« Auteurs et tribunaux prennent de plus en plus l'habitude, - certes commode - de tout résoudre par l'application des articles 1382 et suivants, C. Civ. [...] ; on constate un préjudice, une faute et l'on accorde au demandeur des dommages-intérêts.Ainsi, non seulement la responsabilité civile devient le centre du droit, mais elle est en train d' absorber le droit tout entier. » (Henri Mazeaud 1935).Préambule La diffamation envers la mémoire des morts prévue par l'article 34 de ...
Cour de cassation, Ass. plén., 12 juillet 2000, Époux Collard c/ Jamet et autres
(2) Art. 34 : Les articles 31, 32 et 33 ne seront applicables aux diffamations contre la mémoiredes morts que dans les cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intentionde porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légatairesuniversels vivants. Que les auteurs des diffamations ou injures aient ou non l'intention de porteratteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants,ceux-ci pourront user, dans les deux cas, du droit de réponse prévu par l'article 13
(3) Art. 10 § 2 : L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peutêtre soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, quiconstituent des mesures nécessaires dans une société démocratique [...] à la protection de laréputation ou des droits d'autrui [...].
(4) Considérant, en droit, que l'exercice du droit à la liberté d'expression, proclamé par l'article10.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,ne peut, selon l'article 10.2 de cette même Convention, être soumis à certainesformalités, conditions, restrictions ou sanctions qu'à la condition que celles-ci soient prévuespar la loi [...]
(5) Les imputations reprochées à l'auteur de l'article sont les suivantes :« Banalisée, la torture est pratiquée à Alger dans les locaux de la DST à la villa Sesini, dansl'immeuble d'El-Biar où Henri Alleg et Maurice Audin passent entre les mains expertes des lieutenantsÉrulin et Charbonnier [...]. »« Parmi les questionneurs les plus actifs de la villa Sesini et de l'immeuble d'El-Biar, le commandantAusseresses, un ancien d'Indochine et du SDECE, dirige l'état-major parallèle chargédes interrogatoires. Sous ses ordres, une dizaine de sous-off., grognards des guerres coloniales,torturent des hommes et des femmes qui, s'ils survivent, ne pourront qu'être liquidéspar la suite. Il y a là le bourreau d'Henri Alleg, le lieutenant Philippe Érulin qui sautera sur Kolwezivingt ans plus tard et recevra l'accolade du président Giscard d'Estaing. Autres tortionnaireszélés : [...] ».
(6) DC n° 82.144 - D. 1983, note F. Luchaire et GP 1983 .I. p. 60 - Obs Chabas.
(7) Les principes généraux du droit font obligation à chaque individu de ne pas nuire à autrui. Iln'en résulte pas que chacun puisse faire respecter son droit à ce qu'on ne lui nuise pas. L'examendes règles de droit et de leur mise en uvre par la jurisprudence permet en effet de constaterl'existence d'un véritable droit de nuire. C'est ainsi que certaines activités comportent lapossibilité de nuire car le droit de nuire est inhérent à leur exercice ; parfois ce même droit denuire, reconnu comme prioritaire ou estimé indispensable, sera la conséquence de l'exercicedes droits. Dans un cas comme dans l'autre, le droit de nuire aura prévalu sur le droit de chacunà ce qu'on ne lui nuise pas (J. Karila de Van Le droit de nuire RTD civ.3 juillet -septembre 1995 - p. 533). Voir également in note Luchaire précitée (note 5) : « La déclarationde 1789 dispose que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, maisfaut-il en déduire qu'il est interdit de nuire à autrui ? Certainement pas. Au contraire, l'exerciced'un droit nuit presque toujours à autrui ; l'héritier qui utilise son droit à la réserve successoralenuit au légataire, le commerçant nuit à son concurrent ; l'exercice du droit de grèveconsiste précisément à nuire à l'employeur (et parfois au client ou à l'usager)[...] » ;
(8) Voir notamment : Juris-classeurs - Presse - 1992 (19) app. Art. 283 à 294 : Fasc. 13 auquelil est fait ici référence.
(9) Art. 46 : « L'action civile résultant des délits de diffamation prévus et punis par les articles30 et 31 ne pourra, sauf dans le cas de décès de l'auteur du fait incriminé ou d'amnistie, êtrepoursuivi séparément de l'action publique.»
(10) La diffamation visant le Colonel Érulin ayant été commise, en l'espèce, en raison de sesfonctions, selon la formule de l'article 31 et l'article 46 étant d'ordre public (jurisprudenceconstante depuis Civ. 8 février 1909 D.P. 1909 I 471,) le juge civil n'aurait-il pas dû se déclarerincompétent ?
(11) Christophe Bigot : Le champ d'application de l'article 1382 du code civil en matière depresse, in Liberté de la presse et droits de la personne, sous la direction de Jean-Yves Dupeuxet Alain Lacabarats - Dalloz (Thèmes et commentaires) p. 75.
(12) Pour une analyse exhaustive de ce processus, voir tout spécialement : Pierre Guerder,L'évolution récente de la jurisprudence civile en matière de presse in Rapport annuel de la Courde cassation - 1999. Voir également Alain Lacabarats, note sous TGI Paris, 11 décembre 1996è J CP1997 - jp n° 22938, p. 477.
(13) Voir : Blin, Chavanne, Drago et Boinet, «Droit de la presse» - Litec, Fasc 210, n° 33.
(14) Christophe Bigot, note sous Civ. 2, 24 juin 1998 (1re espèce) et TGI Nanterre 1re ch. A,23 septembre 1998, Recueil Dalloz, 1998 - Somm. Commentés, p. 164.
(15) Arrêt Handyside du 7 décembre 1976, A n° 24, § 49 ; arrêt Lingens du 8 juillet 1986,A n° 103 § 41 et 42 ; arrêt Oberschilk du 23 mai 1991, A n° 204, § 58.
(16) Gérard Cohen-Jonathan in : La Convention européenne des droits de l'homme - commentairearticles par article, sous la direction de L.-E. Pettiti, E. Decaux et P.H. Imbert - Ed.Economica art.. 10, p. 365.
(17) Henri Leclerc : Les principes de la liberté d'expression et la Cour européenne des droitsde l'homme, in Le droit de la presse de l'an 2000, Victoires-Éditions, p. 114.