Société Universal music c/ Jean-Philippe Smet, dit Johnny Hallyday
Patrick TAFFOREAU
Professeur à lUniversité de Nancy II, Membre du CRDP de Nancy II
(2) Sur lequel, v. - Bouvery (Pierre-Marie), Les contrats de la musique, IRMA, 3e éd., 2006,nos 240 et s. ; - Pessina Dassonville (Stéphane), L'artiste-interprète salarié, th. Montpellier I,déc. 2004, nos 660 et s, pp. 405 et s. ; - Guilloux (Jean-Marie), Guide de la négociation descontrats d'artiste. Les contrats d'enregistrement de phonogrammes, éd. Adami, 2005; - Lardinois(Jean-Christophe), Les contrats commentés de l'industrie de la musique, Bruxelles, Larcier,2004, p. 60 et s. ; - Haumont (Guy et Eric), Les droits des musiciens, édition Seconde, 2000,nos 50 et s. ; - notre manuel, Droit de la propriété intellectuelle, préf. Ch. Caron, Gualino, 2004,n° 263 et notre thèse, Le droit voisin de l'interprète d'oeuvres musicales en droit français, sousla dir. de A. Françon, Paris II, 1994, th. dactyl., nos 281 et s., pp. 248 et s.
(3) Légipresse 2007, I, p. 10; D. 2007, AJ p. 316, note J. Daleau ; CCE 2007, comm. 35, noteCaron ; RLDI 2007, nos 744 (obs. L. Costes) et 778 (analyse descriptive détaillée de l'affairepar J.-M. Guilloux).
(4) CA Paris, 18e ch. D, 12 avr. 2005, Sté Universal Music c/ Smet dit Hallyday, Légipresse2005, III, p. 136, et notre note ; D. 2005, Jur. p. 2690, note Wekstein ; CCE 2006, étude 3,n° 11, obs. Daverat ; RLDI 2005/6, n° 164, comm. J.-M. Guilloux ; Gaz. Pal. 2005, 1, jurispr.p. 1977, concl. Gizardin.
(5) Légipresse 2004, III, p. 213, note Wekstein.
(6) V. clause 5.1 du contrat, cité par le présent arrêt.
(7) V. clause 5.3 du contrat, loc. cit.
(8) Civ. 1re, 5 juill. 2006, pourvoi n° 05-10463, aff. Guesh Patti, Légipresse 2007, I, p. 7; D. 2006,Jur. p. 2404, note R. Naccach; Propr. intell. 2006, n° 21, p. 451, obs. A. Lucas; RIDA oct. 2006,p. 361 et p. 297, obs. Sirinelli ; RLDI 2006, n° 603, obs. Lionel Costes ; Guilloux (Jean-Marie),« Variations jurisprudentielles sur le contrat d'artiste. À propos de l'affaire Guesh Patti », RLDI2006, n° 694, p. 29.
(9) Pessina Dassonville (Stéphane), L'artiste-interprète salarié, th. Montpellier I, 2004, n° 427,433, 444 (réfutant à juste titre le caractère accessoire de la cession par rapport au contrat detravail).
(10) Art. L. 122-1-1, 3°, et D. 121-2, C. trav.
(11) Art. L. 122-3-8, C. trav.
(12) Dans le cas du terme incertain (opposé à « précis » dans le vocabulaire du C. trav.), lecontrat doit être conclu pour une durée minimale : art. L. 122-1-2, § III, C. trav.
(13) Pessina Dassonville, op. cit., n° 440, citant Cons. Prud'hommes Paris, 7 déc. 2000, TerryMoise c/ Groupe Virgin Disques, RG n° F 00/02007. Mais contra : CA Paris, 18e ch. C, 11avr. 2002, Société Lenca 99 c/ Emma Shapplin, RG n° S 01/35540.
(14) Art. L. 762-1 et L. 762-2, C. trav.
(15) Soc., 11 juill. 2000, D. Ir, p. 228. Sur ce problème, v. note R. Naccache préc. sous Civ.1re, 5 juill. 2006, p. 2405, note 14 (l'auteur remet en question la qualification même de contratde travail).
(16) Rev. la définition du producteur de phonogrammes à l'art. L. 213-1, CPI : celui qui prendl'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence sonore.
