L'obtention du statut de journaliste professionnel, par tous les avantages qu'il peut procurer, constitue un enjeu majeur pour ceux susceptibles d'en bénéficier. Cependant, la détermination des conditions d'application de l'article L. 761-2 du code du travail qui définit les critères d'obtention de ce statut ne se fait pas sans mal. La nature de l'entreprise employeur, ainsi que le type d'activité exercée par le candidat, sont les critères majeurs d'obtention du statut de journaliste professionnel, et font encore l'objet d'importantes controverses jurisprudentielles.
AUX TERMES DE L'ARTICLE L. 761-2 du code du travail (1), la nature ou l'identité de l'employeur, de l'entreprise ou de la publication auxquels une personne apporte sa force de travail ou le résultat de celui-ci constitue un élément, parmi d'autres mais cependant tout à fait essentiel, condition nécessaire sinon suffisante, de la définition du journaliste professionnel. L'imprécision des termes de la loi (2) est source de bien des interrogations et incertitudes. La réponse varie selon ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(2) On n'examinera ici que les seules dispositions (ci-dessus mentionnées) decet article du code du travail. On n'évoquera pas le cas (qui pose d'autres questions!) des journalistes de l'audiovisuel à propos desquels l'article 93 de la loidu 29 juillet 1982, maintenu en vigueur par la loi du 30 septembre 1986, énonceque « les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprisesde communication audiovisuelle ont la qualité de journalistes au même titre queleurs confrères de la presse écrite».On ne considérera pas davantage la situation des journalistes de l'internet, précédemment mais non définitivement ! abordée : Derieux, E., « Nouvel âgede la communication et définition du journaliste en droit français », Légipresse,n° 130.II.25-30 ; Derieux, E., « Journaliste-internaute ? De la possibilité, pour uninternaute, de se prévaloir de la qualité de journaliste », Petites affiches, 19 mars1997, pp. 8-12 ; Derieux, E., « Interrogations sur l'avenir du statut des journalistes.Évolution des techniques et des pratiques d'information et de communicationet statut professionnel des journalistes en droit français », inRieffel, R. etWatine, Th., Les mutations du journalisme en France et au Québec, ÉditionsPanthéon-Assas, pp. 15-26.
(3) Et, plus précisément, des lois puisqu'on est amené à se référer à des textes différentsqui, bien que constitutifs du même droit de la communication, n'ont pasété élaborés en considération les uns des autres, de l'ensemble des questions oude la totalité de leurs possibles effets ou domaines d'application et qui ne sont pastoujours cohérents les uns par rapport aux autres. Sur les critiques sinon doutessur l'existence même du droit de la communication, liés à ses éléments constitutifset caractéristiques actuels, pleins d'incohérences et d'insuffisances, voirnotamment: Derieux, E., « Introduction », Droit de la communication, LGDJ.
(4) Qui peut en connaître à l'occasion de contestations contre les décisions dela commission supérieure de la carte d'identité de journaliste professionnel oude litiges avec l'administration fiscale.
(5) Qui doit trancher des litiges entre des employeurs et des personnes qui prétendentà la qualité de journaliste.
(6) Sauf à tenir compte des effets de la « présomption de salariat» énoncée parle dernier alinéa de l'article L. 761-2 du code du travail, introduit par la loi dejuillet 1974, selon lequel « toute convention par laquelle une entreprise de presses'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnelau sens du premier alinéa du présent article est présumée être un contrat de travail.Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de larémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.»
(7) Si les autres critères sont satisfaits, et le plus souvent, sans doute, en combinaisonavec ceux-ci, la nature des contributions et les conditions de leur apportinfluent également sur la possibilité, pour les personnes en cause, de se prévaloirde la qualité de journalistes. C'est là un autre élément de la définition dujournaliste professionnel.À défaut de détermination très précise de la nature de l'occupation dans lestermes de la loi, la jurisprudence a été amenée à préciser notamment qu'il devaits'agir d'un travail de type intellectuel, en relation avec une certaine forme d'actualité.Cela exclut ou devrait exclure notamment les uvres de fiction ou la contribution à des pages principalement promotionnelles ou publicitaires.À ces critères relatifs à la nature des contributions s'en ajoutent d'autres concernantle fait qu'il s'agit de l'« occupation principale, régulière et rétribuée» dechacune des personnes et qu'elle en « tire le principal de ses ressources».Sur tous ces points, voir notamment: Derieux, E., Droit de la communication, LGDJ.
(8) Soumise au statut spécifique de ce type d'entreprise (loi du 1er août 1986)et bénéficiaire, pour cela, de diverses modalités d'aides accordées à ce typed'entreprises et de publications (régime économique et fiscal de faveur). Voirnotamment inDerieux, E., Droit de la communication, LGDJ.
(9) Voir ci-dessous.
(10) CE, 30 juin 1997, Thory et autres, JCP 1998.II.10002, note E. Derieux ; inDerieux, E., Droit de la communication. Jurisprudence. Recueil de textes,Victoires-Éditions.
(11) CE, 24 octobre 1997, A. Rousselle.
(12) CE, 30 mai 1986, Mme Moglia, Rec., p. 155, CE, 22 juin 2001, Deloose.
(13) CE, 22 juin 2001, Deloose.
