Au-delà de sa définition technique, le podcasting, terme technique en vogue désignant un nouveau mode de diffusion de contenus sur internet, interroge le juriste. Ainsi, pour bien appréhender son régime, il convient de qualifier cette nouvelle génération de services audiovisuels et d'analyser les modalités d'application des droits de propriété intellectuelle qui s'y attachent.
LE FLORILÈGE DES TERMES TECHNIQUES GRANDIT à la vitesse du développement des technologies numériques, et c'est sans grand étonnement que les juristes accueillent la terminologie venue tout droit du monde de l'internet, sans menace de révolution du droit et sans promesse de comblement de quelque prétendu vide juridique. Cependant, l'accueil de la terminologie technique dans le giron des juristes n'échappe pas à l'obligation d'en donner une définition à la lumière du droit, ...
Anne-Catherine LORRAIN
Doctorante en Droit de la propriété intellectuelle, CERDI (Centre d'Études et ...
(1) 1.Sur un début d'analyse du podcasting, voir notre article écrit avec SylvieKrstulovic sur Journaldunet.com (édition du 14 mars 2005, , publié préalablement sur).
(3) Le baladeur numérique de la marque Apple est à l'origine étymologique dupodcasting, qui est une contraction des mots anglais iPodet broadcasting(radiodiffusion),apparue en 2004.
(4) Les Québécois utilisent le terme de "baladodiffusion" dans un souci de francisation(les suisses utilisent même le terme de "podiffusion"). En France, laCommission générale de terminologie et de néologie a proposé dans un avisde vocabulaire général (publié au JOen date du 25 mars 2006) la traduction de« diffusion pour baladeur», en donnant la définition suivante : « Mode de diffusionsur l'internet de fichiers audio ou vidéo qui sont téléchargés à l'aide de logicielsspécifiques afin d'être transférés et lus sur un baladeur numérique». N'endéplaise aux plus francisants que nous, nous préférons utiliser le terme de « podcasting», plus usité et plus adapté à la nature internationale du web.
(5) Le streamingest une technique d'accès immédiat sur demande à des imageset/ou des sons, selon un flux ( stream) continu permettant aux internautesdestinataires d'en prendre connaissance en temps réel, normalement sans enconserver copie. La consultation d'un contenu en mode streaming s'effectuedirectement sur le site où il est hébergé.
(6) Téléchargement : « transfert de programmes ou de données d'un ordinateurvers un autre (en principe avec conservation d'une copie) » (définition de laCommission générale de terminologie et de néologie, publiée au JOen date du1er septembre 2000).
(7) L'éditeur du service "Arte Radio" résume parfaitement l'esprit du podcasting dansson slogan : « A écouter sur place ou à emporter»().
(8) En visitant les pages d'un site web proposant des contenus en podcasting,l'internaute peut consulter les contenus directement sur le site. Cependant, cemode de lecture ne relève pas de la technique du podcasting à proprement parler.Dans une telle hypothèse, il s'agit, ni plus ni moins, d'une écoute ou d'untéléchargement à la demande, réalisé directement sur le site où est hébergé lecontenu. Cette hypothèse ne concerne pas la présente étude, qui s'attache àexpliquer la spécificité de la technique du podcasting.
(9) Sur internet, la syndication de contenu consiste à enrichir une source decontenu par d'autres sources, en mettant à disposition tout ou partie du contenud'un site à d'autres sites. Les sites internet sont ainsi dynamiques grâce à cesajouts de contenus qui se renouvellent automatiquement dès leur mise à jour(à condition que les sites hébergeant les contenus possèdent un outil logicielpermettant cette syndication). Il est plus simple de "livrer" ainsi du contenu périodique à d'autres éditeurs ou à des internautes qu'en envoyant des fichiers oudes newsletters par courrier électronique par exemple.
(10) RSS ou Really Simple Syndication(traduisible par "souscription vraiment simple"),ou Rich Site Summary(traduisible par "sommaire de site enrichi"). Un fluxRss (ou fil Rss) est un format de syndication de contenu internet, qui permet de"pousser" du contenu (traduction de l'action dite de push) vers des sites web tiers.Il s'agit d'un fichier XML mis à jour en temps réel, qui peut être inclus et affiché sousforme de liens cliquables dans une page web tierce ou par un logiciel spécialisé.