(17) Ou « matrices » ou encore masters.
(18) Par ex. : « Pour l'album contractuel, le producteur versera à l'artiste un salaire brut de 100(cent) euros. La rémunération des répétitions qui pourraient avoir lieu dans les studios ou tousautres lieux fixés par le producteur est comprise dans la rémunération prévue aux alinéas précédents.Conformément au Code du travail, le salaire sera payé à l'artiste au plus tard dansun délai de 15 (quinze) jours à compter de la date à laquelle le service d'enregistrement a étéeffectué. »
(19) On trouve des clauses de ce type dans la plupart des contrats d'enregistrement exclusif. V.,par ex., - Civ. 1re, 21 mars 2006, aff. Coluche, pourvoi n° 03-20960, Marino (laure), « La consolidationdes effets d'un contrat d'artiste », RLDI 2006, n° 521, p. 7 : exclusivité de cinq ansrenouvelable par tacite reconduction, « concession » du « droit exclusif et total de procéderen vue de la reproduction mécanique, par tous procédés connus ou à découvrir, à l'enregistrementsur tous phonogrammes des interprétations de son emploi ». Article 1, b) du contrat :« l'artiste reconnaît aux sociétés (productrices) l'entière propriété des enregistrements réalisésen exécution du contrat et plus précisément les droits exclusifs de reproduction mécanique». Civ. 1re, 5 juill. 2006, Aff. Guesh Patti, préc. : cession par l'artiste-interprète de la pleineet entière propriété des exécutions, sans exception ni restriction ou réserve, au producteur,étant prévu que « resteraient notamment définitivement acquis, même après l'expiration ducontrat et de ses suites, au producteur en tant que propriétaire et cessionnaire exclusif, lesmatrices et tous autres supports ainsi que les droits de reproduction et d'utilisation, sous toutesleurs formes, des oeuvres interprétées par l'artiste ».
(20) Comp., en droit d'auteur, à propos du pacte de préférence, pour la qualification de contratcadre: Gautier (Pierre-Yves), Propriété littéraire et artistique, PUF, 5e éd., 2004, n° 276, p. 547et n° 277, p. 549.
(21) C'est un contrat commutatif (emptio rei speratae) non pas aléatoire (emptio spei). En effet,ici, « la vente est subordonnée à l'existence de la chose future » (Malaurie, Aynès, Gautier,Droit civil. Les contrats spéciaux, Cujas, 2003, n° 189).
(22) Lucas (André), Propr. intell., n° 21, p. 452, qui se fonde sur la ratio legis.
(23) Il ne s'agit pas d'un pacte de préférence, ce dernier se distinguant de la promesse de cession: v. Gautier (Pierre-Yves), Précis, op. cit., n° 276; notre manuel, n° 204. Ex. de clause inGuilloux, op. cit., p. 21 : « Suivant la date de sortie commerciale du Single 1, le producteurbénéficiera de 5 (cinq) options distinctes, successives, exclusives, fermes et irrévocables portantsur 1 (un) single supplémentaire (Single 2) et sur 4 (quatre) albums inédits studio supplémentaires(LP1, LP2, LP3 LP4). Les enregistrements supplémentaires seront régis par le présentcontrat dans tous ses termes et conditions ». (C'est nous qui soulignons.)
(24) Par ex., 12 à 18 mois suivant la commercialisation de chaque album (Guilloux, op. cit.,p. 21).
(25) Civ. 1re, 13 déc. 1994, Bull. civ. I, n° 377, JCP 1995, I, 3843, note Billiau. V. Malaurie,Aynès, Stoffel-Munck, Droit civil. Les obligations, Cujas, 2003, n° 1218.
(26) Scarano (Jean-Pierre), Dictionnaire de droit des obligations, Ellipses, 2004, v° Résiliation ;Jeammaud (A.), « Résiliation judiciaire dans le contrat de travail », D. 1980, chron., p. 47.
(27) Mille (E.), « Qui a les droits ? Ou l'avenir du catalogue suite à la rupture du contrat concluentre un artiste et son producteur », Propr. intell. 2006, n° 18, p. 35-44 ; Younes (C.), « Ledroit de la propriété littéraire et artistique à l'épreuve des débats sur la rétroactivité de la résolutionjudiciaire », RLDI, 2006, n° 371.
