PAR CE DÉCRET du 4 octobre 2004, passé assez inaperçu, y compris peut-être des spécialistes du droit de la communication, a été abrogé le régime particulier de contrôle administratif des publications étrangères ou de provenance étrangère, tel qu'établi par le décretloi du 6 mai 1939 constituant, depuis cette date, l'article 14 (1) de la loi du 29 juillet 1881 « sur la liberté de la presse » (2). Soixante-cinq ans après, se trouve donc abrogé un texte, à la nature juridique ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(2) Aux termes de cet article 14, il était prévu que : « la circulation, la distribution ou la mise envente en France des journaux ou écrits, périodiques ou non, rédigés en langue étrangère, peutêtre interdite par décision du ministre de l'Intérieur.Cette interdiction peut également être prononcée à l'encontre des journaux et écrits de provenanceétrangère rédigés en langue française, imprimés à l'étranger ou en France. Lorsqu'ellessont faites sciemment, la mise en vente, la distribution ou la reproduction des journaux et écritsinterdits sont punies d'un an d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende.Il en est de même de la reprise de la publication d'un journal ou d'un écrit interdit, sous un titredifférent. Toutefois, en ce cas, l'amende est portée à 9 000 euros.Il est procédé à la saisie administrative des exemplaires et des reproductions de journaux etécrits interdits et de ceux qui en reprennent la publication sous un titre différent. »
(3) Loi que certains voudraient sacraliser et déclarer intouchable, alors qu'elle a, en réalité,été l'objet de multiples modifications partielles, par ajouts ou suppressions, telles qu'elle comportemoins d'articles d'origine que d'articles modifiés, et que, de ce fait notamment, ellen'échappe pas à la critique ! Voir notamment : Derieux, E., « Faut-il abroger la loi de 1881 ? »,Légipresse, septembre 1998, n° 154.II.93-10.
(4) Voir notamment : Derieux, E., « Publications étrangères », Droit de la communication, LGDJ,4e éd., pp. 138-148 ; Dreyer, E., « Régime administratif des publications étrangères », JurisClasseur Communication, fasc. 2150 ; Duffar, J., « La censure administrative des écrits étrangers.Droit français et droit international », RDP1986, pp. 561-599 ; Pinto, R., « L'article 14 dela loi sur la presse de 1881 modifié par le décret-loi de 1939 et les obligations internationalesde la France », Liberté d'information et d'opinion en droit international, Economica, pp. 106-114.
(5) CE, 7 février 2003, Gisti, Légipresse, avril 2004, n° 210.III.60-64, note P. Wachsmann.
(6) Voir ci-dessous.
(7) CE, 9 juillet 1997, Association Ekin, Petites affiches, 14 novembre 1997, n° 137, noteE. Tamion.
(8) Sur les méthodes d'analyse et d'appréciation de la CEDH, voir notamment : Auvret, P. « Lejournalisme d'investigation selon la Convention européenne des droits de l'homme », Légipresse,avril 1997, n° 140.II.33-39 ; Cohen-Jonathan, G., « La liberté d'expression dans la Conventioneuropéenne des droits de l'homme », Légipresse, janvier 1994, n° 108.VI.1-10 et avril 1994,n° 110.VI.13-22 ; Derieux, E., « Liberté d'expression et responsabilité des médias en droit européenet international », Droit européen et international des médias, LGDJ, pp. 187-205 ;Derieux, E., « Les principes du droit de la communication en droit européen et international »,Légipresse, juin 2000, n° 172.II.63-70 ; Leclerc, H., « Les principes de la liberté d'expressionet la Cour européenne des droits de l'homme », Légipresse, décembre 1999, n° 167.II.145-150 ; Oetheimer, M., L'harmonisation de la liberté d'expression en Europe. Contribution à l'étudede l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et de son applicationen Autriche et au Royaume-Uni, Pédone ; Pinto, R., « La Convention européenne des droitsde l'homme et la liberté d'information et d'opinion » et « La jurisprudence de la Commissionet de la Cour européenne des droits de l'homme dans le domaine de l'information », La libertéd'information et d'opinion en droit international, Economica, pp. 53-224.
(9) Cour européenne des droits de l'homme, 17 juillet 2001, Association Ekin c/ France,Légipresse, octobre 2001, n° 185.III.169-176, note E. Derieux et Petites affiches, 22 février2002, n° 39, note L. Pech.
(10) Cour administrative d'appel de Paris, 4e ch., sect. A, 22 janvier 2002, Reynouard et Fondationeuropéenne pour le libre examen historique, Légipresse, mai 2002, n° 191.III.77-78, note ED.
(11) CE, 7 février 2003, Gisti, précité.
(12) Aux termes de l'article 38 de l'actuelle Constitution de la Ve République, « le gouvernementpeut pour l'exécution de son programme demander au Parlement de prendre par ordonnances,pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Ellesentrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratificationn'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.À l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuventplus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. »
(13) Voir, par exemple, CE, 2 novembre 1973, Société Librairie François Maspéro.
(14) CE, 2 novembre 1963, Société Librairie François Maspéro.
(15) Article 38 de la Constitution d'octobre 1958
(16) CEDH, 17 juillet 2001, Ekin, Légipresse, octobre 2001, n° 185.III.169-176, note E. Derieux.
(17) CE, 7 février 2003, Gisti, Légipresse, avril 2004, n° 210.III.60-64, note P. Wachsmann.
(18) Sur ces principes, voir notamment : Derieux, E., « Principes du droit de la communication», Droit de la communication, LGDJ, 4e éd., pp. 19-36 et les références bibliographiques.
(19) Sur ce thème, voir notamment : Derieux, E., « Internationalisation de la communication.Loi(s) applicable(s) et juridiction(s) compétente(s) », Légipresse, mai 2004, n° 211.II.60-67.