Dans le cadre de litiges mettant en jeu un contenu illicite mis en ligne sur l'internet depuis l'étranger et accessible sur le territoire français, l'interprétation initiale des règles de procédure, tant en matière civile qu'en matière pénale, tendait à reconnaître aux juridictions françaises une compétence universelle. Cette position, qui se fondait en grande partie sur le critère de l'accès au site litigieux depuis la France, semblerait s'atténuer pour évoluer vers une compétence plus "raisonnée" des juridictions nationales.
La détermination de la compétence territoriale d'une juridiction locale, et de façon subséquente de la loi applicable aux actes délictuels, à caractère civil ou pénal, commis sur un média tel que l'internet est une thématique récurrente promise à un bel avenir. D'ores et déjà, les juridictions françaises ont tranché ces questions dans des litiges mettant en jeu un contenu illicite mis en ligne sur l'internet à l'étranger et accessible depuis le territoire de la République. ...
(2) À cet égard, il suffit de se reporter à la décision Lynda Lacoste à propos delaquelle, le commentateur, Frédérique Olivier, JCP, n° 13, 29 mars 2000, p. 579relève justement : « Autre rappel du juge, en matière de compétence territoriale,la spécificité de l'Internet réside dans le fait que le dommage se réalise au lieuoù sont chargées, par toute personne désirant se connecter au réseau Internet,les données disponibles du serveur . Dès lors c'est bien l'intervention de l'internautequi accède à un serveur, en l'espèce ceux incriminés, qui détermine lelieu de réalisation du fait dommageable et donc celui du tribunal compétent».
(3) Ordonnance du 22 mai 2000, TGI Paris RG n° 00/05308 et 00/05309 accessibleà l'adresse : http:///www.legalis.net/jnet/decisions/responsabilité/ord-tgiparis_220500.htm. Concernant cette ordonnance et celle du 22 novembre 2000,voir également le commentaire de Joël R. Reidenberg s'intitulant « L'affaireYahoo ! et la démocratisation internationale », in Communication CommerceElectronique, mai 2001, p. 14.
(4) Cf. sur ce point Valérie Sédallian dans son article intitulé « Commentaire del'affaire Yahoo ! Inc c/ la LICRA, l'UEJF et la MRAP » et notamment dans la partiede cet article intitulée « Le véritable fondement de cette décision : l'invocationdu droit naturel » in Cahier Lamy droit de l'informatique et réseaux,novembre 2000. Article également accessible à l'adresse http://www.juriscom.net/chr/2/fr20001024.htm. Sur ce point, cf. également l'article de CyrilFabre, « Y-a-t-il une morale dans l'affaire Yahoo ? : Sites néo-nazis et rattachementterritorial » publié in Expertise,mars 2001, p. 107.
(5) Affaire Nart.com. TGI de Paris, 3 mai 2000. Quant à l'incompétence le tribunalavait précisé « Attendu que les sociétés NART SAS et NART INC, dont lacomplémentarité ne peut pas être sérieusement contestée, organisent desventes aux enchères d'objets mobiliers et d'art sur le réseau internet à partirde leur site www.nart.com hébergé chez Victoire Multimédia Inc. situé à Mountainview (États-Unis) ;Attendu que dans le cadre de leur activité, elles ont déjà offert et projettent d'offrirà nouveau aux internautes, notamment aux internautes domiciliés en France,de participer à une vente aux enchères en ligne d'objets mobiliers se trouvanten France et pouvant être visualisé sur le réseau comme dans les show roomssitués en France et plus particulièrement à Paris.» Ce raisonnement doit êtreapprouvé car la démarche de la société Nart Inc pouvait, dans une certainemesure, s'analyser comme un moyen d'éviter l'application de la loi française,et en conséquence être constitutive d'une fraude à la loi. 5. Dans cette ordonnance (N° RG: 00/05308), le juge précise en effet: « Attenduque s'il est exact que le site Yahoo ! Auctions en général, s'adresse principalementà des internautes basés aux États-Unis eu égard notamment à la naturedes objets mis en vente, aux modes de paiement prévus, aux conditions de livraison,à la langue et à la monnaie utilisées, il n'en est pas de même des enchèresd'objets représentant des symboles de l'idéologie nazie qui peuvent intéresseret sont accessibles à toute personne qui souhaite le suivre, y compris aux Français».
