En droit, les images sont-elles appréhendées différemment du texte? La nécessité de défendre la personne qui en est le sujet ou le destinataire pourrait justifier que l'on applique aux images un statut plus sévère. Pourtant, malgré un certain nombre de dispositions spécifiques, il n'est pas sûr que notre droit positif leur applique un régime dérogatoire s'agissant de l'information du public. Il ne leur accorde pas davantage de faveurs exorbitantes et semble considérer les images comme un outil d'information équivalent au texte.
L'intimité de la vie privée est spécialement protégée par le droit pénal. Mais le droit pénal n'incrimine pas toutes les atteintes qui peuvent lui être portées. Il n'appréhende que les plus graves, celles qui impliquent une fixation de l'image ou une captation de la voix, présentée généralement comme l'image sonore de la personne. En revanche, la description par écrit du contenu de l'image ou de l'enregistrement délictueux ne constitue pas une infraction. À titre d'exemple, ...
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
(2) CEDH 23 sept. 1994, Jersild c/ Danemark, Série A 298, § 31.
(3) V. not. C. Ruet, « L'expression par l'image au regard de l'art. 10 Conv. EDH »,in Image et Droit, dir. P. Bloch, L'Harmattan, 2002, pp. 33-98.
(4) Le présent texte est le résumé d'une contribution présentée lors du colloquesur L'image organisé, les 4 et 5 déc. 2003, par le Centre d'études et derecherches sur les contentieux (CERC), sous la direction du Prof. J.-J. Sueur, àla Faculté de droit de Toulon et du Var. Les actes de ce colloque, dont l'intégralitéde la présente contribution, seront publiés dans la collection Champslibres chez L'Harmattan au cours de l'année 2004.
(5) CA Paris, 11e ch, 2 nov. 2000, Dr. pén.avril 2001, n° 42, p. 12, obs. M. Véron.TGI Paris, 17e ch. corr., 28 avril 1998, LPn° 156, III-158.
(6) TGI Paris, 17e ch, 23 mars 2000, LPn° 172-I, juin 2000, p. 78.
(7) Crim. 7 oct. 1997, D.1999, jurispr., p. 152, note J.-C. Saint-Pau ; Dr. pén.1998, comm. 47, note M. Véron.
(8) L'atteinte est à ce point présumée qu'elle a même été admise à l'encontred'une personne sans vie (privée) car déjà morte (V. Crim. 20 oct. 1998, D.1999,jurispr. p. 106, note B. Beignier ; JCP G 1999, II, 10 044, note G. Loiseau. Etdéjà : Crim. 21 oct. 1980, D.1981, jurispr. p. 72, note Lindon).
(9) Ph. Conte, Droit pénal spécial, Litec 2003, p. 190, n° 329.
(10) V. notre Droit de l'information Responsabilité pénale des médias, Litec2002, n° 729 et s.
(11) V. à titre d'illustrations : TGI Paris, 17e ch. 20 nov. 2001, LPn° 188-III, janv.2002, p. 17, note B. Ader. TGI Paris, 17e ch., 6 fév. 2003, LPn° 201-I, mai 2003,p. 62.
(12) Sur cette idée d'atteinte par répercussion, v. J. Cl. Communication :« Image de la personne », Fasc. 3750, n° 53 et s.
(13) CA Paris, 1re ch., 24 fév. 1998, D.1998, jurispr. p. 225, note B. Beignier ;RTD civ. 2000/2, p. 291, obs. J. Hauser.
(14) TGI Nanterre, 1re ch., 26 fév. 2003, LPn° 200-I, avril 2003, p. 42. V. la critiquede M.-Ch. de Percin, « Une création prétorienne : le droit à la douleur »,LPn° 202-II, juin 2003, p. 84.
(15) V. admettant que les proches d'une personne décédée peuvent réclamerle secours du droit dès lors que « les informations ou des supputations sur lescirconstances de la mort de cette personne sont de nature à heurter leurspropres sentiments» (TGI Nanterre, 5 nov. 2001, LPn° 188-I, janv. 2002, p. 13)ou que l'évocation de faits lointains « s'analyse en un rappel de faits et situationsirrésistibles profondément et irrémédiablement traumatisantes» (CA Paris,14 nov. 2002, LPn° 199-I, mars 2003, p. 32).
(16) Crim. 18 mars 2003, LPn° 203-III, juill. 2003, p. 105, note A. Lepage.Cassation de CA Paris, 13e ch., 3 mai 2002, LPn° 193-III, juill. 2002, p. 124,note B. Ader.
(17) V. not. S. Abravanel-Jolly, « La protection du secret en droit des personneset des familles », Impr. La Mouette, 2001/06, p. 239, n° 838 et p. 249, n° 878.
(18) Civ. 1, 20 fév. 2001, Bull. n° 42. V. déjà, lui montrant le chemin : TGI Paris,17e ch., 22 sept. 2000, LPn° 176-I, nov. 2000, p. 134.
(19) TGI Nanterre, 1re ch, 22 sept. 1999, LPn° 169-I, mars 2000, p. 30.
(20) Civ. 2, 24 avril 2003, Bull. n° 114.
