L'arrêt commenté met fin à un contentieux surprenant. Un contrefacteur prétendait pouvoir librement reproduire les uvres d'autrui au motif que le caractère pornographique de ces uvres les privait de protection.Son pourvoi reposait sur une analyse littérale d'un précédent arrêt à l'occasion duquel la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait confirmé qu'à partir du moment où les juges du fond constatent que le contenu des vidéocassettes : « ne constitue pas un étalage ...
Cour de cassation, ch. crim., 28 septembre 1999, G. Menoud
Emmanuel DREYER
Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris 1)
(2) Crim. 6 mai 1986, Gil, Bull. crim. n° 152, p. 395 ; RIDA oct. 1986, p. 149.
(3) V. Pouillet en 1879, cité par Colombet (C.), Propriété littéraire et artistique et droits voisins,Précis Dalloz, 1999, 9e éd., n° 30, p. 24.
(4) Lucas (A. et H.-J.), Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 1994, n° 70, p. 80.
(5) Respectivement : Tribunal civil de la Seine, 29 novembre 1865, Ann. 1866, 77 et CA Paris(4e ch.), 7 juin 1990, Juris-data n° 23051.
(6) Bertrand (A.), Le droit d'auteur et les droits voisins, Dalloz 1999, 2e éd., p. 152, n° 4.112.
(7) Expressions empruntées à M. Vivant, Propriété intellectuelle et ordre public, Ecrits enhommage à Jean Foyer, PUF 1997, p. 313.
(8) V. dans l'affaire Gil précitée : CA Lyon, ch. corr., 27 juin 1984 : RIDAn° 122, octobre 1984,p. 201.
(9) En l'absence de discussion sur ce point, il semble que les juridictions inférieures ne sontpas tenues de relever expressément les éléments caractérisant l'originalité de l'uvre contrefaite.Une sorte de présomption simple d'originalité paraît ainsi se dégager afin d'éviter : unaffaiblissement considérable de la répression : Gautier (P.-Y.), Propriété littéraire et artistique,PUF 1999, 3e éd., n° 427, p. 633.
(10) V. not. le rappel de J.-H. Robert, Droit pénal général, PUF-Thémis, 1998, p. 261.
(11) Techniquement, le moyen était sans risque dans la mesure où la théorie de la peine justifiéen'était pas applicable en l'espèce compte tenu du montant de l'amende prononcée quidépassait le montant de l'amende prononçable au titre de l'outrage aux bonnes murs (v.Robert (J.-M.), La peine justifiée, in La Chambre criminelle et sa jurisprudence, Recueild'études en hommage à la mémoire de M. Patin, Cujas, 1965, p. 569-582).
(12) V. l'article classique de R. Vouin, Justice criminelle et autonomie du droit pénal, D.1947,chron. p. 81.
(13) Rappelons, par exemple, qu'il importe peu que les fonds remis à l'escroc ou à l'auteurd'un abus de confiance aient été, eux-mêmes, détournés de leur affectation initiale par la victime(Crim., 23 mars 1977, Bull. n°108 ; Crim., 20 juin 1984, Bull. n° 233). Dans cette hypothèse,l'absence d'intérêt réputé légitime (le détournement des fonds par la victime avant qu'ellene soit abusée) n'empêche pas l'infraction d'être constituée.
(14) V. sur l'articulation de ces textes : C. Carreau, Mérite et droit d'auteur, LGDJ1981, n° 111,p. 91.
(15) Insistons sur ce point : la Cour de cassation poursuivant le raisonnement engagé dansl'arrêt Gil évoque le caractère illicite des uvres et pas simplement indigne (sur la distinctionentre l'illicéité et l'indignité : V. Beraud (R.), L'exception d'indignité dans la jurisprudence récente,JCP1952, n° 1029). Il ne suffit pas que les uvres soient simplement immorales; il fautqu'elles remplissent les conditions de l'outrage aux bonnes murs.
(16) À suivre les meilleurs auteurs (v. Merle (R.) et Vitu (A.), Traité de droit criminel, Droit pénalgénéral, Cujas, p. 498, n° 384), la justification pénale reposerait sur l'accomplissement d'undevoir ou l'exercice d'un droit. Quel devoir prétendait accomplir le prévenu en l'espèce ? Queldroit aurait-il exercé ? Peut-on vraiment défendre, dans une telle hypothèse, le caractère socialementutile ou indifférent de son acte ?
(17) V. notre thèse : Le dépôt légal, analyse d'une garantie nécessaire au droit du public à l'information,Paris II, 1999, p. 277 et s.
(18) V. not. Françon (A.), Des limitations que les droits de la personne apportent à la créationlittéraire et artistique, RIDA, avril 1971, p. 170.
(19) Denis (J.-B.), L'action civile de la victime en situation illicite, D. 1976, chron. p. 246 - Sil'on peut imaginer que la plainte soit déclarée irrecevable toutes les fois que son auteur a participéà l'infraction dont il se plaint (Crim. 17 janvier 1967, Gaz. Pal.1967.1.202) ou à une infractionconnexe (Crim. 27 mars 1968, D. 1968, jur. p. 523, note R. Vouin), il en va différemmentlorsque les faits à la base de la plainte sont différents de ceux qui pourraient éventuellementêtre reprochés au plaignant. Dans notre espèce, les faits d'outrage aux bonnes murs et decontrefaçon sont parfaitement divisibles et il ne serait pas possible de retenir le concert frauduleuxqui semble avoir justifié la répression dans les hypothèses précédentes (V. encore :Crim. 28 octobre 1997, D. 1998, p. 268, note D. Mayer et J.-F. Chassaing).
(20) V. au profit de la concubine adultère : Crim. 19 juin 1975, D. 1975, Jur., p. 680, noteA. Tunc.
(21) Vivant (M.), Propriété intellectuelle et ordre public, op.cit.p. 315.
(22) Hugueney (V.-L.), Les dommages-intérêts dus par le souteneur à la prostituée, Rev. int.dr. pén. 1946, p. 73.
(23) V. aussi l'étude : Contrefaçon - Atteinte aux droits d'auteur et droits voisins Fraudesen matière artistique, J. Class. Pénal Annexes, 9.1999, 56 p.
(24) Cass. crim., 7 juin 1945 : D. 1946, jurispr. p. 149, note R. Savatier.
(25) Terré (F.), Simler (Ph.), Lequette (Y.), Les obligations, Dalloz 1999, 7e éd., p. 392, n° 404 v. déclarant sans application en matière de responsabilité civile délictuelle la maxime nemoauditur: (civ. 1re) 14 décembre 1982, Bull. n° 355.
(26) Il n'y a pas lieu à répétition si les deux parties sont pareillement associées à la turpitude: Terré, Simler et Lequette, op.cit., n° 403, p. 391
(27) V. Stefani (G.), Levasseur (G.), Bouloc (B.), Procédure pénale, Précis Dalloz, p. 155,n° 163 et la jurisprudence citée.