En martelant depuis plusieurs années que « les abus de la liberté d'expression, prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil», la Cour de cassation fait primer l'application de la loi spéciale pour mettre en échec toute tentative de la contourner. La cohabitation entre ces deux textes a toujours été assez houleuse, bien qu'elle puisse être pacifiée dans la dualité suivante : primauté de la loi de 1881 en présence de faits pénalement qualifiables tandis que l'article 1382 du Code civil complète le dispositif dans le cas de faits distincts d'une infraction de presse.
Nathalie Mallet-Poujol
Directrice de recherche au CNRS – ERCIM, UMR 5815 – Université de ...
(2) Cass. 1° civ. 27 sept. 2005 : D. 2005. J. 485, note T. Hassler ; D. 2006.J. 768, note G. Lécuyer ; LPavr. 2006, n° 230. III. 57, note F. Watrin ; RTDciv.2006.126, obs. Jourdain ; V. aussi E. Derieux « Exclusion de l'application del'art. 1382 C. civ. aux faits constitutifs d'infraction à la loi du 29 juill. 1881 »,CCEfévr. 2006, Études4 ; E. Dreyer, « Disparition de la responsabilité civile enmatière de presse », D. 2006. Chron. 1337.
(3) V. not. Cass. Ass. Plén. 12 juill. 2000 : Bull. n° 8 et références note n° 17
(4) Cass. 1° civ. 7 févr. 2006 : D. 2006. IR. 532 ; JCP2006. IV. 1461 ; V. aussi,Cass. 1° civ. 29 nov. 2005 : JCP 2005. IV. 3785 ; LPjanv. 2006, n° 228.I.9 ;Cass. 1° civ. 21 févr. 2006 : JCP 2006. IV. 1580 ; D. 2006.IR. 674 ; Cass. 1°civ. 30 mai 2006 : D. 2006. IR. 1636.
(5) V. Ch. Floquet, JODébats, 26 janv. 1881, p. 58.
(6) N. Mallet-Poujol, Abus de droit et liberté de la presse : LPjuill. 1997, n° 143.II. 81.
(15) V. P. Guerder, Rapport de la Cour de cassation 1999, p. 165 ; E. Derieuxpréc. CCE févr. 2006, Études4 ; sur la contestation de cette unification, V.E. Dreyer, D.2004. J. 593.
(16) V. J. Carbonnier, « Le silence et la gloire », D.1951, Chron. 119.
(17) G. Lécuyer, « Liberté d'expression et responsabilité », Dalloz2006, n° 137,p. 167.
(21) P. Guerder, Gaz. Pal.17 au 17 juin 2001, J. 825.
(22) La défense ne saurait arguer d'une qualification délictuelle fantaisiste pouréviter l'application de l'art. 1382 C. civ. ; V. sur l'art. 9 C. civ., Cass.1° civ. 21févr. 2006 : LPmai 2006, n° 231. III. 95, note Hassler.
(23) V. à cet égard le doute provoqué par l'arrêt de cassation du 18 déc. 1995( Bull. n° 314) où le délit de l'art. 24 semblait constitué et l'affaire forclose, maisque les magistrats, pour appliquer l'art. 1382, ont récusé, sur des attendus certesconvaincants du point de vue du mépris de la vérité mais pas du point devue de la procédure.
(24) V. P. Jourdain, note sous Cass. Ass. Plen. 12 juill. 2000 : D.2000. Som.464.
(25) P. Guerder, Gaz. Pal.17 au 17 juin 2001, J. 824, citant notamment différentsarticles du Code pénal ainsi que les articles 9 et 9-1 du Code civil.
(26) Cass. 2° civ. 8 mars 2001 : Bull. n° 47 ; Gaz. Pal.17 au 17 juin 2001, J. 821,Rapport Guerder.
(27) CEDH, 7 déc. 1976, Handyside / Royaume-Uni.
(28) V. à propos de l'affiche de la Sainte Cène, sur le visa de l'art. 33, al. 3, CAParis, 8 avr. 2005 : D.2005. J. 1326, note P. Rolland.
(29) V. à propos de l'affiche du film Amen, sur le visa de l'art. 32, al. 2, CA Paris,3 nov. 2004.
(30) V. Dalloz, Répertoire de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence1853,v° Cultes, n° 91.