(21) Affirmation que ne contredit pas cet arrêt approuvant une cour d'appel pouravoir souligné « le caractère anodin des indications portant sur les lieux de résidencede Mme G. et sa rencontre au restaurant avec son époux, ce caractèreétant de nature à exclure l'atteinte invoquée» (Civ. 1, 3 avril 2002, D.2002,p. 3164, note Ch. Bigot). Cet arrêt ne peut se comprendre qu'à raison de lapublicité donnée à l'événement principal qui échappait dès lors au secret dela vie privée ainsi que les informations accessoires qui l'accompagnaient.
(22) V. not. J.-P. Ancel, « La protection des droits de la personne », C. Cass.Rapport 2000, La Doc. fr. 2001, p. 64.
(23) V. cpdt J.-P. Gridel, « Retour sur l'image du préfet assassiné », D.2001,p. 873.
(24) Approche dégagée par le Conseil d'État dans l'affaire du lancer de nain(CE, 27 oct. 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, RFDA1996, p. 1204, concl.Frydman) et reprise notamment dans la convention d'autorisation, signée le 8 oct.2001, par le CSA et TF1 (art. 10 al. 1: CCEjanv. 2002, p. 37, n° 12, obs. A. Lepage).
(25) V. cpdt G. Loiseau, « L'autonomie du droit à l'image », in L'image menacée?, VE-PUF, coll. du 4 oct. 2001, p. 14.
(26) TGI Paris, 17e ch., 3 avril 2002, LPn° 197-I, déc. 2002, p. 150.
(28) V. J.-Cl. Communication « Dignité de la personne », Fasc. 3740.
(29) Civ. 1re 25 janv. 2000, JCPG 2001, II, 10554, note A. Tenenbaum; LPn° 171-III, mai 2000, p. 59, note J.-M. Bruguière.
(30) Pour une présentation, v. J.-Cl. Communication, « Image des biens », Fasc.3760, août 2002, 18 p.
(31) Le droit à l'information ne peut être invoqué pour justifier la libre reproductionpar l'image d'îlots sur des affiches touristiques promotionnelles (Civ.1re, 2 mai 2001, D.2001, p. 1973, note J.-P. Gridel ; JCPG 2001, II, 10553, noteC. Caron ; LP183-III, juill. 2001, p. 115, note G. Loiseau) ou d'un château dansles dépliants gratuitement distribués par une compagnie pétrolière afin de fidélisersa clientèle (CA Paris, 31 mars 2000, D. 2001, jurispr. p. 770, noteB. Edelman ; CCE, mai 2000, n° 52, obs. C. Caron ; LPn° 173-III, juill. 2000,p. 115, note C. Alleaume). Cessons de confondre liberté d'expression et libertéd'entreprendre ; reconnaissons enfin que, dans ces différentes hypothèses,c'est un usage commercial qui l'a emporté !
(32) V. not. J. Perlemuter et R. Ferla, « Les droits de retransmission du footballfrançais », LPn° 201-I, mai 2003, pp. 57-63.
(33) V. L. 16 juill. 1984, art. 18-2, al. 4, issu de la loi Lamour du 1er août 2003relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives :LPn° 205-IV, oct. 2003, p. 65.
(34) L. 30 sept. 1986, art. 20-2. Un projet de décret est actuellement notifié àla Commission européenne, conformément à l'article 3 bis, § 2, de la directiveTélévision sans frontières, afin d'arrêter la liste de ces événements majeurspour le public français. Or, quoique ni cette directive, ni la loi de 1986 ne soientlimitées au sport, cette qualification a été réservée aux seules compétitionssportives (V. Flash LPn° 205, oct. 2003, p. 129).
(35) V. affirmant, p. ex., que les intérêts de la collectivité « ont été pris en compteune fois pour toutes, au moment de l'énoncé des prérogatives de l'auteur, parle législateur lui-même dans des dispositions telles que celles relatives à la limitationde la durée du droit d'auteur, à l'organisation du régime de la copie privéeou aux exceptions concernant les reproductions à usage public»: A. Lucas-Schloetter, Droit moral et droits de la personnalité, PU Aix-Marseille, 2002,p. 640, n° 911. Cette approche légaliste, qui se nourrit d'une hostilité de principeau fair useaméricain, mérite sans doute les mêmes critiques que l'Exégèseà l'issue du dix-neuvième siècle.
(36) CA Versailles, 1re ch., 20 déc. 2001, RIDAn° 192, avril 2002, p. 448.
(37) V. également l'opinion de l'ancien juge à la Cour EDH, L. Pettiti : « Libertéd'expression dans le champ de l'audiovisuel », in Mél.J. Robert, Montchrestien,1998, p. 411.
(38) CA Paris, 4e ch., 12 déc. 2001, RIDA avril 2002, n° 192, p. 445 ; CCE fév.2002, p. 24, n° 20, obs. C. Caron ; PIavril 2002/3, p. 58, obs. A. Lucas.
(39) CA Paris, 4e ch., 18 mars 2003, CCEjuill. 2003, p. 26, n° 69, obs. C. Caron;LPn° 205-III, oct. 2003, p. 147, note A. Singh et G. Corman.
(40) Un éminent spécialiste rappelle également que la fameuse jurisprudenceMicrofor admit « que des titres d'ouvrage, protégés par le droit d'auteur, peuventêtre introduits dans un index à des fins signalétiques». Ce qui illustre lefait que la Cour de cassation est capable de distinguer « soigneusement ce quiest de l'ordre de la création, de l'oeuvre, et ce qui est fonction documentaire»:M. Vivant, obs. in PIoct. 2003/9, p. 460.