La question de la responsabilité des intermédiaires du réseau que sont les fournisseurs d'outils de recherche (moteurs de recherche et annuaires) ou d'hyperliens a été peu étudiée jusqu'à présent. Pourtant, après les hébergeurs, quelques affaires, en France comme à l'étranger, montrent qu'il est intéressant d'envisager le régime de responsabilité possible de ces intermédiaires lorsqu'ils sont accusés d'avoir référencé des sites illégaux ou préjudiciables.
FACTEUR incontestable de progrès, l'internet est également devenu, comme chacun sait, le vecteur sans frontière de nombreuses illégalités et abus (pornographie enfantine, haine raciale, diffamation, atteintes au droit d'auteur, etc.).Les premiers responsables demeurent bien entendu les auteurs de ces diffusions dommageables ou illicites, qu'elles aient lieu par exemple dans un forum discussion, sur un site web, voire par courrier électronique. Toutefois, les poursuites contre l'auteur d'un ...
(2) Pour un aperçu de la première jurisprudence, surtout américaine : E. Wery,Internet hors-la-loi ? Description et introduction à la responsabilité des acteursdu réseau, J.T., 1997, p. 425. et s.
(3) Le Digital Millennium Copyright Act contient un chapitre (Limitations onLiability for Copyright Infringement) consacré à la responsabilité des intermédiaires,mais limitée aux questions de contrefaçon de copyright. Pour des commentairesde la loi, v. A. P. Lutzker et S. Lutzker, The Digital Millennium CopyrightAct, ALA, 18 novembre 1998, disponible sur : http://www.ala.org/washoff/osp.html.
(4) Pour un commentaire de cette loi : Th. Hoeren, Liability in the Internet andthe new German multimedia law regulations, A & M, décembre 1998, p. 309.
(5) Rappelons que la France a déjà en partie transposé la directive européennesur ce point (loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO. n° 177 du 2 août2000 et LP, supplément au n° 175). Pour une analyse de cette loi : Th. Verbiestet E. Wery, Le droit de l'internet et de la société de l'information, Bruxelles,Larcier (éd.), 2001, n° 422 et s. .
(6) Pour une analyse approfondie de ces dispositions de la directive, v. également: Th. Verbiest et E. Wery, op.cit., n° 396 et s.
(7) Le plus connu est www.altavista.com 7. Le plus connu est Yahoo! V. : http://www.yahoo.com, et sa version française: http://www.yahoo.fr.
(9) D. Sullivan, How search engines work ?http://www.searchenginewatch.com/webmasters/work.html.
(10) Pour des premières analyses : Th. Verbiest et E. Wery, op.cit, n° 426 et s.;Th. Verbiest, Entre bonnes et mauvaises références À propos de outils derecherche sur l'internet, A & M, mars 1999, p. 34, également disponible surwww.droit-technologie.org (rubrique « dossiers») ; Th. Verbiest, La responsabilitédes outils de recherche sur l'internet en droit français et droit belge,Lamy Droit de l'informatique et des réseaux, juillet 1999, p. 6 ; Th. Verbiest,Liability of search tools, in French and Belgian laws, on the Internet, InternationalJournal of Law and Information technology, 2000, vol. 7, n° 3 ; V. Sedallian, Àpropos de la responsabilité des outils de recherche, C ahiers Lamy droit de l'informatiqueet des réseaux, mai 2000, p. 4 ; également disponible surJuriscom.net, 19 février 2000, http://www.juriscom.net/.
(11) Décision disponible sur http://www.legalis.net/jnet. En résumé, BertrandDelanoë, homme politique français, invoquait le trouble manifestement illicitequ'il subissait en raison de l'utilisation sans autorisation de son nom pour désignerun site à caractère pornographique accessible à l'adressehttp://www.geocities.com/bertranddelanoe. Les sociétés propriétaires dusite avaient procédé, postérieurement à l'assignation, à la suppression du sitelitigieux. Toutefois, le TGI de Paris, par une ordonnance de référé du 31 juillet2000, a retenu le préjudice résultant de l'utilisation sans droit du nom du politicien.Dans cette affaire, la société Alta Vista qui référençait le site litigieuxsur son moteur de recherche a également été mise en cause en sa qualité depropriétaire sur le fondement de l'article 1384 du code civil. Toutefois, le tribunala estimé que la question ne pourra être tranchée qu'à l'issue d'un débatsur le fond.
