La simple fourniture de moyens de communication électronique, tels un accès au réseau internet, un espace d'hébergement, des outils de recherche ou un logiciel d'échanges de fichiers, n'est pas en soi un acte illicite. Mais en délivrant des instruments de communication électronique à des fournisseurs de contenus illicites, la responsabilité pénale des fournisseurs de moyens ne peut-elle pas être engagée, notamment pour complicité?
(2) Cette chronique reprend les idées exprimées dans une thèse de doctoratsoutenue le 7 octobre 2004, intitulée « La responsabilité du fournisseur demoyens de communication électronique » et dirigée par le Professeur Gautier.
(3) Loi n° 2004-575, du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique,JO n° 143, 22 juin 2004, p. 11168, texte n° 2.
(4) Dans sa décision du 27 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a reproché aulégislateur de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communicationd'avoir omis de préciser à l'article 43-8, alinéa 3 « les caractéristiques essentiellesdu comportement fautif de nature à engager, le cas échéant, la responsabilitépénale» de ces prestataires. Décision n° 2000-433, DC 27 juill. 2000,sur la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la libertéde communication, JOn° 177, 2 août 2000, p. 11922.
(5) En ce sens : X. Linant de Bellefonds, « De la LSI à la LCEN», Com. com. électr.,sept. 2004, études n° 22 ; L. Grynbaum, «Après la loi économie numérique,pour un Code européen des obligations raisonné», D. 2004, doct. p. 2213, spéc.2217; Ch. Caron, LCEN. Aspects de propriété intellectuelle : analyse d'un saupoudragediscret, Com. com. électr., sept. 2004, études n° 23. Contra : V.-L.Benabou, «La LEN est là», Propriétés intellectuelles, juill. 2004, p. 826, spéc. p. 828.
(6) Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, relative à la LCEN, JO, n° 43,22 juin 2004, p. 11182, texte n° 3.
(7) Sur cet objectif voir les considérants 5 et 7 de la directive 2000/31/CE du8 juin 2000 sur le commerce électronique, JOCEn° L 178, 17 juill 2000, p. 3.
(8) Premier rapport sur l'application de la directive 2000/31/CE, 21 nov. 2003,p. 14 note 69, disponible sur le site de la Commission européenne.
(9) J. Rivero, Sur l'effet dissuasif de la sanction juridique, in« Mélanges offertsà Raynaud », D.1985, p. 675.
(10) Selon l'expression de W. Jeandidier, Droit pénal général, Montchrestien, 2eéd., 1991, n° 288.
(11) Retenant que le défaut d'intention de l'auteur principal n'exclut pas la culpabilitédu complice : Crim. 9 mars 1876, S. 1876, 1, p. 188; Crim. 19 fév. 2002,Bull. crim. n° 35. Contra : Crim. 30 oct. 1914, DP, 1919, 1, 67.
(12) La lettre de l'article 7, alinéa 1er, du Code de procédure pénal postule unetelle solution : « l'action publique se prescrit par dix années révolues à compterdu jour où le crime a été commis».
(13) Crim. 13 oct. 1987, Bull. crim. n° 349.
(14) Retenant la qualification d'infraction continue : CA Paris, 15 déc. 1999, JCP,2000, II, 10281, note Ph.-A. Schmidt et V. Facchina ; D. 2000, somm. p. 403,obs. J.-Y. Dupeux ; Com. com. électr., 2000, comm. n° 58, obs. A. Lepage; JCPE, 2000, p. 1905 note N. Mallet-Poujol ; Légipressemars 2000, III, p. 38, noteB. Ader ; Rev. sc. crim., 2000, p. 644, obs. J. Francillon ; Expertises mai 2000,p. 149, note M. Manseur-Rivet ; P. A, 7 juill. 2000, p. 9, note V. Peltier. Retenantla qualification de délit instantané : CA Paris, 23 juin 2000, Légipresse, nov.2000, p. 182, note C. Rojinsky.
(15) Crim. 30 janv. 2001, Bull. crim. 2001, n° 28 ; JCP, 2001, II, 10515, noteA. Lepage ; D. 2001, juris, p. 1833, note E. Dreyer ; P.A. (n° 66), 2001, p. 3,note F.-J. Pansier et P.A. 19 mars 2002, p. 11, note M. Heissat ; Légipresse,avril 2001, n° 180, III, p. 58, note B. Ader ; Rev. sc. crim., 2001, p. 605, obs.J. Francillon ; JCP E, 2002, p. 78, obs. N. Mallet-Poujol ; Crim, 16 oct. 2001,Bull. crim. 2001, n° 210, Com. Com. élctr, déc. 2001, comm. n° 132, obs.A. Lepage ; Dr. pénal2002, comm. n° 12, obs. M. Véron ; Légipresse, déc.2001, n° 187, III, p. 205, note E. Dreyer ; JCP, 2002, II, 10028 p. 350, note Ph.Blanchetier ; Crim., 27 nov. 2001, Bull. crim. 2001, n° 245, Com. com. élect.,fév. 2002, comm. n° 32, obs. A. Lepage.
