L'agent littéraire a, depuis quelques années, fait son entrée dans le paysage éditorial français. Au plan juridique, ses pouvoirs, droits et obligations procèdent essentiellement de l'accord de volontés entre les parties, qui peut être interprété, complété, voire corrigé par les juges. À cet égard, seront particulièrement déterminants les termes et conditions relatifs à l'étendue et au contenu de la mission confiée, à la rémunération de l'agent, aux garanties données par l'auteur, à la cessation des relations, ainsi que, le cas échéant, au droit applicable et à la juridiction compétente.
1. DE LONGUE DATE PARTENAIRE INCONTOURNABLE, voire obligé, dans les pays de culture anglo-saxonne, l'agent littéraire a, depuis maintenant quelques années, fait son entrée (irruption, diront certains) dans le paysage éditorial français (1). Le phénomène, bien qu'encore marginal tant la traditionnelle relation privilégiée entre les auteurs et les éditeurs a la vie dure , est déjà suffisamment notable pour que la presse généraliste s'en soit fait l'écho (2).Calamité ...
(2) À vrai dire, l'agent littéraire n'est pas totalement inconnu en France, où il atoujours existé des cas de cessions de droits d'auteur réalisés par l'entremisede personnes bien introduites auprès d'éditeurs. Toutefois, cette activité, alorsinconnue de la plupart des auteurs, n'y était exercée que de manière ponctuelleet informelle, et non pas sous la forme, nouvelle, d'entreprises commercialesavec salariés et ayant pignon sur rue.
(3) Daniel Garcia, F.-M. Samuelson, « Le coach », Lire, mars 2005 ; La Tribune18 mars 2005, « La percée des agents littéraires inquiète » ; Géraldine Meignan,« François Samuelson contre Susanna Lea Le duel des agents littéraires »,L'Expansiondécembre 2005-page 703 ; Olivier Le Naire, « Des lettres et deschiffres », L'Express16 mars 2006.
(4) À côté des mastodontes maintenant bien connus, il existe également desagents littéraires qui, à l'écart des sentiers battus se proposent de développerdes segments peu ou mal exploités, pour le meilleur profit des auteurs et deséditeurs. À cet égard, l'on peut citer l'agent Pierre Astier, qui oeuvre notammentpour une meilleure diffusion d'auteurs étrangers francophones (Belgique, Suisse,Afrique ) en France et à l'étranger, parfois au travers de contrats conclus avecdes maisons d'édition (notamment de pays francophones).
(5) Articles L.762-3 et suiv. C. trav.
(6) Voir notamment P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF 2004,pages 677 et suiv. ; du même auteur, Le mandat en droit d'auteur, MélangesFrançon,Dalloz 1995 pages 223 et suivantes.
(7) En revanche, le fait pour l'agent littéraire, dans le cadre de son mandat, depercevoir et de centraliser des redevances pour le compte de l'auteur ne devraitpas suffire à conférer à cette prestation la qualification de dépôt (Cass. Com.1er juin 1993, GP. 1995-2-Somm.-318 obs. Moisson de Vaux).
(8) L'on pourra se reporter utilement au modèle de contrat proposé par le Centredu commerce international CNUCED/OMC, notamment disponible sur le sitewww.jurisint.org.
(9) À tel point que, depuis plusieurs années aux États-Unis, certaines maisonsd'éditions notamment Doubleday refusent tout manuscrit qui ne leur seraitpas adressé par un agent littéraire.
(10) Par un arrêt du 9 février 1994, la Cour de cassation, 1re Civile(www.legifrance.gouv.fr), a condamné solidairement avec l'éditeur les mandatairesd'un auteur pour avoir concouru au dommage causé par l'éditeur par suitede négligences dans le contrôle de l'exploitation de ses ouvrages à l'étrangeret de la comptabilité, au motif qu'ils « avaient concouru à la réalisation du dommageen ne faisant pas toutes diligences auprès de l'éditeur pour s'informer del'état de l'exploitation des ouvrages, tant en France qu'à l'étranger.»
