L'adoption d'un projet de directive sur la réutilisation et l'exploitation commerciale des documents du secteur public, le 5 juin 2002 (I), est l'occasion de revenir sur le statut des données publiques dans l'ancien projet de loi sur la société de l'information (LSI) (II).
LE PROJET DE LOI sur la société de l'information (3) présenté en Conseil des ministres le 13 juin 2001 et à ce jour en suspens, comportait un volet données publiques (cf.titre I du projet « Accès à l'information »). Sur ce seul point, ce texte représentait une avancée considérable dans le débat de l'exploitation de la richesse publique puisqu'il mettait fin à la politique des circulaires (4) comme mode de régulation de la diffusion, politique doublement inquiétante eu égard au ...
Jean-Michel BRUGUIÈRE
Professeur à l'Université de Grenoble-Alpes Directeur du CUERPI Avocat of ...
(1) * Ce texte reprend les grandes lignes d'une communication présentée àl'Université d'Avignon le 31 mai 2002 dans le cadre des Ateliers de recherchesur les données publiques organisés par les facultés de droit d'Aix en Provenceet d'Avignon.
(2) Com (2002) 207, 2002/01 23 (COD), 5 juin 2002.
(3) Sur cette question voir notre ouvrage, Les données publiques et le droit,Litec 2002 et également, C.-H. Dubail, « Des données publiques à la propriétéincertaine », Légicom2001/2 n° 25, p. 17.
(4) Fortement inspiré du rapport de D. Mandelkern, « Diffusion des donnéespubliques et révolution numérique », La Documentation Française, 2000.
(5) Nous songeons aux circulaires du 14 février 1994 relative à la diffusion desdonnées publiques, la circulaire du 20 mars 1998 relative à l'activité éditorialedes administrations et des établissements publics de l'État, la circulaire du17 décembre 1998 relative à la diffusion de données juridiques sur les sites internetdes administrations, la circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites internetdes services et des établissements publics de l'État, la circulaire du 9 décembre1999 relative à l'institution d'un médiateur de l'édition publique. Voir respectivementle JO22 mars 1998, p. 4301; 24 décembre 1998, p. 19487 ; 12 octobre1999, p. 15167 ; 21 décembre 1999, p. 18983. On peut d'ailleurs se demanderquel sera le sort de ces circulaires après l'adoption du projet de loi.
(6) Abusives en ce qu'elles consacrent parfois des pratiques contra legem; quel'on songe sur ce point à l'attribution originaire du droit d'auteur à l'État consacrépar l'avis OFRATEME du Conseil d'État du 21 novembre 1972, voir Légicomn° 25, annexes VIII, p. 152.
(7) Sur cette double dimension, v. G. Cornu, Droit civil, Introduction, Les personnes,Les biens, Montchrestien, 10e éd., n° 221 et 222. 7. Sur la pertinence de cette démarche, v. notre thèse, La diffusion de l'information.Le service public face au marché de l'information, Thèse Montpellier I1995 spéc. p. 53 et s.
(9) Publié par la Commission, 1989, Publication officielle des Communautés,ISBN 92.825.9238.3.
(10) Livre vert sur l'information émanant du secteur public dans la société de l'information,L'information émanant du secteur public : une ressource clef pourl'Europe, COM(1998)585.
(11) Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, auComité économique et social et au Comité des régions, « Europe 2002 : créerun cadre communautaire pour l'exploitation de l'information émanant du secteurpublic », 23 octobre 2001, COM(2001)607 final. Dans la directive du 5 juin2002, le principe de disponibilité est posé à l'article 5-1.
(12) Pour la présentation de cette législation, v. notre ouvrage, op. cit., n° 160.
(13) Selon ce texte, « Constituent des données essentielles au sens du présentarticle: 1° L'ensemble des actes et décisions, pris par l'État ou un de ses établissementspublics administratifs, qui sont soumis à une obligation de publication en vertudes dispositions législatives ou réglementaires, ainsi que les documents qui leur sontannexés; 2° Les informations sur l'organisation et le fonctionnement des servicespublics de nature à faciliter les démarches des usagers; 3° Les rapports et étudessur les missions, l'organisation et le fonctionnement des services publics qui sontcommunicables à toute personne en application du Titre Ier de la présente loi ». 13. M. Vivant, « Informatique et propriété intellectuelle », JCP 1984, I, 3169.Dit autrement, avant de solliciter un droit à l'information (comme d'autres ontpu revendiquer un droit au bonheur !) ou de découvrir un « État providence télématiquegarant d'un droit de savoir à valeur constitutionnelle » (Entretien avecJ.-E. Schoettl, RFDA1994, « Les données publiques : un gisement à exploiter ? »p. 609). Les données publiques peuvent être appréhendées sous l'angle dudroit de la concurrence, du droit des contrats ou du droit public économique.
(15) Cette volonté de ne pas trop innover n'est pas toujours adoptée commeen témoigne l'introduction de la notion de données essentielles. Sur la critiquede cette notion v. infra.
(16) Nous songeons avant tout à P. Catala, « Ébauche d'une théorie juridiquede l'information », D.1984, p. 97 et M. Vivant, « À propos des biens informationnels», JCP1984, I, 3132. 16. On doit d'ailleurs déplorer l'abandon dans le projet de loi de l'obligationimposée aux opérateurs publics de diffuser les annuaires de données communicablesqui permettait de mieux connaître la richesse objet de la régulation.
(18) Sur la définition à donner, v. notre ouvrage, op. cit. spéc. n° 8 et s.
(19) Sur cette distinction fondamentale, v. notre ouvrage, op. cit. n° 41 et s.
(20) Nous faisons allusion à la thèse de M. T. Ribault, Formes et limites de lamarchandisation. Pour une approche patrimoniale de l'économie de l'information,Thèse, Lille 1991.
(21) Peut-on justifier le droit à l'exploitation commerciale des données publiquesau profit des opérateurs privés sur la base de la législation d'accès à l'information? Sur une telle hypothèse v. l'analyse de M. Pouillet et sa critique, notreouvrage, op. cit. n° 165 et s. 21. Celui-ci dispose comme on le sait qu'« il sera libre à toute personne defaire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bonmais elle sera tenue auparavant de se munir d'une patente».
(23) Avis du Conseil, 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultant,Rfd adm. 2001, p. 120. « Aucun texte, ni aucun principe, n'interdit, en raisonde sa nature, à une personne publique de se porter candidate à l'attribution d'unmarché public ou d'un contrat de délégation de service public».
(24) Sur ces réserves, notre ouvrage, op. cit.n° 217 et s.
(25) À s'en tenir au secteur public, nous visons essentiellement ici la loi du 6 janvier1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; la loi du 17 juillet1978 portant diverses mesures d'améliorations des relations entre l'administrationet le public et la loi du 3 janvier 1979 sur les archives.
(26) A. Holleaux, « Le secret professionnel », Le Monde, 24 mai 1981. 26. Cette définition correspond en partie à celle adoptée par l'InformationIndustry Association (sur ce point, v. T. Ribault, thèse précitée, p. 22).
(28) H. Maisl, « La diffusion des données publiques », AJDA 1994, p. 362.