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Chroniques et opinions
01/10/2004
L'accouplement du droit de la protection des données personnelles avec le droit d'auteur : la naissance d'un avorton, l'article 9-4° de la loi modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés
L'article 9-4° nouveau de la loi informatique, fichiers et libertés, introduit par la loi du 6 août 2004, offre aux sociétés de perception et de gestion des droits d'auteur et de droits voisins ainsi qu'aux organismes de défense professionnelle, la possibilité de mettre en uvre des « traitements de données à caractère personnel relatives à des infractions, condamnations et mesures de sûreté». Si le Conseil constitutionnel a estimé que cette nouvelle disposition « tend à lutter contre les nouvelles pratiques de contrefaçon qui se développent sur le réseau internet», et qu'elle « répond à un objectif d'intérêt général qui s'attache à la sauvegarde de la propriété intellectuelle», sa véritable portée paraît pourtant très en retrait par rapport aux intentions initiales.
LE TOCSIN SONNE, la création intellectuelle est en péril, comme les industries qui la soutiennent ! Les procédés modernes de reproduction ou de représentation, internet et les connexions à haut débit, le téléchargement de musiques et de films via le système du peer-to-peer, expression de la culture du tout gratuit, ouvrent un boulevard à la contrefaçon massive et systématique : ils sont placés au banc des uniques accusés. Les réalités sont bien entendu plus complexes (1) ...
Jean FRAYSSINET
Professeur à l'Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III
(2) Nous n'avons volontairement pas traité de la légalité ou non du peer-to-peer,sujet discuté tant au niveau des règles que de la jurisprudence, en France et àl'étranger. On peut se référer pour faire le point au dossier établi par le Forumdes droits de l'internet, État des lieux sur le peer-to-peer et la musique en ligneen France, la propriété intellectuelle face au peer-to-peer,septembre 2004,43 p., disponible sur www.foruminternet.org
(3) Charte disponible sur le site www.culture.gouv.fr
(4) On peut faire le lien entre la position de la CNIL et celle, tout à fait identique,de la Commission de la protection de la vie privée de Belgique: « Avis n° 44/2001du 12 novembre 2001 concernant la compatibilité de la recherche d'infractionsau droit d'auteur commises sur internet avec les dispositions juridiques protégeantles données à caractère personnel et les télécommunications».
(5) Avis et travaux disponibles à l'adresse suivante :www.culture.fr/culture/cspla/travaux.htm ; v. Légipressen° 210-IV, p. 26.
(6) Voir l'ensemble du dossier à l'adresse :www.conseil-constitutionnel.fr/Decision/2004/2004499/index.htmLes observations du gouvernement sont très éclairantes.
(7) Une analyse approfondie de l'ancien article 30 montrerait de multiples difficultésd'interprétation et l'imprécision de sa portée, à tel point qu'on peut soutenirque l'article 9-4° nouveau n'était pas nécessaire ; on signalera à ce proposles travaux de M. Axel Saint-Martin (malheureusement non publiés) au sein duDEA Informatique et droit de la Faculté de Droit de Montpellier : Lutte contre lacontrefaçon sur les réseaux peer-to-peer et protection des données personnelles,2004, 28 p.
(8) À propos du secret des correspondances et de la levée de l'anonymat voirTGI Paris, ordonnance de référé du 27 janvier 2003, Philipe D. c/ Lycos France.Aux États-Unis, dans le contexte du Digital Millenium Copyrignt Act, la Coursuprême, le 12 octobre 2004, a refusé d'examiner un arrêt de la Cour d'appelde Washington prononcé en faveur du fournisseur d'accès Verizon le19 décembre 2003 qui refusait de fournir à la RIAA (syndicat de l'industrie dudisque américaine) l'identité de ses abonnés, sur simple demande de sa part,faisant du téléchargement peer-to-peer d'airs musicaux. La position de la Coursuprême, confirmant ainsi l'attitude adoptée par Verizon en faveur de la protectiondes données personnelles est une défaite importante de la RIAA.