(14) Cour de cassation, ch. soc., 24 février 1993, Compagnie française d'étudeset de construction c/ Sarfati, Légipresse, n° 105.III.124, note E. Derieux ; Bull.,n° 68; inDerieux, E., Droit de la communication. Jurisprudence, Victoires-Éditions.
(15) Cour de cassation, ch. soc., 24 février 1993, Lévy c/ Fnac, Légipresse,n° 105.III.124, note E. Derieux ; Bull., n° 69; inDerieux, E., Droit de la communication.Jurisprudence, Victoires-Éditions.
(16) Cour de cassation, ch. soc., 22 octobre 1996, Sarfati, Bull., n° 341.
(17) Cour de cassation, ch. soc., 17 mars 1999, Nerdenne c/ INC, Légipresse,n° 163.III.89 ; inDerieux, E., Droit de la communication. Jurisprudence, VictoiresÉditions.
(18) Cour de cassation, ch. soc., 10 janvier 2001, Allain et autres, Juris Data2001-007818.
(19) Cour d'appel de Paris, 21e ch., 6 mars 2002, Citizen Press c/ Mennessier,Légipresse, n° 196.III.186, note F. Gras.
(20) Cour d'appel de Paris, 18e ch., 13 mars 2001, Sté Edinove c/ Reau, JurisData2001-142046.
(21) Cour de cassation, ch. soc., 5 janvier 2000, Menher c/ Union nationale desretraités, Juris Data2000.000142.
(22) Cour de cassation, ch. soc., 10 octobre 2001, Lefebvre c/ Centre nationaldes jeunes agriculteurs, Légipresse, n° 189.III.20, note F. Gras ; Juris Data2001.011378.
(23) Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 octobre 2001, N. Drouet c/ AssociationJournées de l'Intendance.
(24) CE, 30 juin 1997, S. Montmoulineix.
(25) Le fait que le CNRS n'est pas lui-même principalement éditeur de publicationspériodiques n'est pas sans incidence sur l'appartenance de l'entrepriseprestataire de services à la catégorie des « agences de presse» puisque l'article1er de l'ordonnance du 2 novembre 1945 considère ainsi les organismesqui « fournissent aux journaux et périodiques, des articles, informations, reportages», à condition, cependant, de considérer, s'agissant des « journaux etpériodiques », pas seulement les publications elles-mêmes mais les « entreprises» éditrices desdites publications.
(26) Cour d'appel de Paris, 21e ch., Citizen Press c/ Mennessier, Légipresse,n° 196.III.186, note F. Gras.
(28) S'agissant davantage de la mise en uvre du régime d'aide de l'État, quede la détermination de la qualité professionnelle des auteurs, le Conseil d'État aestimé que ne peut être considérée comme une publication périodique la « publicationmensuelle d'ouvrages écrits de même nature» dès lors qu'il « résulte del'examen de ces ouvrages qu'ils ont essentiellement pour objet la publicationd'un roman policier par fascicule», et cela même si chacun d'eux « contient ledébut d'un nouveau roman annonçant la publication suivante, ainsi que quelquespages consacrées à des jeux ou de brèves nouvelles »(CE, 19 mai 1969, StéEuropéenne de Publications). Le même Conseil d'État a, par contre, jugé quedoit être considérée comme une publication périodique une revue dont les numéros,« bien que consacrés à un sujet unique, peuvent être regardés comme leslivraisons d'une publication périodique procédant à l'étude et à la discussion deproblèmes directement reliés à une actualité en cours d'évolution » (CE,3 novembre 1982, Pignero ; inDerieux, E., Jurisprudence, Victoires-Éditions).
(29) Ader, B., « Les conditions d'obtention et de conservation d'une inscriptionà la commission paritaire des publications et agences de presse », Légipresse,n° 128.II.1-8 ; de Bellescize, D., « L'intérêt général, condition d'un numéro d'inscriptionà la commission paritaire. Bilan de la jurisprudence du Conseil d'État :1945-1997 », Légipresse, n° 150.II.25-33.
(30) Voir notamment inDerieux, E., Droit de la communication, LGDJ.
(27) Travail de type intellectuel, de recherche et de traitement de l'information,en relation avec l'actualité
(31) En ce sens, l'arrêt précité de la chambre sociale de la Cour de cassation,du 10 octobre 2001, refusant la qualité de journaliste au collaborateur de lapublication du CNJA, alors même qu'un numéro de CPPAP a été attribué à laditerevue (Cour de cassation, ch. soc., 10 octobre 2001, Lefebvre c/ CNJA,Légipresse, n° 189.III.20, note F. Gras).
(32) En ce sens, voir : Conseil d'État, 12 janvier 1977, Benoît, Rec., p. 21.
(33) CE, 27 mars 1995, E. Cherdel, Légipresse, n° 124.III.120.
(34) CE, 30 juin 1997, Thory et autres, JCP1998.II.10002, note E. Derieux.
(35) Sur les conditions d'attribution de cette carte, voir notamment : Da Lage, O.,Obtenir sa carte de presse et la conserver, Guide Légipresse, Victoires-Éditions,2003.
(36) Voir notamment inDerieux, E., Droit de la communication. Lois et règlements.Recueil de textes, Victoires-Éditions, 2003.
(37) Sur cette question, voir notamment : Albertini, J.-P., « Vers un Code de lacommunication », Légipresse, n° 102.II.45-56 ; Derieux, E., « Le projet de loiportant Code de la communication et du cinéma », JCP1997.I.4007.