(31) V. E. Derieux CCE févr. 2006, Études4 préc. n° 15.
(32) Cass. Ass. Plén. 12 juillet 2000 : Bull. n° 8 (2 arrêts).
(33) V. E. Derieux, note sous Cass. Civ. 2°, 9 oct. 2003 : LPA, 23 janv. 2004,n° 17, p. 18 ; E. Dreyer, note sous Cass. 2° civ. 9 oct. 2003 : D.2004. J. 591,n° 5 et D.2006, Chron. 1340.
(34) V. Cass. 2° civ. 11 juin 1998 : Bull. n° 181.
(35) V. contra, S. Martin-Valente, La place de l'art. 1382 C. civ. en matière depresse depuis les arrêts de l'Ass. Plén. du 12 juill. 2000, Approche critique : LPjuin 2003, n° 202. II. 73 et juill. 2003, n° 203. II. 89. p. et C. Vivant, L'historiensaisi par le droit, Contribution à l'étude des droits de l'histoire, Thèse Montpellier2005, n° 663, p. 311.
(36) Ph. Conte, La bonne foi en matière de diffamation : notion et rôle, MélangesChavannes, Litec 1990, p. 55.
(37) Ph. Conte, op. cit.p. 58.
(38) Sur l'élément matériel de la diffamation, V. Cass.2° civ. 13 nov. 2003 :D.2003. IR.2933 ; JCP2004. IV. 1010.
(39) Comme le déplore S. Martin-Valente, op. cit.p. 91.
(40) M-L. Rassat, Droit pénal spécial, Dalloz2004, n° 482.
(42) Cass. 2° Civ. 9 oct. 2003 : D.2004. J. 590, note Dreyer ; V. aussi sur despropos considérés comme diffamatoires par les demandeurs, Cass. 2° civ.13 nov. 2003 : JCP2004. IV. 1009.
(43) V. N. Mallet-Poujol, note sous CA Paris, 17 sept. 1997 : D.1998. J. 436.
(44) TGI Paris, 14 oct. 2002 : LPjanv. 2003, n° 198. I. 5 ; sur une argumentationsimilaire mais moins convaincante, dès lors que le tribunal s'inscrit dansl'hypothèse d'une application de l'art. 1382 pour une diffamation du mort « indépendammentde toute volonté des auteurs de diffamer les héritiers», V. TGIParis, 16 nov. 2000 : LPjanv. 2001, n° 178. III. 15. Le jugement a d'ailleurs étéinfirmé par CA Paris, 23 sept. 2004 : D.2004. IR. 2834 ; Sur l'invocation del'art. 6 CEDH, V. aussi TGI Paris, 7 févr. 2000 : LPmai 2000, n° 171. I. 61 ; TGIParis 19 mai 1999 : LPoct. 1999, n° 165. I. 115.
(57) Sur la non démonstration de faits distincts, V. Cass. 2° civ. 11 déc. 2003 :Bull. n° 383, où la Cour, accueillant l'art. 34 rejette des demandes relatives à23 passages fondés sur l'art. 1382.
(58) E. Lisbonne, JODébats parlementaires, 22 juill. 1881, p. 1720.
(59) V. sur une information inexacte sur la vie privée d'un artiste, CA Paris,6 mars 1998 : D.1999. Som. 166, obs. Massis.
(62) V. aussi, sur un appel au boycott indissociable d'une diffamation, Cass. 2°civ. 29 nov. 2001 : LPavr. 2002, n° 190. III. 59, note Gras.
(63) Sur le parallèle en propriété intellectuelle, V. C. Rojinski, « L'autonomie inachevéedu droit de la presse » : LPjuill. 2002, n° 193. II. 86.
(64) CA Paris 19 nov.1990 : LPmars 1991, n° 79-III.16, note Ader.
(65) Cass. 2° civ. 5 mai 1993 : Bull. n° 167.
(66) Cass. 2° civ. 24 janv 1996 : Bull. n° 14.
(67) T. Massis : D.1994, som. 194.
(68) P. Auvret, in Droit de la Presse(sous la dir. H. Blin, A. Chavanne, R. Drago)Litec, V° Droit de la Presse(Généralités), n° 43, p. 19.
(69) V. TGI Paris, 6 juill. 2005 : LPnov. 2005, n° 226. I. 161.
