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Chroniques et opinions
01/05/2003
Droit de réponse sur l'internet Avant-projet de Recommandation du Conseil de l'Europe sur le droit de réponse dans l'environnement en ligne : éléments de réflexion à partir du droit français
Le droit de réponse constitue, pour les personnes mises en cause par un média comme pour le public, la garantie de l'expression de la diversité des points de vue. Il devrait dès lors pouvoir être exercé sur l'internet comme sur tout autre moyen ou support de communication publique. La technique permet sans doute d'en faciliter l'usage. Un encadrement juridique s'avère cependant nécessaire, tant pour en garantir l'exercice que pour en limiter les abus éventuels. Voté en première lecture par l'Assemblée nationale, le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique prévoit de consacrer un tel droit en droit français. La dimension internationale de la communication appelant désormais une harmonisation des législations nationales, une Recommandation du Conseil de l'Europe, en ce sens, serait donc tout à fait bienvenue (1).
LE DROIT DE RÉPONSE constitue un instrument et une garantie du débat démocratique. Il contribue au pluralisme de l'information et des points de vue. Il assure la libre expression de la diversité des opinions et des analyses (2) Il est pourtant très mal connu et fort peu employé (3), du fait notamment des différents médias eux-mêmes qui, y voyant bien à tort ! la reconnaissance d'un manquement ou l'aveu d'une faute et peut-être pire encore à leurs yeux une sorte d'« ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(2) Le présent commentaire est issu de la contribution écrite adressée, enfévrier 2003, au Comité d'experts du Conseil de l'Europe qui l'avait sollicitéedans le cadre de la consultation engagée, sur ce thème, sur la base d'un Avantprojetde Recommandation, ci-après reproduit, pour lequel aucune date d'adoptionne peut, pour le moment, être envisagée
(3) Il s'agit bien là de certains des « idéaux» et des « principes» qui constituentle « patrimoine commun» des États membres du Conseil de l'Europe, commele mentionne, d'entrée, le préambule de l'avant-projet.
(4) Y compris dans les pays où il est expressément reconnu ou consacré, defaçon plus ou moins restrictive (comme moyen de réparation d'un dommagesubi, pour corriger des faits inexactement présentés, en réaction à une atteinteà l'honneur ou à la considération ). Les dispositions législatives les plus nouvelles,concernant notamment le statut de la radio-télévision, des pays qui ontle plus récemment accédé à la démocratie, pourraient paraître plus favorablesau droit de réponse que ne le seraient les législations plus anciennes, de lapresse notamment, de pays ayant une plus longue tradition en la matière. Maisla pratique en est probablement fort différente
(5) Selon l'expression qui a parfois été utilisée, dans certains pays anglo-saxonsnotamment mais également en France, oubliant alors que certains des organismesde radio-télévision relèvent du secteur public, que les autres bénéficientd'un privilège (du fait de l'autorisation d'exploitation qui leur a été accordée),et que les entreprises de presse écrite, éditrices de publications périodiques,bénéficient de diverses modalités d'aide de l'Etat (Sur ces différentes questions,voir notamment : Derieux, E., Droit de la communication, LGDJ).
