À l'occasion du litige provoqué par le lancement des cartes de cinéma illimitées, le nom d'une autorité administrative indépendante a souvent été prononcé : celui du médiateur du cinéma. C'est en effet à la suite de l'avis de ce dernier, rendu le 25 avril 2000 (1), que la ministre de la Culture a fait saisir le Conseil de la concurrence pour avis et demandé à la société UGC de suspendre la commercialisation de la carte (2). C'est pour comprendre le rôle clé joué par cette institution dans le secteur de la diffusion des uvres cinématographiques qu'il semble aujourd'hui intéressant d'en tracer les contours.
LE RAPPORT de la mission de réflexion et de propositions sur le cinéma, dit Rapport Bredin, remis au ministre de la Culture le 3 novembre 1981, préconisa pour la première fois la création d'un médiateur du cinéma. Il s'agissait d'en faire, aux yeux de la profession cinématographique, une institution impartiale, à même de pouvoir régler, sans passion ni parti pris, les différends pouvant naître entre les salles de cinéma pour obtenir la copie d'un film déterminé.L'article 92 de la ...
Séverine DUPUY-BUSSON
Avocat au Barreau de Paris Docteur en droit Chargée de cours à l'Université ...
(2) Voir Légipressen° 176, novembre 2000, La carte cinéma "illimitée" ou lecinéma à l'ère du consumérisme, Christine Palluel, p. 119.
(3) La commercialisation de la carte d'abonnement illimité a été jugée nonconforme à l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix etde la concurrence.
(4) Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, JO30 juillet 1982.
(5) Il est mentionné, dans le rapport annuel du médiateur 1999-2000, que l'undes films à fort potentiel commercial les plus demandé sur cette période a étéStarwars : épisode 1de Georges Lucas.
(6) L'intérêt général inclut la préservation de la diversité de l'offre.
(7) Modifié par le décret n° 91-1129 du 25 octobre 1991, JO31 octobre 1991.
(8) Aujourd'hui le Conseil de la concurrence.
(9) Jusqu'à présent, les médiateurs (il y en a eu cinq depuis 1983) ont été desconseillers d'Etat. Le médiateur du cinéma est nommé pour un mandat de quatreans, renouvelable une fois. Depuis la mise en place de l'institution en 1983,quatre personnalités se sont succédées dans l'exercice des fonctions de médiateurdu cinéma : M. Galabert, du 1er avril 1983 au 31 mars 1987; M. Vistel, du23 juin 1987 au 22 juin 1991; M. Robineau, de mai 1992 à mai 1996 et M. Lamydepuis mai 1996, et dont le mandat a été renouvelé en juillet 2000. Mme SylvieHubach a été nommée par arrêté du 5 août 1991. Elle a exercé ses fonctionspendant une année, jusqu'au 6 mai 1992, date de l'arrêté de nomination deM. Robineau, mais n'a pas rédigé de rapport d'activité. 9. En effet, le pouvoir d'injonction du médiateur n'intervient qu'en cas de constatd'un échec définitif de toute tentative de conciliation. Nous y reviendrons.
(11) C'est la nature même d'autorité administrative indépendante du médiateur,qui constitue au sein de l'État une instance neutre et objective dont les décisionsne sont pas d'origine politique, qui rend cette situation possible. Voir leRapport public du Conseil d'État portant sur les Autorités administratives indépendantes,La Documentation française, Études de Documents n° 52.
(12) Décret du 9 février 1983, article 6, alinéa 2.
(13) C'est actuellement une collaboratrice. Le rôle du collaborateur du médiateur,comme l'explique, dans un entretien réalisé par l'auteur le 10 janvier 2000,Catherine Berthelot, qui a succédé dans cette tâche à P. Veglis en 1994, « consisteà rechercher l'origine des litiges soumis au médiateur. Je procède également àtout un travail d'investigation visant à identifier les parties en demande et endéfense : j'étudie la programmation de la salle, sa compétitivité, ses rapportsavec le distributeur mis en cause. Je fais des comparaisons avec d'autres salles.»
(14) Obtenus auprès du secrétariat du médiateur.
