Le journal intime est un genre littéraire spécifique qui implique que l'auteur, comme dans toute oeuvre non romancée écrite à la première personne, parle, non seulement de lui-même, mais aussi de tous ceux qui partagent et participent à sa vie. Sauf à prohiber tout ouvrage autobiographique, et plus particulièrement le journal intime, dans lequel l'auteur livre au public sa vie privée sans travestissement, il apparaît indispensable de maintenir un légitime équilibre entre deux droits essentiels, dont les exigences sont parfois opposées : le droit de l'auteur d'une oeuvre de l'esprit à la liberté d'expression et de création artistique garanti par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'une part, et le droit au respect de la vie privée des personnes dont il parle dans son oeuvre, reconnu par l'article 9 du Code civil et au nom duquel il ne peut être dérogé à la liberté d'expression que dans la mesure strictement nécessaire dans une société démocratique, d'autre part.
En l'espèce, un écrivain a publié son journal intime dans lequel il évoquait la « faillite amoureuse» avec sa première femme, les noms des enfants qu'il a eus avec elle, et le fait qu'elle s'est fait violer dans son enfance. Cette dernière poursuit l'auteur pour atteinte à sa vie privée sur le fondement de l'article 9 du Code civil.Pour le tribunal, il n'y a pas atteinte à la vie privée de la défenderesse du seul fait que son ex-mari ait cité dans son livre le nom de leurs quatre ...
Tribunal de grande instance, Paris, 17e ch. civ., 14 novembre 2005, Mme Caron divorcée Vincent c/ Société Éditions du Rocher et M. Vincent