(16) Crim 16 oct 2001, précité.
(17) Sur la définition de l'infraction instantanée : G. Stefani, G. Levasseur etB. Bouloc, «Droit pénal général », Dalloz., 19e ed., 2005, n° 218 ; H. Donnedieude Vabres, Traité élémentaire de droit criminel, Sirey, 2e éd., 1943, n° 183.
(18) G. Levasseur, A. Chavanne, J. Montreuil, B. Bouloc, Droit pénal généralet procédure pénale, Sirey, 14e éd., 2002, n° 218. Adde: J. Ortolan, Les délitscontinus, RCLJ 1854, IV, p. 336 ; E. Garçon, « Étude sur les délits continus etsuccessifs », extrait du journal du Ministèrepublic, 1914, p. 97 ; P. Esmein, «Ya-t-il des infractions continues ? », RID pén. 1924, n° 12, p. 111 ; B. Perreau,«De la notion de délit continu en doctrine et en jurisprudence », Travaux de laconférence de droit pénal de la faculté de droit de Paris, 1924, spéc. p. 259,n° 8.
(19) En matière de proxénétisme, la prescription ne court qu'au moment oùprend fin la cohabitation avec la prostituée : Crim. 29 juin 1983, Bull. crim. n° 207.La prescription du délit de recel a pour point de départ le jour où la détentionde l'objet a cessé : Crim. 16 juill. 1964, Bull. crim. n° 241. Concernant le stationnementirrégulier d'une caravane et les travaux de construction réalisés enméconnaissance de l'article L 480-4 du Code de l'urbanisme, la prescriptioncommence à courir à partir du jour où l'acte délictueux a pris fin dans ses actesconstitutifs et dans ses effets : Crim. 18 mai 1994, Bull. crim. n° 197.
(20) En ce sens : Crim. 18 mai 1994, précité.
(21) Il résulte en effet de l'article 227-23 du Code pénal que « le fait de diffuser unetelle image» pédophile « est puni» et de l'article L.335-3 du CPI qu'« est égalementun délit de contrefaçon toute (...) diffusion».
(22) P.-Y. Gautier, « De la prescription des infractions commises sur l'internet et dans le monde physique », D. 2002, chron. p. 1852, spéc. 1854. Adde:D. Rebut, «Prescription des délits de presse sur l'internet. Le régime de la loide 1881 », Légipresse, 2001, II, p. 63, spéc. p. 65.
(23) Sur le stationnement irrégulier : Crim. 30 sept. 1992, Bull. crim. n° 166.
(24) En ce sens : E. Dreyer, Droit de l'information, responsabilité pénale desmédias, Litec, coll. Pratique professionnelle, 2002, n° 316.
(25) En ce sens : TGI Paris, 26 fév. 2002, Affaire Yahoo !, Com. com. électr.,2002, comm. n° 77, A. Lepage.
(26) Pour le délit de contrefaçon : P.-Y Gautier : Propriété littéraire et artistique,PUF, 5e éd., 2004, n° 433. Du même auteur : «De la prescription des infractionscommises sur l'internet et dans le monde physique», D.2002, chron. p. 1852.
(27) Contra : P.-Y. Gautier, op. cit., p. 1854. Comp : En ce sens : CA Paris 29janv. 2004, (sur renvoi après cassation Crim. 27 nov. 2001, précité), JCP2004,I, 147, chron. «Droit de la presse et des médias », obs. N. Tavieaux-Moro.
(29) Décision du Conseil constitutionnel, 10 juin 2004, DC 2004-496, relativeà la LCEN, précitée.
(30) En ce sens : R. Merle et A. Vitu, Traité de droit criminel, Problèmes générauxde la science criminelle et droit pénal général, T I, Cujas, 7ème ed., 1997, n°548 n° 548 ; Ph. Salvage, J-Cl. pénal, Complicité, Art. 121-6 et 121-7, n° 35.
(31) Comp. pour un auteur principal demeuré inconnu : Crim. 18 nov. 1976, Bull.crim.n° 332. Comp. pour un auteur principal relaxé : Crim. 8 juin 2003, Bull. crim.,n° 5 ; JCP, 2003, II, 10159, note W. Jeandidier, Rev. sc. crim., 2003, n° 3, obs.B. Bouloc. La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que « dèslors que l'existence d'un fait principal punissable (...) a été souverainementconstaté, la relaxe de l'auteur principal n'exclut pas la culpabilité d'un complice».
(32) Comp. : Condamnation pour complicité de celui qui loue des locaux destinésà abriter des malfaiteurs, Crim. 7 sept. 1981, JCP, 1981, IV, 381.
(33) Crim. 22 juill. 1943, S. 1943, I, p. 115.
(34) En ce sens : Ph. Salvage, « Le lien de causalité en matière de complicité »,Rev. sc. crim., 1981, p. 25 et s.
(35) R. Garraud, Texte théorique et pratique du droit pénal français, T III., Sirey,3éme éd., 1316, n° 932 II d.