(15) Décision réglementaire n° 68 du 25 mars 1993 du Centre national de lacinématographie, JO6 mai 1993.
(16) Ils doivent comporter au minimum le titre du film et ses caractéristiques techniques,la date de livraison de la copie à l'exploitant et ses conditions de report,la date de démarrage de l'exploitation du film ou la date limite d'exécution ducontrat, la durée minimale de location et les conditions de prolongation, la désignationde la salle et sa capacité, le nombre de séances, les conditions de rémunérationdu distributeur, les égalités éventuelles dans la même zone de chalandise.Les bons de commande, établis par le distributeur et signés par l'exploitant,font référence aux conditions générales de location de films, texte applicabledepuis le 1er juillet 1935, qui comportent un article XIV « Règlement des litiges ».
(17) Force est d'ailleurs de constater, depuis quelques années, la quasi disparitiondes bons de commande au sein de la profession cinématographique. Lesconséquences de cette disparition, qui se traduit donc en pratique par une absencede contrats écrits entre distributeurs et exploitants, sont très dommageables dansla mesure où il n'existe plus aucun élément de preuve en cas de litige, les quelquesparoles échangées au téléphone étant très délicates à rapporter avec précision.
(18) Jean-Emmanuel Bui, Le médiateur du cinéma, mémoire DEA info-com, 1990,dirigé par M. Cohen-Jonathan. 18. En effet, l'équilibre d'une petite salle, fragile économiquement, tient souventà la possibilité d'obtenir, dans l'année, quelques films susceptibles de réunirun grand nombre de spectateurs.
(20) La réponse à cette question a été donnée par la Cour de cassation : Cass.com., 20 mars 1990, n° 88-15.372, société Warner c/ SARL Leaurel, D.somm.,p.356, note Hassler.
(21) Rapport d'activité couvrant la période allant de mai 1996 à mai 1997, p.6.
(22) Ces ordonnances ont posé la question du refus de vente au sens de l'ordonnancedu 1er décembre 1986 sur la concurrence.
(23) Entre 1983 et 1993 , le médiateur du cinéma a eu à connaître de 304 affaires(39 en 1984-1985, puis un tassement jusqu'à 21 en 1989-1990, puis une remontéejusqu'à 42 pour 1992-1993) . Une nette progression des demandes a ensuiteété observée à partir de l'année 1995-1996, progression qui s'est accélérée puisque,entre 1993 et 1998, le médiateur a ouvert 253 dossiers de médiation. De 1998 à1999, 47 litiges ont été soumis à l'institution. Et sur l'exercice 1999-2000, on aconstaté une augmentation de 50 % puisque 95 dossiers ont été ouverts.
(24) Les distributeurs font beaucoup plus rarement usage de leur pouvoir desaisine, ou alors ils demandent une intervention officieuse. Ils peuvent pourtantsubir eux aussi la pression des circuits nationaux (Pathé, Gaumont, UGC).
(25) Les interventions du médiateur du cinéma « hors procédure», comme l'écrivaitM. Galabert.
(26) La collaboratrice du médiateur précise d'ailleurs qu'aujourd'hui « cette procédureofficieuse représente notre travail au quotidien. Elle est souvent un préalableà la mise en oeuvre de la procédure officielle.»
(27) On a ainsi assisté à une guerre des prix à Lyon et à Nantes au moment del'ouverture des multiplexes. 27. Jean-Emmanuel Bui, op. cit., p.66.
(29) Article 92 alinéa 4 de la loi de 1982.
(30) S'agissant des procès-verbaux de conciliation ayant concerné l'obtentiond'un film particulier, ils ont, dans la totalité des litiges, été suivis d'effet : les distributeursont respecté leurs engagements et ont donné le film souhaité à l'exploitantqui avait fait la demande de médiation.
(31) Voir le rapport d'activité 1999-2000.
(32) Pour l'exercice 1999-2000, quatre injonctions ont été prononcées. 32. Entretien réalisé par l'auteur avec Mme Catherine Berthelot, 10 janvier 2000.
(34) Nous n'avons pu obtenir de chiffres plus récents.