Le 3 avril 2002, la Cour de cassation décidait que la relation de la rencontre d'un couple connu au restaurant et de sa séparation n'était pas fautive, dès lors que « la rupture constituait non plus une révélation sur la vie privée, mais la relation de faits publics» et que le « caractère anodin des indications était de nature à exclure l'atteinte invoquée». Certains auteurs, dont ceux de cet article, considèrent que cet arrêt, loin d'être la modification profonde du régime de l'article 9 du code civil que d'autres y voient, n'est qu'un arrêt d'espèce, que les juges du fond n'appliquent d'ailleurs pas, dont la formulation maladroite ne peut en aucun cas remettre en cause la conception traditionnelle de la vie privée.
DEPUIS LA CRÉATION PRÉTORIENNE de la protection de la vie privée et sa consécration par l'adoption de la loi du 17 juillet 1970, les magistrats français ont toujours fait une stricte application du principe qu'ils avaient en grande partie contribué à édicter. Ainsi, depuis le XIXe siècle, ni les juges du fond, ni la Cour de cassation n'ont dévié de la ligne protectrice ébauchée par l'arrêt Rachel (1), dont l'image avait été exploitée sans autorisation. Le tribunal de la Seine ...
(2) Trib. de la Seine, Félix c/ O'Connell 16 juin 1858, D.1858, III, p. 62.
(3) Affaire Marlene Dietrich, CA Paris 30 juin 1961, D. 62 J. 208, AffaireG. Philippe, TGI Paris 13 mars 1965, JCPG, 1965, II ; 14223 note Lindon, AffaireBrigitte Bardot, TGI de Seine 24 novembre 1965, Gaz. Pal.1966 I JP, p. 37, JCP1966 II n° 14521 note RL.
(4) Voir P. Kayser, La protection de la vie privée par le droit, ed. Economica,1995, p. 231 n° 131.
(5) N° 974, Ass. nat. Première session ordinaire de 1969/1970, p. 11 et 12.
(6) « Une simple tolérance, même prolongée, ne peut faire présumer d'une assimilationde sa vie privée à sa vie publique.», TGI de Seine 24 novembre 1965,Gaz. Pal.1966 I JP, p. 37, JCP1966 II n° 14521 note RL.
(7) CA Paris 27 janvier 1989, JCP89, II, n° 21325, note Agostini.
(8) Cass. civ. 1 30 mai 2000, Mme S. c/ Le Figaro, Légipresse, n° 174, sept.2000, p. 137 : la Cour de cassation avait considéré que la protection conféréepar l'article 9 du code civil s'appliquait sans distinction pour toute publicationd'un élément relevant de la vie privée, fut-ce un élément anodin tel que la marquede produits de beauté utilisée par une personnalité.
(9) Cass. civ. 2 14 novembre 1975, D.76, 421 note Edelman, Paris 27 janvier1989, JCP89 II, 21325 (1re esp.), note Agostini. Jurisprudence constante. Toutau plus la complaisance passée influe-t-elle, dans certains cas, sur l'évaluationdu préjudice : CA Paris 28 février 1989, JCP89, II, 21325 (2e esp.) Note Agostini.À noter cependant quelques décisions isolées, notamment un jugement du TGIde Paris du 8 septembre 1999, D.2000, somm. p. 761, obs. C. Caron, ouencore tout récemment la cour d'appel de Toulouse.
(10) Cass. civ. 1 5 novembre 1996, D.97, J. p. 403, JCP1997, II, n° 22805, noteJ. Ravanas.
(11) Cour de cassation, 1re civ. 3 avril 2002, D.2002, n° 41, p. 3164, noteC. Bigot ; Légipresse, n° 195, Oct. 2002, III, p. 170 note G. Loiseau.
(12) D.2002, n° 41, p. 3164, note C. Bigot.
(13) Pour la naissance : TGI Nanterre, de Hanovre c/ Hachette Filipacchi et associés,19 avril 2000, n° RG 1344O/99, inédit ; concernant les divorces : CAVersailles, 21 avril 2002, Ernst et Chantal de Hanovre c/ Hachette Filipacchi etassociés, inédit, et CA Versailles 17 janvier 2002 le Prince et la Princesse deHanovre c/ SARL Point de vue, 2 arrêts (N° RG 99/04674 et N° 99/O4672),inédits ; concernant un mariage princier et la religion des enfants : CA Versailles,27 juin 2002, Légipressen° 197, dec. 2002, III, p. 211.
(14) Cf. L'affaire Mitterrand/Gubler, Le Grand Secret: CA Paris ref. 13 mars
(1997) Jcp G 96 II, 22632. TGI Paris, 23 octobre 1996, D.98, somm. P. 85; Voiraussi, concernant la grossesse de personnalités : Cass. civ. 25 janvier 1983,Bull. civ. II, n° 4.
(15) Voir sur ce point l'arrêt d'appel : CA Paris, 1re chambre B, 16 avril 1999,RG n° 1996/23719.