(6) Ce principe a été maintes fois répété, dans le cadre du Conseil de l'Europe,par la Cour européenne des droits de l'homme : « la liberté d'expression constituel'un des fondements essentiels d'une société démocratique» (arrêt SundayTimes, du 26 avril 1979) ; « La liberté d'expression occupe une place éminentedans une société démocratique. Elle en constitue l'un des fondements essentielset l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissementde chacun.» (arrêt Barthold, du 25 mars 1985) ; « la liberté d'expressionconstitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique» (arrêtJersild, du 23 septembre 1994) Sur cette question, voir notamment :Derieux, E., Droit de la communication. Droit européen et international. Recueilde textes, Victoires Editions ; Derieux, E., « Les principes du droit de la communicationen droit européen et international », Légipresse, n° 172-II, p. 63-70
(7) Sur l'état de la réglementation et de la pratique françaises relatives au droitde réponse, voir notamment : Auvret, P., « L'évolution des droits de réponse :de la presse écrite à internet », Gazette du Palais, 17-19 juin 2001.doct., p. 3s. ; Bigot, Ch., « L'exercice d'un droit de réponse et l'internet », Gazette duPalais, Recueil mai-juin 2002, pp. 734-739 ; Chamagne, C., « Exercer un droitde réponse sur Internet », Communication Commerce électronique, n° 12,décembre 2000, p. 9 ; Derieux, E., « Droit de réponse », Droit de la communication,LGDJ ; Derieux, E., « Histoire du droit de réponse dans l'audiovisuel : uneouverture au public tardive et restreinte », Légipresse, n° 91-II, p. 41-56 ;Derieux, E., « Droit de réponse : incertitudes et diversités des régimes actuels »,Légipresse, n° 184-II, p. 99-106.
(8) Où sont parfois, bien à tort parce que ne correspondant pas aux exigenceslégales, insérés des textes adressés au titre du droit de réponse.
(9) Le fait que quelques-unes de ces publications ou que certains de ces programmessoient également accessibles en ligne ne permet cependant pas d'exercerle droit de réponse, à l'égard de leur contenu, directement et uniquementsur ce dernier canal ou support.
(10) Texte dans lequel, paradoxalement, le droit de réponse à la radio-télévisionn'est pas formellement reconnu puisque, à l'égard de ces techniques ou supports,il est régi par les dispositions de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982 maintenuesen vigueur par la loi du 30 septembre 1986. Tout cela ne contribue pasà la lisibilité des textes et mériterait une codification
(11) L'article 8 de la Convention européenne sur la télévision transfrontière, élaboréeet adoptée, le 5 mai 1989, dans le cadre du Conseil de l'Europe (réviséele 1er octobre 1998), est consacré au droit de réponse (voir notamment inDerieux, E., Droit de la communication. Droit européen et international. Recueilde textes, Victoires Éditions, p. 23).
(12) Sur cette dimension (nouvelle) du droit, voir notamment : Derieux, E., Droiteuropéen et international des médias, LGDJ, 2003.
(13) Pour se reporter aux textes, voir notamment : Derieux, E., Droit de la communication.Lois et règlements. Recueil de textes, Victoires Éditions, 2003.
(14) Ce qui est pratiquement la définition que l'article 29 de la loi du 29 juillet1881 donne de la diffamation.
(15) Assemblée nationale, n° 528, 25 janvier 2003.
(16) L'article 12 de la loi française de 1881 accorde, dans ce cas-là, aux représentantsde l'autorité publique (mais à eux seuls !), un droit dit de rectification.
(17) Voir ci-dessous.
(18) Voir Décret n° 87-246 du 6 avril 1987 relatif à l'exercice du droit de réponsedans les services de communication audiovisuelle (notamment inDerieux, E.,Droit de la communication. Lois et règlements. Recueil de textes, VictoiresÉditions, 2003, p. 214).
(19) Voir notamment ci-dessous.
(20) Sur ce texte, voir notamment : Derieux, E., « Aperçu de l'avant-projet deloi sur la société de l'information », Légipresse, n° 181-II, p. 58-62 ; Derieux, E.,« Le régime des données publiques dans le projet de loi sur la société del'information », Petites affiches, 12 mars 2002, pp. 6-13.
(21) TGI Paris, réf., 5 juin 2002, P. de Honhenzollern c/ S. Bern, Légipresse,n° 194-III, p. 146-149, note C. Rojinsky.
(22) Voir ci-dessous.
(23) Voir référence ci-dessus.
(24) Dont les dispositions, à bien des égards fort critiquables, ne sont pasimmuables et pourraient, pour le moins, être amendées ou modifiées. Sur cettequestion, voir notamment : Derieux, E., « Faut-il abroger la loi de 1881 ? »,Légipresse, n° 154-II, p. 93-100.