En prenant position pour l'application de la courte prescription aux délits de presse commis sur l'internet, la Cour de cassation a mis un terme aux interrogations suscitées par certaines décisions des juges du fond qui soumettaient ces délits à une prescription dérogatoire. Pourtant, cette solution peut être discutée dans la mesure où la soumission de tous les délits de presse, quel que soit leur support, à une prescription uniforme ne rend pas compte de leur différence de consommation.
SANS DOUTE faut-il se réjouir que la chambre criminelle de la Cour de cassation ait levé l'incertitude sur la prescription applicable aux délits de presse commis sur le réseau internet. En les faisant déroger au régime de la prescription prévue par la loi du 29 juillet 1881, les décisions successivement rendues par la cour d'appel et le tribunal de grande instance de Paris dans les affaires Costes et du Réseau Voltaire avaient à la fois suscité le doute et l'inquiétude (1).Le doute ...
Didier REBUT
Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)
(2) Paris 15 décembre 1999, Légipressen° 169-III, mars 2000 p. 38, note B. Aderet JCP G II-10281, note P. A. Schmidt et V. Faccina ; TGI Paris (17e ch.), 6 décembre2000, Légipressen° 178, janvier-février 2001 III p. 10, note E. Derieuxet Gaz. Pal. 14-15 févr. 2001, Jur. p. 22, note B. Ader.
(3) CA Paris (ch. d'accusation, 2e section), Légipressen° 176, novembre 2000,p. 182, note C. Rojinsky.
(4) Sur la question générale de la détermination du droit applicable sur l'internet,v. B. Ader, La loi de 1881 à l'épreuve d'Internet, Légipresse, juin 1997,n° 142-II, p. 65 ; Internet et les réseaux numériques, Rapport du Conseild'État, La documentation française, 1998 ; P. Auvret, L'application du droit dela presse au réseau Internet, JCP éd. G I.108. V. aussi, N. Varille, Les modalitésde contrôle de la publicité télévisée à l'épreuve de l'internet - Pour l'autodiscipline,thèse, Paris 2, 1999.
(5) Légipresse, n° 180-III, 58, note B. Ader.
(6) V. Libération, 20 mars 2001 ; Le Monde, 21 mars 2001. 6. Crim., 3 mars 1949, Bull. crim., n° 83.
(8) V., par exemple, Crim., 17 janvier 1924, Bull. crim., n° 31 ; Crim.,22 décembre 1976, Bull. crim., n° 378.
(9) V. B. Ader, note précitée sous Crim. 30 janvier 2001.
(10) La loi de 1881 n'avait d'ailleurs pas incriminé la diffamation non publique(V. M. Véron, Droit pénal spécial, 8e éd., Armand Colin, p. 133).
(11) TGI Paris, (ord. réf.) 30 avril 1997, Gaz. Pal. 1997.2.Somm.393, obs. C. Rojinsky.
(12) Précités. 12. La cour d'appel de Paris a certes aussi considéré que la prescription n'étaitpas acquise à raison d'une nouvelle publication matérialisée par un changementd'adresse du site qui était intervenu dans le délai de trois mois avant les poursuites.Cette affirmation suffisait à rejeter l'exception de prescription, puisque lachambre criminelle estime qu'une nouvelle publication fait courir un nouveau délaide prescription (Crim., 2 mars 1954, Bull. crim., n° 94). La Cour d'appel a sansdoute souhaité fonder plus classiquement sa décision dans l'hypothèse d'unpourvoi en cassation. La mention témoigne qu'elle avait conscience de l'innovationde sa solution sur le caractère continu de l'acte de publication et des critiquesqu'elle allait immanquablement suscitées dans les milieux de la presse.
(14) Sur la distinction des notions d'infraction continue et successive, v. notrenote sous Crim., 2 décembre 1998, JCP G.II.10108.
(15) B. Ader, note précitée sous Crim., 31 janvier 2001.
(16) V. par exemple, Ph. Conte, P. Maistre du Chambon, Droit pénal général,5e éd., Armand Colin, 2000, n° 203 ; G. Stefani, G. Levasseur, B. Bouloc, Droitpénal général, 17e éd., Dalloz, 2000, n° 218 ; J.-H. Robert, Droit pénal général,4e éd., PUF, 1999, p. 206.
(17) C'est d'ailleurs le régime du délit de contrefaçon dont les caractères sontassez proches de ceux de la diffamation (v. P-Y. Gautier, Propriété littéraire etartistique, PUF, 3e éd., 1999, n° 433).
(18) V. J.-H. Robert, Du caractère continu ou instantané du délit d'ingérence selonl'article 432-12 du Code pénal, Dr. pénal 1994, chron. 10. 18. Crim., 15 mars 1972, Bull. crim., n° 107. 19. V. en ce sens, C. Rojinsky, note précitée sous Paris (ch. d'accusation),23 juin 2000. 20. Crim., 2 mars 1954, préc. ; Crim., 27 avril 1982, Bull. crim., n° 102 ; Crim.,8 janvier 1991, Bull. crim., n° 13.
(22) V. A. Vitu, Droit pénal spécial, Cujas, 1982, tome 1, n° 1583, spéc. p. 1251,note n° 1.
(23) V., parmi de très nombreuses décisions, Crim., 18 juill. 1974, Bull. crim.,n° 58 (abus de confiance) ; Crim., 10 août 1981, Bull. crim., n° 244 (abus de biens sociaux).