(28) Mais, à la différence de ces derniers, en droits voisins, ce système est facultatif, aucunedisposition similaire à l'art. L. 131-4 du CPI n'existant dans le livre II de ce Code.
(29) Comp. l'extinction du cautionnement de dettes futures : l'obligation dite de couvertureéteinte, demeure l'obligation de payer les dettes nées antérieurement à l'expiration de la périodede couverture.
(30) Pour une qualification distributive (le contrat d'édition est une cession, le contrat de représentation,une concession), v. Gautier (Pierre-Yves), Précis, op. cit., nos 306 et 336. Comp.Huet (Jérôme), Les principaux contrats spéciaux, Traité de droit civil Ghestin, 2e éd., n° 11113et 21125, selon lequel la concession des droits d'auteur s'opère sous deux modalités principalesque sont le contrat d'édition de l'oeuvre et le contrat de représentation de celle-ci.Cependant, « le contrat d'édition se rapproche plus de la vente » (n° 21125, note 105).
(31) Cette question a de l'importance surtout pour des enregistrements analogiques, dont laqualité réside dans l'original.
(32) Aff. Guesh Patti, préc.
(33) V. Pessina Dassonville, op. cit., n° 445.
(34) Cass. soc., 21 juin 2004, MC Solaar, pourvoi n° 02-43793, Sté niversal Music c/ M'Baralidit MC Solaar, Bull. soc. n° 172; Légipresse 2004, III, p. 213, comm. Wekstein ; D. 2005, Pan.p. 1494, obs. Sirinelli : « Mais attendu que la résolution du contrat a pour effet de l'anéantir etde remettre les parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement sous la seule réserve del'impossibilité pratique ; que le producteur ayant perdu, par l'effet de la résolution, le bénéficede la cession des droits qu'il tenait de l'article 8 dudit contrat, la cour d'appel a pu décider delui interdire l'exploitation des enregistrements réalisés et, pour assurer l'exécution de sa décision,ordonner la remise des supports à l'artiste ». v. Gautier (Pierre-Yves), Propriété littéraireet artistique, PUF, coll. « Droit fondamental », 5e éd., 2004, n° 108, p. 201. En appel : Paris,5avr. 2002.
(35) V. Ghestin (Jacques), Jamin (Christophe), Billiau (Marc), Traité de droit civil. Les effets ducontrat, LGDJ, 3e éd., n° 480.
(36) Arg. Civ. 1re, 3 nov. 1983, Bull. civ. I, n° 252; RTD civ. 1985, p. 166, obs. Mestre.
(37) Paris, 23 déc. 1969, D. 1970, p. 119; - Civ. 1re, 7 juin 1995, Éd Glénat c/ Bourgean, JCP1996, II, 22581, obs. Françon et I, 3914, obs. C. Jamin ; D. 1995. 494 et Gautier (Pierre-Yves),« Invitation au voyage : les cessions de droits d'auteur à l'étranger, créatrices de groupes decontrats », D. 1995, chron., p. 262, nos 14 et s. ; - Civ. 1re, 5 déc. 1995, Polnareff, Bull. civ. I,n° 450. En matière de contrat de production audiovisuelle : TGI Paris, 5 juin 1991, RIDA 1992,n° 151, p. 330; TGI Paris, réf., 4 janv. 1995, Gaz. Pal. 1995, 2, somm. p. 383.
(38) Gautier (Pierre-Yves), Précis, op. cit., n° 261-1, p. 508 et n° 298 ; Linant de Bellefonds(Xavier), Droits d'auteur et droits voisins, Dalloz, coll. « Cours », 2e éd., 2004, n° 759 et nos 909-910 (« En demandant la résiliation, l'auteur retrouve l'exercice des droits qu'il a personnellementcédés ») ; Caron (Christophe), Le droit d'auteur et les droits voisins, Litec, 2006, n° 428;- Huet (Jérôme), op. cit., n° 21125, note 105, préc.
(39) Soc. 20 janv. 1998, Bull. civ. V, n° 149; D. 1998, p. 350, note Radé ; JCP 1998, II, 10081,note Mouly ; RJS 3/98, n° 286.