(12) Porn a Thorn for Indian Portal, Wired News, 4 décembre 2000, disponibleà l'adresse : http://www.wired.com/news/business/0,1367,40432,00.html
(13) TGI Paris, (réf.), 22 mai 2000, Com. com. électr., comm. n° 92, septembre,disponible à l'adresse : http://www.droit-technologie.org, rubrique jurisprudence.Le tribunal a en effet ordonné à Yahoo France : « de prévenir tout internauteconsultant Yahoo.fr, et ce, dès avant même qu'il fasse usage du lien lui permettantde poursuivre ses recherches sur Yahoo.com, que si le résultat de sarecherche, soit à partir d'une arborescence, soit à partir de mots-clés l'amèneà pointer sur des sites, des pages ou des forums dont le titre et/ou les contenusconstituent une infraction à la loi française, ainsi en est-il de la consultationde sites faisant l'apologie du nazisme et/ou exhibant des uniformes, des insignes,des emblèmes rappelant ceux qui ont été portés ou exhibés par les nazis,ou offrant à la vente des objets et ouvrages dont la vente est strictementinterdite en France, il doit interrompre la consultation du site concerné sauf àencourir les sanctions prévues par la législation française ou à répondre à desactions en justice initiées à son encontre». 13. Qu'il suffise de penser à la suppression du référencement auprès d'un moteurde recherche populaire tel qu'Altavista. Si la suppression est injustifiée,elle pourrait porter préjudice au site référencé dans la mesure où sa visibilitésur l'internet en souffrirait, et par voie de conséquence son trafic et ses revenus,qu'ils soient publicitaires ou générés par des ventes en ligne.
(15) L'article 21-2 de la directive européenne sur le commerce électronique faitd'ailleurs allusion aux procédures de notice and take down instituées auxÉtats-Unis par le Digital Millennium Copyright Act, puisqu'il charge la Commissionde présenter d'ici à juillet 2003 : « un rapport qui, en examinant la nécessitéd'adapter la présente directive, analyse en particulier la nécessité de présenterdes propositions relatives à la responsabilité des fournisseurs de liens d'hypertexteet de services de moteur de recherche, les procédures de notificationet de retrait (notice and take down) et l'imputation de la responsabilité aprèsle retrait du contenu. Le rapport analyse également la nécessité de prévoir desconditions supplémentaires pour l'exemption de responsabilité, prévue aux articles12 et 13, compte tenu de l'évolution des techniques ».
(16) TGI Nanterre, 8 décembre 1999, Gaz. Pal., jur., 11-12 février 2000, p. 2, noteHubert Bitan ; Légipresse, mars 2000, 169-III, p. 40, note Basile Ader ; JCP2000,éd. G, II, 10279, note Eric Barbry et Frédérique Olivier ; Expertises, avril 2000,p. 114 ; Com. comm. élect., mars 2000, p. 29, note Agathe Lepage ; JCP2000,éd. E, jur., p. 657, note Marie-Anne Gallot-Le Lorier et Vincent Varet. Décisiondisponible sur : http://www.droit-technologie.org, rubrique jurisprudence.
(17) Par exemple, des recherches sur le mot pédophilie peuvent renvoyer àdes sites luttant contre la pédophilie. En outre, ainsi que le relève la charte surles pratiques et usages de l'Association française des fournisseurs d'accès(AFA), l'efficacité des contrôles de sites par la détection automatique de motssuspects est réduite, dès lors que les responsables des sites surveillés ontconnaissance des mots suspects recherchés par les programmes informatiquesdu fournisseur d'accès. http://www.afa-france.com/html/action/index_usages.htm
(18) V. Sedallian, À propos de la responsabilité des outils de recherche,C ahiers Lamy droit de l'informatique et des réseaux, mai 2000, p. 4 ; égalementdisponible sur Juriscom.net, 19 février 2000, http://www.juriscom.net. Cet auteurdéclare à cet égard : « Juridiquement, considérer que certains mots devraientêtre censurés et bannis des bases de données des moteurs de rechercheserait tout à fait contestable et certainement contraire aux principes de libertéde communication et d'expression garantis par l'article 10-1 de la Conventioneuropéenne des droits de l'homme. Doit-on bannir les mots viol, révisionnisme,torture du dictionnaire pour la seule raison que ces mots renvoientà des activités ou des idées totalement inacceptables ? Toute censure baséesur la présence de seuls mots entraînerait automatiquement dans son sillage lacensure de sites qui luttent contre les activités que ces mots désignent. Parexemple, une censure des mots viols, révisionnisme, torture, entraînera vraisemblablementl'absence de référencement des sites d'aides aux victimes deviol, de lutte pour les droits de l'homme et contre le révisionnisme. » 18. Pour les autres sources de responsabilité liées à l'utilisation des liens hypertextes,notamment en matière de liens profonds (deep linking), v. Th. Verbiestet E. Wery, op.cit., n° 292 et s. ; A. Strowel et N. Ide, La responsabilité des intermédiairessur Interne, RIDA, octobre 2000, n° 186, p. 3-153.