(11) La technique de syndication soulève des questions concernant notammentl'étendue du droit de citer des contenus tiers, ou plus largement concernant l'applicationà l'édition internet du droit de citation (Article L. 122-5 3° du CPI). Enprincipe, le titre et la source (l'adresse URL), mais pas toujours le nom de l'auteur,sont cités pour chaque contenu "livré" et cité partiellement par flux Rss. Laproblématique ne semble pas beaucoup différer de celle des liens hypertextes.
(12) Le concept du « web deux point zéro» désigne l'ensemble des nouvellestechniques et des nouvelles fonctionnalités qui rendent internet plus "collaboratif"qu'auparavant, notamment grâce à la technique de syndication (l'"ancienne"version d'internet est souvent désignée par « web 1.0»).
(13) Nous reviendrons plus loin sur les raisons de cette faible présence descontenus musicaux.
(14) On désigne les podcasts vidéo par le terme de "vidéocasts". Une grandepartie d'entre eux consiste à dévoiler les coulisses de plateaux de télévision oud'émissions de radio.
(15) Définition de la radiodiffusion : « transmission sans fil de sons ou d'imageset de sons ou des représentations de ceux-ci aux fins de la réception par lepublic» (Traité de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur les interprétations et exécutionset les phonogrammes, article 2 f).
(16) Certains commentateurs utilisent le terme d'« individu-média», par oppositionau « mass-media», ou encore celui d'« egodiffusion» ou « egocasting»(terminologie de l'Institut européen de l'audiovisuel et des télécoms), par oppositionà la télédiffusion de masse (broadcasting).
(17) Sur la différenciation entre la diffusion "point à multipoint" et "point à point"et ses conséquences juridiques, voir la Directive n° 98/34/CE du 22 juin 1998dite "directive transparence" ( JOCEL 204 du 21 juillet 1998). Un service de radiodiffusiontélévisuelle est un service « fourni par l'envoi de données sans appelindividuel et destiné à la réception simultanée d'un nombre illimité de destinataires(transmission "point à multipoint")» (Directive "transparence", Annexe V, 3).
(18) Voir notamment la décision de la CJCE concernant un service de vidéo quasià la demande : CJCE, 2 juin 2005, Mediakabel BV c/ Commissariaat voor deMedia(Aff. C-89/04). Sur cette affaire, voir notamment K. Renaud, Légipresse,oct. 2004, n° 225, III, p. 193, et notre commentaire sur Juriscom.net (publié le11 janvier 2005, ).
(19) La proposition de directive adoptée par la Commission en décembre 2005(COM (2005) 646 final) distingue les nouveaux services, qu'elle qualifie de « nonlinéaires», des services classiques (ou de radiodiffusion), dits « linéaires».
(20) Directive "TSF" du 3 octobre 1989 et directive "transparence" (précitée).
(21) Directive "transparence" (précitée) : un « service de la société de l'information» est défini comme « tout service presté normalement contre rémunération,à distance par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinatairede services» (art. 1.2 a).
(22) La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numériquedéfinit la communication au public par voie électronique par « toute transmission,sur demande individuelle (c'est nous qui soulignons(, de données numériquesn'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé decommunication électronique permettant un échange réciproque d'informationsentre l'émetteur et le récepteur» (Article 1 IV).
(23) Aucune définition explicite de la vidéo quasi à la demande n'est donnée parla loi. Le législateur européen ne l'évoque qu'incidemment dans la directive "TSF"(précitée), au sein de la définition des services de radiodiffusion télévisuelle (dontla vidéo quasi à la demande fait partie). Sur la notion de vidéo quasi à la demande,voir CJCE, 2 juin 2005, Mediakabel(affaire précitée).
(24) Selon Francis Beck, membre du CSA : « En application de la nouvelle loi de2004(la LCEN), les contenus diffusés sur les nouveaux supports de communicationélectroniques ne relèvent du champ de compétences du CSA que s'ilsconstituent des services de radio ou de télévision, ce qui n'est pas le cas dupodcasting ou des blogs» (interview donnée au site Netpolitique le 3 février2006 : ). Ce point de vue a été confirmé par leForum des droits sur l'internet dans sa recommandation du 17 octobre 2006sur "internet et communication électorale" (p. 25).
(25) Cf.la proposition de directive de la Commission européenne révisant ladirective "TSF" (précitée).25.Les contenus étant diffusés lors de leurs mises à jour successives.
(27) Article 8 du Traité OMPI sur le droit d'auteur et articles 10 et 14 du TraitéOMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ; Article 3 dela directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droitsvoisins dans la société de l'information, dont les dispositions ont été transposéesen France dans la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 (publiée au JO n° 178en date du 3 août 2006, p. 11529).
