AVANT de s'interroger sur l'avenir que la fiscalité réserve à l'édition électronique, il semble utile, afin de mieux mesurer l'ampleur des enjeux en cause, de recadrer le sujet dans les réalités du marché.L'Europe constitue le second marché du monde en ce qui concerne l'édition. Au sein de ce marché, l'édition électronique représenterait aujourd'hui entre 1 à 3 % selon les estimations. Comme tout ce qui touche à l'Internet, les prévisions de croissance sont vertigineuses. Mais ...
Olivier BOUTELLIS
PricewaterhouseCoopers, Bruxelles Senior Manager Global E-business Team
1er novembre 1999 - Légipresse N°166
5451 mots
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(1) *Ce texte est tiré d'une intervention prononcée le 7 mai 1999 lors de latable ronde organisée par Légipresse et Médiangles : Édition électronique: les tendances économiques, juridiques et fiscales pour les éditeurs.L'auteur s'exprime ici à titre strictement personnel, ses opinions ne sauraienten aucun cas engager l'organisation à laquelle il appartient. Mise àjour par l'auteur en juin 1999.
(2) Ce à quoi on assiste, c'est à une véritable transformation de l'économieet de l'entreprise. Dans le secteur qui nous intéresse aujourd'hui, le métiermême d'éditeur est en pleine mutation, avec une réorientation de l'offre versles services à valeur ajoutée (gestion, sélection, recherche d'informationsallant au-delà des métiers plus traditionnels de diffusion et d'analyse) etl'émergence de nouveaux modèles commerciaux (offre destinée à des intranetset portails d'entreprises, montée en puissance de la part des revenuspublicitaires, marketing personnalisé ). Ce qui hier risquait d'assombrir lesperspectives d'expansion, comme par exemple la segmentation culturelle etlinguistique d'un marché, peut aujourd'hui, avec les réductions de coût etles nouvelles possibilités d'exploitation des niches rendues possibles parl'Internet, se transformer en autant d'opportunités.
(3) Voir l'exemple, cité à satiété, de Amazon.com qui l'année dernière pourun chiffre d'affaire de 610 millions de dollars affichait une perte de 124,55millions de dollars, et une capitalisation boursière de... 18 580 millions dedollars ! v. La Tribune, 8 juin 1999 (supplément).
(4) Pour plus de précisions, voir Longuépée (R.), Légicom 1999/1, n° 17, p. 31.
(5) Voir Légipresse, 1999/1 n° 158-IV, p. 10.
(6) En ce qui concerne le matériel, l'administration fournit une liste détailléed'exemples qui couvre une large part de l'équipement nécessaire à l'exploitation.En revanche, en ce qui concerne le matériel de transmission des données,l'administration laisse une part d'incertitude en ne parlant que deséléments de raccordement aux réseaux de transmission sans plus de précisionsou d'exemples ; on peut se demander ce qu'il en est d'une ligne louéeou d'un firewall ?
(7) Pour plus de précisions sur cette question, voir Hinnekens (Luc), The Challengesof Applying VAT and Income Tax Territoriality Concepts and Rules toInternational Electronic Commerce, INTERTAX, vol. 26 (1998) issue. 2, p. 52; Le Gall (J.P.), Internet : cyber-fiscalité ou cyber-paradis fiscal, JCPE 1998,p. 164 ; Boutellis (Olivier), L'avenir de la notion d'établissement stable à l'èrede l'entreprise virtuelle, évolution ou révolution, Petites affiches, n° 388/14, 20janvier 1999, p. 25-31 et Commerce électronique et TVA : de l'établissementstable à l'établissement virtuel ?, Droit fiscal n° 3, janvier 1998, p. 125- 129.
(8) Voir, A Borderless World Realising the potential of Electronic Commerce(conférence d'Ottawa) consultable sur http://www.oecd.org/, voiraussi Measuring Electronic Commerce : International Trade in Software surhttp://www.oecd.org//dsti/sti/it/ec/prod/sw-trade.htm.
(9) Il faut donc distinguer entre le transfert des droits eux-mêmes et le transfertde l'objet protégé par les droits. Ces commentaires sont en fait largementinspirés de la position américaine US Treasury proposed regulationsqui ont le mérite de favoriser une approche plus cohérente sur le plan juridiqueet neutre sur le plan des technologies; on observera aussi que cetteapproche favorise plutôt les pays exportateurs.
(10) La matière repose sur l'analyse économique : d'une part, l'analyse desmarchés sur lesquels il convient de rechercher des comparatifs qui permettrontd'apprécier les prix pratiqués et, d'autre part, l'analyse des fonctionsexercées et des risques assumés par les différentes entités en cause; il s'agiten fait d'opérer une répartition des bénéfices d'un groupe entre plusieursentités soumises à différentes souverainetés fiscales. On se doute que l'apparitionde réseaux de communication qui sont à la fois ouverts, décentraliséset bon marché, qui défient la distance et le temps, et qui permettentdonc aux entreprises de restructurer leurs processus de production et leurschaînes de distribution, risque de quelque peu bouleverser la matière desprix de transfert comme les autres domaines du droit et de l'économie.
(11) De leur côté, les entreprises, qui bénéficient des réductions importantesde coûts résultant du commerce électronique (par exemple 20 % sur lescoûts d'inventaires et de 50 à 90 % pour les coûts de distribution selon l'OCDE,voir The Economic and Social Impacts of Electronic Commerce surhttp://www.oecd.org/subject/e_commerce/), ont aussi intérêt à mettre enplace des procédures rigoureuses qui leur permettront de disposer de toutela documentation nécessaire pour démontrer que les prix pratiqués correspondentbien à des prix de marché.
(12) Sur ce point, voir Longuépée (R.), art. précité.
