La délégation de pouvoirs est un mode d'exonération de responsabilité pénale offert, en principe, à chaque chef d'entreprise. Aujourd'hui, seuls quelques bastions résistent à l'invocation de ce moyen de défense et le droit pénal de la presse en fait assurément partie. Ce refus, conjugué au singulier mécanisme de responsabilité pénale en cascade instauré par la loi du 29 juillet 1881, a pour conséquence de faire peser une présomption irréfragable de culpabilité sur les épaules du directeur de publication. Or, l'admission de la délégation de pouvoirs en droit pénal de la presse permettrait au droit français de se mettre en harmonie avec les exigences européennes en matière de présomption d'innocence.
MAINTES FOIS DEMANDÉE, JAMAIS RÉALISÉE, la réforme de la grande loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n'est pas encore à l'ordre du jour de cette année 2005. Si cette importante uvre de la IIIe République naissante a fait l'objet d'un certain nombre de remaniements depuis sa mise en application, nous sommes amenés au constat que sa colonne vertébrale est restée quasiment intacte. Le législateur, parfois sous la contrainte des juges, a tout de même procédé à des ...
Guillaume ROYER
Allocataire-moniteur à la Faculté de Droit de Nancy Membre de l'ISCRIMED ...
(2) Pour un commentaire d'ensemble de cette loi du 9 mars 2004 : F. Le Gunehec,« Loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité», Première partie : Dispositions de procédure pénale immédiatementapplicables : pragmatisme, cohérence, sévérité et simplification, JCPG 2004,actualité n° 177, Deuxième partie : Adaptation et diversification des réponsespénales, JCPG 2004, actualité n° 188, Troisième partie : Achèvement de laréforme de l'application des peines ; JCPG2004, actualité n° 200.
(3) Cette décision a été abondamment commentée, cf. D. 2002 somm. 2571,obs. Renucci et 2767 ; obs. Dupeux, Légipressen° 195, oct. 2002, III.159 ; obs.Leclerc ; RSC. 2003. 116 obs. Francillon.
(4) Le nouveau texte précise que : « pour les délits prévus par le huitième alinéade l'article 24, l'article 24 bis , le deuxième alinéa de l'article 32 et le troisième alinéade l'article 33, le délai de prescription prévu par l'article 65 est porté à un an».
(5) T. corr. Bourges, 19 juillet 1934 : DP1932. 121, note Desbois.
(6) Cet article dispose que : « Seront punis comme complices d'une action qualifiéecrime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférésdans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures,peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la paroleou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ouréunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard dupublic, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique,auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action,si la provocation a été suivie d'effet».
(8) Pour un arrêt pionnier, cf. TGI Paris 10 juill. 1997, Gaz. Pal. 1998, 1, 59, obs.Cousin.
(9) Pour les difficultés soulevées, V. H. Bitan, « Responsabilités sur l'internet »,Gaz. Pal.1998, 1. Doctr. 501.
(10) Salvaire, « Réflexions sur la responsabilité pénale à la suite d'agissementscommis par son personnel », JCP, 1960, I, 1559.
(11) Au terme de cet article « nul n'est pénalement responsable que de sonpropre fait».
(12) Cass. Crim. 12 décembre 1947 : JCP1948, II, 4061.
(13) Cass. Crim. 9 décembre 1949 : D. 1949, juris. p. 75.
(14) Art. 8 al. 2 de l'ordonnance du 26 août 1944 : « les responsabilités civileset pénales afférentes à la fonction de directeur de publication restent à la chargedu directeur, même si celui-ci délègue tout ou partie de ses fonctions à un directeurdélégué».
(15) V. JCP1986, III, 59443.
(16) Cass. Crim. 28 juin 1902 : D., 1903, I, 585 ; S. 1904, I, 303 ; Bull. Crim.n° 237.
(17) Merle et Vitu, Traité de droit criminel, t.1, 6e éd., 1984, n° 500, p. 643.
(18) Pour une vision d'ensemble de l'état du droit avant 1993 : Delmas-Marty,« Le droit pénal, l'individu et l'entreprise : culpabilité du fait d'autrui ou dudécideur ? » JCP1985, I, 3218.
(19) Cass. Crim 11 mars 1993 (1er arrêt) : Bull. Crimn° 112; D. 1994. Somm.156, obs. Roujou de Boubée ; Dr. Pénal 1994. 39, obs. J-H Robert ; RS Crim.1994, pp. 101 et s, obs. Bouloc.
(20) De Massiac, « Responsabilité pénale des dirigeants et délégation de pouvoirs», RJDA,11/1995, pp. 927-930, n° 8.
(21) La jurisprudence exige que le délégataire soit « une personne pourvue dela compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires.»
(22) Pour une appréciation critique : V. Desportes et Le Gunehec, Droit pénalgénéral, éd. Economica, 2004, 11e éd., n° 511.
(23) Tillement, Le droit de critique et le droit pénal,Thèse Nancy II, sous la directiond'André Vitu, 2 Tomes, 1991, p. 318 à 327, spéc. p. 323.
(29) Cour EDH 30 mars 2004, Radio France c/ France : Légipresse, sept. 2004,III, n° 214, pp. 139-147, obs. Leclerc.
(30) Cass. crim. 8 juin 1999 : Bull. crim. n° 128; Dr. pénal1999, comm. n° 141,obs. Véron.
(31) Cour EDH Radio France c/ France : V. spéc. n° 24.
(32) Art. 6 al. 2 de la loi du 29 juillet 1881 : « lorsqu'une personne physique estpropriétaire ou locataire-gérant d'une entreprise éditrice au sens de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ou endétient la majorité du capital ou des droits de vote, cette personne est directeurde publication. Dans les autres cas, le directeur de publication est le représentantlégal de l'entreprise éditrice. Toutefois, dans les sociétés anonymesrégies par les articles 118 à 150 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur lessociétés commerciales, le directeur de publication est le président du directoireou le directeur général unique. »
(33) T. corr. de Montargis, 7 décembre 1904 : DP1907, 2, 223.