(70) Sur la compatibilité de l'art. 1382 avec l'art. 10 Conv. EDH, au regard ducritère de prévisibilité V. not. E Derieux : CCE févr. 2006, Études 4.
(71) Cass.1° civ. 15 juin 1994 : Bull. n° 218 ; V. aussi sur le devoir de prudenceet d'objectivité, Cass. 1° civ. 20 nov. 1990, Bull. n° 256.
(72) Sur la publication d'informations extraites d'un livre non encore diffusé enFrance, V. Cass. 1° civ. 17 oct. 2000 : JCP2000. IV. 2791.
(73) Sur l'application de l'art. 1382 au dénigrement de produits ou services,V. Cass. 2° civ. 16 juin 2005 : D.2005. J. 2916, note Agostini ; Cass. 2° civ. 8avr. 2004 : JCP2004. IV. 2159.
(74) Sur un document présenté faussement comme émanant d'une juridiction,V. Cass. 2° Civ., 2 avr. 1996 : Bull. n° 86.
(75) Sur des manquements et graves négligences dans la relation de faits historiques,V. TGI Paris, 6 juill. 2005, LPnov. 2005, n° 226. I. 161 ; Sur une négligencedans le choix, pour un roman, d'un nom prêtant à confusion, V. TGI Paris,19 oct. 2005 : LP, déc. 2005, n° 227. I. 180.
(76) Cass. 2° civ. 29 janv. 1997 : Bull. n° 31.
(77) Cass. 2° civ. 13 mai 1998 : Bull. n° 151 ; V. aussi sur la publication d'uneannonce comportant des mentions erronées, Cass. 2° civ. 10 juin 2004 : Bull.n° 294.
(78) V. en ce sens, TGI Paris 22 juin 1998 : LPavr. 1999, n° 160.I.35, admettantle jeu complémentaire de l'art. 1382, quand l'abus de la liberté d'expression estcaractérisé « soit par une dénaturation ou une falsification des faits, soit parune négligence grave dans la vérification des informations traduisant un méprisflagrant pour la recherche de la vérité ou une intention malveillante» ; V. aussiTGI Paris, 19 mai 1999 : LPoct. 1999, n° 165. I. 115.
(79) Sur un arrêt ayant débouté un éditeur dont un des manuels d'histoire avaitété critiqué et classé comme « à déconseiller», V. Cass. 2° civ. 19 janv.1994 :Bull. n° 33.
(80) Sur un amalgame fautif, V. CA Paris 30 juin 2000 : D.2000. IR. 233.
(81) V. ce risque dans l'affaire Chandernagor, Cass. 1° civ. 27 sept. 2005,précité.
(82) V. not. les actions menées sur ce fondement à propos des films Je voussalue Marie(Cass. 1° civ. 10 janv. 1990 : Bull. n° 11) et La dernière tentation duChrist(Cass. 1° civ. 29 oct. 1990 : Bull. n° 226).
(83) V. H. Leclerc, note sous CA Paris, 8 avr. 2005 : LPjuill. 2005, n° 223.III. 143.
(84) V. contra, T. Massis, « Respect des croyances, dignité et loi du 29 juillet1881 » : LPdéc. 2002, n° 197. II. 172.
(85) Ou, de façon très vague, à travers la violation d'une obligation de prudence,V. Cass. 2° civ. 12 mai 1986 : Bull. n° 80.
(86) CA Paris, 3 août 1995 : LPnov. 1996, n° 136.III.143.
(87) CA Versailles, 17 mai 1995 : LP1995, n° 127. III. 170, note Ader.
(88) V. Ch. Bigot, Le champ d'application de l'art. 1382 du C. civ. en matière depresse, in Liberté de la presse et droits de la personne, Dalloz 1997, p. 63 ;A. Lepage, CCE oct. 2000, com. 108 ; G. Viney, : JCP1996. I. 3985, § 4.
(89) J. Carbonnier, Dalloz1951, op. cit.p. 120.
(90) P. Jourdain, RTDCIV. 2000. 844.
(91) Cass. Crim. 14 févr. 2006 : D.2006. IR. 886 et LPn° 232-III, p. 116.
(92) TGI Paris 17 mars 2000 : LPmai 2000, n° 171. I. 61.