(11) Voir, par exemple, dans une espèce où un distributeur, très actif dans lecadre de la promotion d'un film avant sa sortie, avait, en revanche, fait montrede très peu de diligences postérieurement à la sortie dudit film, en violation deses obligations : condamnation à 750 000 francs par la cour d'appel de Paris,suivant un arrêt du 8 juin 1999 (CCE 1999-44, obs. J.-C. Galloux).
(12) Voir, par exemple, dans le cas d'un contrat d'agence artistique, TGI Nice(4e Ch.) 23 octobre 2003, Priscilla, Légipresse2004-III-83 obs. A.-C. Lorrain.
(13) En ce sens, à propos du contrat d'édition, voir A. Lucas, J-Cl. Prop. Litt.et Artist., fasc. 1320 n° 48.
(14) A. Lucas, op. cit. n° 49. L'on voit d'ailleurs mal (particulièrement en cedomaine où l'auteur, notamment au regard de son droit moral, doit conserverune marge d'appréciation sur l'existence et l'étendue d'éventuelles atteintes àsa création) qu'il puisse être stipulé d'avance une obligation d'ester en justice..
(15) Condition d'ailleurs essentielle dont la violation serait susceptible d'entraînerla nullité du contrat pour dol, outre l'allocation de dommages-intérêts aubénéfice de l'agent.
(16) Voir par exemple, C. cass. 7 février 2006, legifrance. gouv. fr : approbationaux juges du fond pour avoir condamné l'auteur d'une intrigue policière inspiréede faits réels anciens, ainsi que son éditeur, au profit d'une personne présentantdes similitudes avec l'un des personnages du roman. Si Balzac (et biend'autres classiques avec lui) était un écrivain d'aujourd'hui, il aurait sans doutebeaucoup à craindre d'une telle jurisprudence
(17) Cf.note 7.
(18) Ainsi, le TGI (3e Chambre) a-t-il pu considérer, suivant un jugement du 4 février1981 ( RIDA 1982-132), excessive la clause maintenant un droit de perceptionde commissions pendant une durée de 7 ans postérieurement à l'expiration d'uncontrat d'agence artistique, partant, réduire à un an ladite durée : « l'obligationfaite à Philippe Chatel de continuer à verser pendant sept années ( ) , une commissionde 10 % sur toutes les sommes acquises à titre de droit d'auteur à raisonde l'exploitation des oeuvres créées par lui pendant la durée du mandatapparaît hors de proportion avec les services rendus par la société ArtmédiaVariétés pendant la durée du mandat ; que de surcroît une telle obligation necorrespond plus après l'expiration de celui-ci à aucune prestation servie parladite société ; que toutefois, compte tenu du caractère aléatoire de la rémunérationet de ce que la société Artmédia Variétés risquerait d'être privée de touterémunération à l'occasion des conventions qu'elle a conclues pour le comptedu demandeur dans les derniers mois du contrat, le tribunal estime équitablede dire, eu égard aux circonstances de la cause, que la société défenderessepourra continuer à percevoir la commission litigieuse pendant la durée d'un anaprès l'expiration du contrat ( ) ».
(19) Sur cette convention, voir Lagarde, « La Convention de La Haye sur la loiapplicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation », RCDIP1978-31.
(20) À cet égard, la clause proposée dans le modèle-type CNUDCI/OMC, soumettantle règlement d'éventuels litiges à l'arbitrage CCI, ne paraît guère appropriée,compte tenu du coût généralement élevé de ce mode de règlement deslitiges, qui s'avérera prohibitif pour nombre d'auteurs.
(21) Selon la jurisprudence de la CJCE, c'est l'obligation principale qui emportela compétence, et, en cas de deux obligations équivalentes, devrait être privilégiéecelle sans laquelle l'autre ne pourrait s'exécuter. Mais la Cour admet leprincipe d'une compétence juridictionnelle distributive dans l'hypothèse où desobligations ne peuvent être hiérarchisées (sauf au demandeur à saisir le tribunaldu lieu du défendeur). Voir notamment CJCE 6 octobre 1976 De Bloos,D. 1977-J.-618, obs. G. Droz ; 15 janvier 1987, Shenavai, JDI 1987-465, obs.A. Huet ; 5 octobre 1999, Leathertex, RCDIP2000-76, obs. H. Gaudemet-Tallon.