(7) Comme le note Éric Barbry dans un article intitulé « Les leçons du jugementYahoo ! » accessible à l'adresse http://www.journaldunet.com/juridique/juridique001128.shtml : « Que cette compétence du juge existe indépendammentdu fait que la décision puisse être exécutée dans un autre pays. Le juge précisesur ce point que les éventuelles difficultés d'exécution de notre décisionsur le territoire des États-Unis, invoquées par Yahoo ! Inc ne saurait fonder àelles seules une exception d'incompétence ».
(8) En effet, l'article 689 du code de procédure pénale précise que: « Les auteursou les complices d'infractions commises hors du territoire de la république peuventêtre poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque, conformémentaux dispositions du livre Ier du code pénal ou d'un autre texte législatif,la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale donnecompétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction».
(9) Étienne Wery in« Droit Pénal sur le Web acquittement en France », 3 décembre1988, accessible à l'adresse : www.droit-technologie.org/fr/1_2.asp?actu_id=912679699. Dans son commentaire du jugement du TGI de Paris en date du13 novembre 1998, É.Wery en déduit justement que les juridictions françaises s'octroientde ce fait une compétence universelle.
(10) CA Paris, 10 novembre 1999, J. Dumont c/ Sté Oberthur fiduciaire, LPn°177-II t 177-28.. 10. L'article 121-3 du code pénal précise : « Il n'y a point de crime ou de délitsans intention de le commettre».
(12) Reste que comme le note très justement la cour d'appel de Paris dans sonarrêt du 10 novembre 1999, il existe une exception légale s'agissant des délitscommis par des Français hors du territoire de la République : « Une exceptiondoit être faite pour les citoyens français puisque la loi française s'est donnécompétence quel que soit le lieu ou ils commettent certains faits. L'article 113-6 du code pénal prévoit en effet que la loi française est applicable :aux délitscommis par des Français hors du territoire de la république si les faits sont punispar la législation du pays où ils ont été commis. Tel est le cas de la Suisse,dont l'article 1731 du code pénal définit et punit la diffamation dans des termescomparables à ceux du droit français peut être appliqués aux faits de la cause.»
(13) CJCE, 30 novembre 1976, REC. CJCE, p. 1735.
(14) Mathieu Gerbaux, in« Internet et le Contentieux international », mémoirede droit international 1998/99, sous la direction du professeur Foyer. Mémoireaccessible à l'adresse http://canevet.com/doctrine. 14. CJCE, 7 mars 1995, Recueil Dalloz 1996, page 61.
(16) Thibautl Vierbest : article intitulé Responsabilité sur Internet : loi applicableet juridiction compétente » accessible à l'adresse http://www.droit-technologie.org./fr/1-2.asp ? actu-id=976042724. Article également publié dans L'Échodu 16 novembre 2000.
(17) À cet égard, cf. Pierre-Yves Gautier, « Du droit applicable dans le village planétaireau titre de l'usage immatériel des uvres », Dalloz1996, chron., p. 131.D'une manière plus générale s'agissant de la compétence territoriale quant auxatteintes aux droits de propriété intellectuelle, cf. l'excellent exposé du professeurAndré Lucas, fait dans le cadre d'un colloque de l'OMPI sur le droit internationalprivé et la propriété intellectuelle, intitulé « Aspects de droit internationalprivé de la protection d'uvres et d'objets de droits connexes transmis parréseaux numériques mondiaux » accessibles sur le site Internet de l'OMPI.
(18) En outre, cette compétence universelle se heurtera en permanence à unproblème d' exequaturdes décisions.
(19) Anne Cousin in« Les règles de droit international privé et la responsabilitédélictuelle sur l'Internet », Gazette du Palais, dimanche 15 au jeudi 19 avril 2001.