(36) En ce sens : Ph. Conte et P. Maistre du Chambon, J. Larguier, Droit pénalgénéral, Armand Colin, 7e éd., 2004, n° 420. Contra : G. Stéphani, G. Levasseur,B. Bouloc, op. cit., n° 334.
(37) Comp. : Crim. 28 juin 1995, Bull. crim. n° 241, Dr. pénal, 1995, n° 274,obs. M. Véron.
(38) Dans une architecture décentralisée à index centralisé, l'indexation desfichiers est centralisée : l'ordinateur de l'utilisateur de l'application peer-to-peerjoue le rôle de serveur de fichiers en hébergeant sur son ordinateur les données telles des uvres contrefaisantes ou des images pédophiles qu'il proposeaux autres utilisateurs de télécharger depuis son poste, et non à partird'un serveur central. Dans une architecture décentralisée à index décentralisé,certains clients agissent comme serveur de fichiers et d'index pour l'ensembledes utilisateurs.
(39) En ce sens : TGI Nanterre, 8 déc. 1999, JCP, 2000, II, 10279, note O. Barbryet F. Olivier.
(40) En ce sens : CA Aix en Provence, 10 mars 2004, Com. com. électr., sept.2004, comm. n° 103.
(41) Article L. 32-3-4 du Code des postes et des communications électroniques.
(42) En ce sens : Crim. 5 nov. 1943, DA, 1944, 29.
(43) En ce sens : Crim 5 nov. 1943, précité. La Cour a jugé que c'est au momentde l'infraction, en l'espèce instantanée, que l'élément moral de la complicité doitexister. Elle a considéré que le fait d'apprendre postérieurement à la locationque le bâtiment était destiné à des abattages clandestins et de ne pas s'y êtreopposé ne constitue pas un acte de complicité, faute d'intention chez le complice.Adde : Crim. 15 nov. 1990, Bull. crim. n° 358.
(44) En ce sens notamment : A. Normand, Traité élémentaire de droit criminel,Pédone, 1896, n° 716 ; R. Garraud, op. cit., n° 892 ; G. Vidal, Cours de droitcriminel et de science pénitentiaire, édition refondue et mise au courant de lalégislation et de la jurisprudence, repris à partir de la 5e éd. par J. Magnol,Rousseau et Cie, 9e éd., 1947, n° 122 ; R. Merle et A. Vitu, op. cit., n° 579 ;P.-A. Pageaud, « La notion d'intention en droit pénal », JCP, 1950. I. 876. § 3.
(45) Crim. 10 avril 1964, Bull. crim. n° 105.
(46) À la condition toutefois que l'auteur du contenu du site, qui peut être liciteau lieu de son hébergement, ait souhaité atteindre les internautes français.Comp. : Cour suprême du Canada, 30 juin 2004, Société canadienne des auteurs,compositeurs de musique c/Association canadienne des fournisseurs internet,(2004) CSC 45, Propriétés intellectuelles, oct., 2004, chron. n° 6, p. 918, A. Lucas.La Cour retient la responsabilité du prestataire qui sait qu'un fournisseur decontenus rend du matériel illicite disponible grâce à son système et ne prendaucune mesure pour y remédier.
(47) Crim. 10 oct. 1988, Bull. crim.n° 333, JCP, 1990, II, 21416, note G. Demidoff,Gaz. Pal., 1989, I, p. 189, note J.-P. Doucet. Crim. 30 mai 1989, Bull. crim.n° 222, Rev. sc. crim., 1990, p. 325, obs. A. Vitu.
(48) Sur la condamnation du fournisseur de logiciel d'échanges de fichiersNapster, exploitant un système centralisé : 239 F3d 1004, 9th Cir. 2001 ;P. Kamina, Affaire Napster, Com. com. électr., oct. 2000, actu. Droit anglo-américainn° 166 ; Leblanc, Dalloz affaires, 2001, p. 107 ; L. Lèguevaque, Expertises,1er août 2000, p. 256 ; D. Forest et M. Lemery, « Napster un cadavre encombrant», Expertises,mai 2003, p. 180.
(49) Comp. : Affaire StreamCast Networks et Grokster : CA. San francisco, 9thU.S. Circuit, 19 août 2004, Propriétés intellectuelles, oct 2004, chron. n° 2,p. 920, A. Lucas. (confirmant United States District Court - Central District ofCalifornia, 25 avril 2003, Propriétés intellectuelles, juill. 2003, chron. n° 4, p. 299,A. Lucas). La Cour d'appel de San Francisco a refusé de retenir la responsabilitéde ces prestataires, au motif qu'en l'absence de serveur central ils ne peuventpas contrôler l'utilisation qui est faite de leurs logiciels peer-to-peeret nepeuvent pas vérifier la légalité des fichiers échangés ou bloquer l'accès de certainsinternautes aux réseaux de peer. Adde: Cour suprême La Haye, 19 déc.2003, Vereniging Buma, Stchting Stemra c/Kazaa BV inédit.
(50) Selon l'expression de R. Garraud, op. cit., n° 891.
(51) Selon l'expression de J.-H. Robert, Droit pénal général, PUF, 5e éd., 2001,p. 328.