(28) La question de l'exercice des droits ne se limite pas au domaine musical.Les droits des personnes intervenant dans l'enregistrement de podcasts audionon musicaux (notamment les comédiens en ce qui concerne les podcasts "originaux",véritables créations sonores qui ne reprennent pas une émission deradio déjà diffusée) feraient actuellement l'objet de négociations entre les podcasteurset la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédia).
(29) Article L. 216-1 du CPI : « Sont soumises à l'autorisation de l'entreprise decommunication audiovisuelle la reproduction de ses programmes ainsi que leurmise à la disposition du public ( ) ». La notion de "programmes" doit-elle êtreentendue dans le seul sens des services de communication audiovisuelle ( cf.supra) ? La loi permet-elle la protection du droit voisin des entreprises de communicationaudiovisuelle au-delà de la notion de radiodiffusion ?
(30) Les métadonnées permettent à l'auditeur d'accéder, sur ordinateur ou surl'écran du baladeur, au titre du podcast, aux noms des artistes ou autres participantsainsi qu'à diverses données factuelles (date, liens, etc). Elles permettentégalement de tracer les informations associées aux fichiers et d'indexer les podcastsdans les moteurs de recherche. Dans l'hypothèse d'un podcast, il s'agitd'ajouter des informations écrites pour décrire un contenu audio ou vidéo.
(31) Certains sites web se sont même spécialisés dans la fourniture de telscontenus qualifiés de « podsafe».
(32) Parmi les licences libres, les licences Creative Commons sont assez répanduesconcernant les contenus protégeables par le droit d'auteur. Sur les licencesCreative Commons, voir M. Clément-Fontaine, RLDI, n° 1, janv. 2005, n° 20;M. Dulong de Rosnais, RLDI, n° 2, fév. 2005, n° 59 et S. Dusollier, PI, n° 18,janv. 2006, p. 10.
(33) Le contenu informationnel écrit prendra vraisemblablement beaucoup d'ampleurdans l'offre de podcasts avec la constitution de programmes diffusant desarticles publiés dans des journaux papiers sous forme parlée (certains logicielspeuvent transformer du contenu écrit sous format audio) ou sous forme de textepouvant être lu sur un baladeur adapté.
(34) Sur cette question, voir notamment P. Sirinelli, DallozAff., n° 162, mai 1999,p. 9 ; E. Derieux, Légipresse, nov. 1998, n° 156, II, p. 138 ; C. Caron, CCE,mars 2000, p. 16 ; F. Olivier et E. Barbry, Légicom, 1997/2, n° 14, II, p. 35.
(35) Voir notamment les accords publiés dans Légipresse, n° 174, sept. 2000,IV, p. 89 ( Le Figaro), Légipresse, n° 176, nov. 2000, IV, p. 114 ( EMAP), Légipresse,n° 182, juin 2001, IV, p. 46 ( Libération), Légipresse, n° 185, oct. 2001, IV, p. 88( Le Parisien).
(36) Le webcasting est la technique utilisée notamment par les "radios internet"(webradios) émettant uniquement sur le web (par opposition aux radios "traditionnelles"diffusant simultanément leurs programmes sur internet, dont on désignela technique de diffusion par le terme de simulcasting).
(37) L'obtention d'une licence auprès de chacune des sociétés américainesmandatées pour le droit de représentation est nécessaire, dans la mesure oùchacune d'elles représente un répertoire distinct.
(38) La MCPC (gérant le droit de reproduction mécanique) et la PRS (gérant ledroit de représentation des auteurs et éditeurs de musique) se sont regroupéespour assurer une gestion commune des droits de leurs membres au bénéficedes exploitants de musique sur internet.
(39) "Blog" ou "bloc-notes" : « Site sur la toile, souvent personnel, présentanten ordre chronologique de courts articles ou notes, généralement accompagnésde liens vers d'autres sites. » (Définition de la Commission générale determinologie et de néologie publiée au JOen date du 20 mai 2005). Les blogspeuvent être illustrés par de la musique.
(40) Cf. Section 114 du Digital Millenium Copyright Act (DMCA). Sur la questiondes webradios en droit américain, voir notamment D. Forest, Expertises,avril 2005, doc., p. 135; S. Beghe et L. Cohen-Tanugi, Légipresse, 2001, n° 178,II, p. 1.