(16) TGI Paris 17 février 1999, jurisdatan° 04877.
(17) Claudia Schiffer c/ HFA CA Paris, 1re B, 13 février 2003, n° RG 2001/16361,inédit, Ernst August de Hanovre c/ Bunte, CA Versailles 16 janvier 2003,n° RG 01/06443, inédit.
(18) « Charlotte Casiraghi n'est pas une cavalière professionnelle L'activitépratiquée par la jeune fille relève donc du seul domaine de ses loisirs et fait partieintégrante de sa vie privée ; le fait que cette passion soit connue du publicne la fait pas changer de nature, cette connaissance trouvant essentiellementson origine dans le travail obstiné des journalistes s'attachant à révéler au publicla vie privée des membres des familles connues.» TGI Nanterre, 14 février 2001,Caroline de Hanovre contre SA Point de Vue ( Point de Vuen° 2698). Inédit
(19) Leçons de droit civil, Montchrestien, sixième édition, 1978, p. 425
(20) Op. cit.; p. 438.
(21) Cass. civ. 1 30 mai 2000, Mme Smet c/ Le Figaro, Légipressen° 174,sept. 2000, p. 137.
(22) CA Versailles 16 janvier 2003, Ernst August de Hanovre c/ BunteEntertainement Verlag N° RG 01/06443.
(23) Affaire Mitterand, précit.
(24) Journal diffusé en France, d'où la compétence du TGI de Nanterre, puis dela Cour, celle-ci ayant rappelé qu'en matière d'atteinte à la vie privée par voiede presse, les faits générateurs de responsabilité sont constitués par l'éditioncomme par la diffusion, laquelle, par la publicité donnée au fait réputé contrevenantà l'article 9 du code civil constituait particulièrement l'acte matériel dela réalisation du dommage.
(25) CA Versailles 22 février 2001, Grimaldi c/ HFA, n° RG 98/04967, inédit :« en attribuant une pathologie déterminée à l'intéressée, l'article pénètre sansjustification dans la sphère de l'intimité de celle-ci».
(26) TGI Nanterre 15 mars 2000, Caroline et Ernst de Hanovre c/ HFA,n° RG: 11562/99, inédit : si la grossesse devient un événement d'actualité qu'ildevient légitime de porter à la connaissance du public lorsque la future mèreappartient à une famille princière médiatisée, cela n'autorise cependant pas lapublication à profiter de ce prétexte pour se livrer à des digressions sur la vieprivée et familiale de la demanderesse.
(27) CA Paris, 7 novembre 2001, D.2002, som. 2372.
(28) CA Paris, 1re chambre section B, 13 février 2003, Mme Schiffer c/ SNCHachette Filipacchi et associés, inédit, n° RG 2001/16361.
(29) TGI Paris, 17e chambre, 26 février 2002, n° RG / 2001/00249.
(30) Voir notamment CA Versailles, 1re ch. A, Juliette Binoche c/ HFA, Légipressen° 174-I, 108, TGI Paris Paris, 1re chambre 19 décembre 1984, Gaz. Pal., 85, 2,somm. p. 398.
(31) L'autorisation doit être dépourvue d'ambiguïté et en cas de doute l'accord estinterprété restrictivement : CA Paris 1re B, 10 nov. 1988, D.89, IR p. 16. Aucunconsentement ne peut avoir la portée d'une autorisation générale: TGI Paris, 1re ch.21 dec. 1983, D.84, IR p. 331 4 juillet 84, D.85, I.R. p. 14. En outre, l'autorisationde la captation de l'image n'emporte pas celle de publication: CA Lyon, 11 janvier1996, Légipressen° 137 et 141-I, 147), de même que l'accord donné pour un usageprécis ne vaut pas pour un usage différent: CA Paris 1re ch. 20 mars 85, D.85, IRp. 324.
(32) Voir CA Versailles 18 octobre 2001 Caroline de Hanovre c/ SARL Point devue, n° RG 99/03931, inédit, Cour d'appel de Versailles, 8 novembre 2001Linda Evangelista c/ SNC VSD, n° RG 99/04324, inédit, TGI Nanterre, 9 mai2001, Caroline et Ernst August de Hanovre c/ HFA, n° RG 00/12285, inédit.
(33) TGI Nanterre 6 janvier 2003, Ernst August et Caroline de Hanovre c/ RCSPeriodici, n° RG 02328.
(34) Voir note 31 et 32.
(35) TGI Nanterre, 1re chambre A, 9 décembre 2002, Caroline Grimaldi c/ sociétéHola SA, N° RG 02/0245.
(36) « Le fait que la jeune Charlotte apparaisse à un concours hippique de renomméelocale ne saurait être considéré comme la manifestation d'une volonté des'exposer à la notoriété et à la curiosité du public, dès lors que la jeune fille acomme ses camarades, assisté à une manifestation sportive dans le cadre deson temps de loisirs, ce qui constitue une activité anodine chez les jeunes attiréspar l'équitation.» TGI Nanterre 9 décembre 2002, précit.