LE JUGEMENT DU TRIBUNAL de grande instance de Paris reproduit ci-dessus, rendu sous la présidence de M. Alain Girardet, se prononce avec une grande clarté et, selon nous, beaucoup de pertinence, sur l'interprétation à donner à l'article L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) prohibant la cession globale des uvres futures. Nul n'ignore qu'il s'agit là d'une question extrêmement sensible du droit d'auteur, sur laquelle les oppositions sont vives, frontales même, au point ...
Tribunal de grande instance, Paris, 3e ch. 2e sect., 6 décembre 2002, N. Bresson c/ SARL CLV Éditions
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
(2) Merci à Charles-Henry Dubail, représentant des éditeurs de la presse spécialisée au CSPLA,pour ses éclaircissements sur les travaux du Conseil concernant la création salariée, et pourla discussion qui a suivi relative au présent jugement. On consultera avec intérêt le Rapportannuel du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique 2001-2002, ministère de laCulture et de la Communication, Direction de l'administration générale, Paris, not. p. 11 ets. Pour avoir une vue plus précise des difficultés rencontrées par les entreprises de communication,v. « Les droits d'auteur dans l'entreprise de communication », Actes du forum Légipressedu 26 septembre 2002, Légicomn° 29.
(3) Les textes du CPI sont clairs (art. L. 111-1, al. 3 : « L'existence ou la conclusion d'un contratde louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une uvre de l'esprit n'emporte aucune dérogationà la jouissance du droit reconnu par l'alinéa 1er » [i. e. « droit de propriété incorporelleexclusif et opposable à tous de l'auteur»]). La jurisprudence ne l'est guère moins (Cass., 1reciv., 16 décembre 1992 : Bull. civ.I, n° 315 ; RIDA avril 1993, p. 193, note P. Sirinelli ; Cass. 1reciv., 21 octobre 1997 : Bull. civ.I, n° 285 ; JCP E1998, p. 1047, note J.-M. Mousseron ; Ann.propr. ind.3/1997, p. 274; Cass., 1re civ., 23 janvier 2001, « Le Berry Républicain »: Légipresse2001, 180, III, p. 50, note S. Jacquier ; Com. com. électr. 2001, comm. 44, obs. Chr. Caron ;Cass., 1re civ., 12 juin 2001, Rillon c/ Capital Média : Légipresse2001, 185, III, p. 155, noteChr. Alleaume ; Com. com. électr.2001, comm. 74, obs. Chr. Caron ; Propriétés intellectuelles2001, p. 56, obs. A. Lucas). F. Pollaud-Dulian, « Ombre et lumière sur le droit d'auteur dessalariés », JCP1999, I, 150 et, surtout, RTD com. 2000, p. 273, explique l'indépendance entrele contrat de travail et la cession des droits sur l'uvre par la distinction qui existe entre le travail( labor) et l'uvre ( opus) ; l'idée est que le contrat de travail rémunère le labor, tandis quela cession permet à l'employeur d'avoir des droits sur l' opus. Deux contrats sont donc nécessairespuisque chacun ne traite pas du même objet.
(4) Une telle cession portant nécessairement sur plus de deux uvres futures, on l'assimile àune cession globale : X. Linant de Bellefonds, avec Chr. Caron, « Droits d'auteur et droits voisins», Propriété littéraire et artistique, Delmas, 1997, 2e éd., p. 158; H. Desbois, Le droit d'auteuren France, Dalloz, 1978, 3e éd., n° 187 ; A. Lucas et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraireet artistique, Litec, 2001, 2e éd., n° 507.
(5) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, collection droit fondamental, 2001, 4e éd.,n° 275, note [2], p. 479 ; « Sur les pactes de préférence en matière d'édition », A. Lucas,« Propriété littéraire et artistique. Droit d'auteur. Exploitation des droits. Contrats d'édition »,fasc. 1320, J.-Cl. PLA, (11, 1995 ; m.a.j. 2, 2003), n° 32.
(6) Bien qu'une partie de la doctrine propose, moult arguments à l'appui, qu'une évolution jurisprudentielleintervienne sur ce point ; dernièrement P.-Y. Gautier, obs. sous Cass., 1re civ.,10 juillet 2002 : RTD civ. 2003, p. 107.
(7) CA Lyon, 28 novembre 1991 : Gaz. Pal. 1992, 1, p. 275 (« La prévision d'une cession automatiquede droits de propriété littéraire et artistique au fur et à mesure d'éventuels travauxn'est pas constitutive de la cession globale d'uvres futures.»).
(8) CA Angers, ch. com., 10 septembre 2001, Sté Graphibus et Cass., com., 5 nov. 2002, StéArplex c/ Ducs de Gascogne : Com. com. électr.2003, comm. 1, obs. Chr. Caron. Toutefoisces arrêts laissent à désirer. La motivation du premier est d'autant plus critiquable que la cessionétait contraire aux termes exprès du contrat. Quant au second arrêt, il s'intéresse à uncontrat de louage d'ouvrage conclu entre un cessionnaire et un sous-exploitant, et non à uncontrat consenti par l'auteur, ce qui, conformément à l'arrêt Perrier (Cass., 1re civ., 13 oct.1993 : D. 1994, j., p. 166, note P.-Y. Gautier et somm. p. 280, obs. Th. Hassler ; RTD com.1994, p. 272 obs. A. Françon), laissait l'article L. 131-3 CPI hors-jeu ainsi que, probablement,l'article L. 131-1. Enfin, comme le note Chr. Caron, la licéité de la cession implicite au regardde l'article L. 131-3, mis à l'écart, est une chose ; la conformité de la même cession au regardde l'article L. 111-1, al. 3 en est une autre.
(9) Toutefois cf. A. Lucas et H.-J. Lucas, op. cit., n° 164, selon qui l'auteur est en position deforce, avec P.-Y. Gautier, loc. et op. cit., qui en doute.
(10) V., par ex., les réflexions de A. Girardet, « La notion d'uvre collective dans la jurisprudence», in« Les droits d'auteur dans l'entreprise de communication », Actes du forum Légipressedu 26 septembre 2002, Légicomn° 29, p. 35.
(11) A. Huguet, « L'ordre public et les contrats d'exploitation du droit d'auteur », LGDJ, 1962,n° 183; sur le sujet, S. Durrande, « Propriété littéraire et artistique. Droit d'auteur. Exploitationdes droits. Dispositions générales », fasc. 1310, J.-Cl. PLA, (11, 2000), n° 20.
(12) X. Linant de Bellefonds, avec Chr. Caron, ibid. ; H. Desbois, ibid. ; A. Lucas et H.-J. Lucas,op. cit., n° 507.
(13) X. Linant de Bellefonds, Droits d'auteur et droits voisins, Dalloz, collection cours, 2002,n° 874 ; V., très nets sur le sujet, A. Lucas et H.-J. Lucas, ibid.
(14) Cass., 1re civ., 4 février 1986 : JCP1987, II, 20872, note R. Plaisant ; RTD com. 1987, p. 196,obs. crit. A. Françon.
(15) Cass., 1re civ., 6 novembre 1979 : RIDA juillet 1980, n° 105, p. 167.
(16) Cf. l'arrêt Perrier, préc. note [7].
(17) P. Sirinelli, « Le raisonnable en droit d'auteur », Mélanges Françon, Dalloz, 1995.