(20) Pour un commentaire de cette décision : Th. Verbiest, « Suède : se lier àdes sites MP3 contrefaisants ne serait pas en soi illégal », http://www.droit-technologie.org, actualité du 20 septembre 1999.
(21) Civ. Anvers, 21 décembre 1999, IFPI Belgium c/ Beckers Werner Guido,R.G.99/594/C, http://www.droit-technologie.org, rubrique jurisprudence.Annoncé dans L'Écho, 25 décembre 1999 et disponible sur le sitehttp://www.droit-technologie.org, rubrique jurisprudence.
(22) Tribunal fédéral de l'Utah, Preliminary injunction, 6 décembre 1999, disponiblesur : http://www.utlm.org/underthecoveroflight_news.htm
(23) En particulier : Ch. Curtelin, « L'utilisation des liens hypertextes, des framesou des métatags sur les sites d'entreprises commerciales », RIDP,1999/3 ,p.14.
(24) Ticketmaster Corp. v. Tickets.com, District Court fédérale de Los Angeles, 27mars 2000, disponible sur : http://www.gigalaw.com/library/ticketmaster-tickets-2000-03-27.html. Le site Ticketmaster accusait le site Tickets.com de contrefaçon,concurrence déloyale et publicité trompeuse, au motif que Tickets.com, qui venddes tickets et billets en tous genres, avait établi des hyperliens vers des pages dusite de Ticketmaster qui offraient des tickets indisponibles sur le site de Tickets.com. 24. Preliminary Injunction, January 20, 2000 (DI 6) ; Universal City Studios, Inc.,82 F. Supp.2d. Décision disponible sur : http://www.eff.org/pub/Intellectual_property/DVDCCA_case/20000120-pi-order.html. Il est également intéressant designaler l'affaire Gary Bernstein v. JC Penney Inc. : une action en contrefaçon aété introduite par le photographe Gary Bernstein contre le responsable d'un sitequi contenait deux liens hypertextes menant à d'autres sites, lesquels aboutissaientà une page d'un site suédois, où étaient reproduites sans autorisation deuxphotographies du demandeur représentant l'actrice Elizabeth Taylor. Dans une décisiondu 20 avril 1998, la Western Division de la Cour de Californie déboutale demandeur au motif que le lien entre l'acte de contrefaçon réel et les agissementsdu défendeur était trop ténu pour que l'on puisse retenir sa responsabilité.V. : http://www.abcnews.com/sections/tech/DailyNews/websuit980921.html
(26) Universal City Studios, Inc. vs. Shawn C. Reimerdes, Southern District Courtof New York, 17 août 2000, décision disponible à l'adresse :http://www.droit-technologie.org/jurisprudence/usa/2600_mpaa_decision_170800.pdf
(27) Qu'il suffise de penser à la suppression du référencement auprès d'un annuairepopulaire tel que Yahoo! Si la suppression est injustifiée le site référencén'ayant en fait aucun contenu illicite elle pourrait porter préjudice ausite lié dans la mesure où sa visibilité sur l'internet en souffrirait, et par voiede conséquence son trafic et ses revenus, qu'ils soient publicitaires ou généréspar des ventes en ligne. De même, certains sites sont liés par des linkingagreementsqui pourraient être résiliés fautivement si la suppression était injustifiée.
(28) Article 21.2 : « Ce rapport, en examinant la nécessité d'adapter la présentedirective, analyse en particulier la nécessité de présenter des propositionsrelatives à la responsabilité des fournisseurs de liens d'hypertexte et deservices de moteur de recherche, les procédures de notification et de retrait(notice and take down) et l'imputation de la responsabilité après le retraitdu contenu. Le rapport analyse également la nécessité de prévoir des conditionssupplémentaires pour l'exemption de responsabilité, prévue aux articles 12et 13, compte tenu de l'évolution des techniques, et la possibilité d'appliquerles principes du marché intérieur à l'envoi par courrier électronique de communicationscommerciales non sollicitées.» S'agissant des outils de recherche,la formulation nous semble réductrice et il eût été sans doute préférable deconserver l'expression : « d'instruments de localisation » visée à l'article 24de la proposition modifiée de directive sur le commerce électronique du premierseptembre 1999, laquelle était directement inspirée du Digital MillenniumCopyright Act(« information location tools»).