La mesure d'interdiction de divulgation au public d'une oeuvre est, par sa nature préventive, radicalement contraire à la liberté d'expression et ne peut être envisagée que dans des cas d'une extrême gravité et s'il existe des éléments sérieux de nature à démontrer la réalité d'un péril manifeste d'atteinte aux droits des tiers, aux conséquences irréparables. De même, la mesure sollicitée à titre subsidiaire par la demanderesse, tendant à voir ordonner, avant toute diffusion, la remise du scénario de l'oeuvre en cours de réalisation ou de la copie achevée du film afin d'être en mesure de faire valoir ses droits quant au respect de son droit à l'image, constitue une mesure d'ingérence qui, en soumettant l'oeuvre au jugement d'un tiers avant toute publication, fait peser sur la liberté des auteurs une contrainte sur la liberté d'expression qui leur est constitutionnellement garantie, sauf pour eux à répondre a posteriorides abus de cette liberté. C'est pourquoi le souci des tiers en cause de pouvoir porter une appréciation sur l'oeuvre afin de préserver l'exercice ultérieur de leurs droits ne saurait à lui seul justifier le prononcé d'une telle mesure, sans que soient concomitamment rapportés des éléments sérieux de preuve caractérisant le risque d'une atteinte grave aux droits de la personne concernée non susceptible d'être parfaitement réparée par l'allocation de dommages et intérêts.
En l'espèce la demanderesse, apprenant que des chaînes de télévision réalisaient un docu-fiction en six épisodes retraçant l'affaire criminelle du petit Grégory dans laquelle elle avait témoigné, avait saisi le juge de référé sur le fondement des articles 809 du NCPC et 9 du Code civil. Or, pour les magistrats, le risque d'atteinte au droit à l'image de la demanderesse est inopérant, dès lors que chacun des protagonistes de l'affaire sera tenu par un comédien. De même, en ...
Tribunal de grande instance, Paris, Ord. réf., 10 février 2006, M. Bolle c/ France télévision interactive, Arte France, France 3 et autres