(13) Ainsi, lorsque le taux super-réduit n'est pas applicable, il reste à voirs'il est possible de bénéficier du taux du livre (5,5 %) ou s'il ne reste plusqu'à subir le taux standard (20,6 %) ; on en arrive alors à des incohérencessurprenantes et des voisinages étonnants : ainsi sont taxés au taux de 5,5 %,les guides touristiques (mais pas les guides de restaurants et les plans quisubissent le taux standard), les partitions et méthodes de musique (alors queles partitions de chansons sont elles taxées au taux standard), les formulairesscientifiques (mais pas les dossiers techniques), les catalogues d'exposition(mais pas les catalogues philatéliques), enfin on est certain quedans la catégorie du taux standard, les albums à colorier voisinent avec lesouvrages pornographiques.
(14) Par exemple : la qualité des parties à la transaction ; le lieu où ellessont établies ou les États membres où elles sont immatriculées à la TVA ouencore le lieu où sont réalisées certaines opérations (e.g. départ d'un transport,lieu d'exécution d'une prestation d'enseignement ) ; le suivi physiquedes flux de biens ; le volume d'affaires réalisé dans d'autres États membresde l'UE.
(15) Pour la France, voir les nouvelles conditions posées par l'article 2 de laloi du 2 juillet 1998 et le décret du 3 mai 1999. La Commission européenne,sensibilisée aux problèmes pratiques que cette situation pose auxentreprises, envisage la mise en place d'un cadre réglementaire européenharmonisé et approprié pour la facturation électronique; elle fait actuellementprocéder aux études préalables nécessaires ; voir Working Paper du8 juin 1999 cité infra.
(16) Certains États membres y seraient pourtant favorables.
(17) Les références à la directive renvoient à la sixième directive, directivedu Conseil 77/388 du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation deslégislations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires système commun de TVA : assiette uniforme (telle que modifiée).
(18) On peut en effet se lancer dans un vertige de conjectures assez peu productivesen termes de solutions et qui démontre simplement l'inadaptationde la règle. On se demandera par exemple si la prestation doit être localiséelà où se trouve celui qui apprend, ou là où se trouve celui qui enseigne,sachant que tous deux peuvent s'avérer difficiles à localiser avec certitude;ou après tout pourquoi pas, là où se passe la rencontre des deux, par analogieavec les établissements d'enseignement ; dans ce cas, est-ce le browserqui est sur le PC de l'étudiant, le serveur utilisé par l'enseignant qui peutse trouver dans un État différent de celui où est l'enseignant lui-même etqui n'est sans doute pas le même pour tous les étudiants ?
(19) C'était le cas des services de télécommunications jusqu'en 1997 où unedécision du Conseil de l'Union européenne a modifié le régime en instaurantune dérogation. Depuis le colloque du 7 mai 1999, il faut signaler l'interventionde la directive du 17 juin 1999 relative au régime des servicesde télécommunications. La discussion de ce régime ne sera pas reprise ici.
(20) La production de documents officiels témoigne de cette activité. À cetégard, on pourra utilement consulter le point de vue de la Commission européennesur http://europa.eu.int/ et http://www.cordis.lu/esprit/src/ecomcom,voir notamment, Livre vert sur la convergence (COM97/623), Déclarationde Bonn, Une initiative européenne dans le domaine du commerce électronique(COM 97/157), La nécessité de renforcer la coordination internationale(COM 98/50), Commerce électronique et fiscalité indirecte (COM98/374); le point de vue l'OCDE sur http://www.oecd.org/, Dismantling thebarriers to Global Electronic Commerce (conférence de Turku), ElectronicCommerce : The challenges to tax authorities and taxpayers, A BorderlessWorld Realising the potential of Electronic Commerce (conférence d'Ottawa),Electronic Commerce: Taxation framework conditions, ElectronicCommerce : A Discussion Paper on Taxation issues, Taxation issues in ElectronicCommerce : developing the partnership ; le point de vue des États-Unis, Selected tax Policy Implications of Global Electronic Commerce, USDepartment of Treasury, November 1996, INTERTAX, vol. 25, issue 4, p.148 ; aussi disponible sur Treas.gov/taxpolicy/Internet, A Framework forGlobal Electronic Commerce, President William J. Clinton and Vice PresidentAlbert Gore, July 1997, à consulter sur Whitehouse.gov/WH/new/Commerce/,on lira aussi O'Donnell and DiSangro, United States Tax Policy onElectronic Commerce, INTERTAX, vol. 25, issue. 12, p. 429.
(21) Voir The emerging digital economy, sous la direction de Lynn Margherio,disponible sur http://www.ecommerce.gov, ainsi que, rapport OCDE précitéThe Economic and Social Impacts of Electronic Commerce.
(22) Le principe de neutralité est sans doute le plus mis en avant. On peutcraindre qu'il s'agisse d'un débat sans fin et pratiquement comme intellectuellementassez vain. À cet égard, il est intéressant de s'amuser à une étudecomparative des différentes définitions (comparer par exemple les définitionsdonnées par l'OCDE, l'Union européenne et le US Treasury), certainsvoudraient que la neutralité s'applique au niveau du traitement sans tropd'égard pour le résultat obtenu, alors que d'autres préféreraient rechercherla neutralité au niveau du résultat, quitte à ce que le traitement diffère affaire de point de vue sans doute.
(23) Commerce électronique et fiscalité indirecte (COM 98/374).
(24) Cette option qui aurait instauré pour les services un système similaireà ce qui existe pour les biens semble aujourd'hui abandonnée. L'avantagetenait à la possibilité de désigner le redevable de la taxe, avec pour résultatque les prestataires non communautaires n'auraient pas forcément eu às'enregistrer à la TVA. En revanche, on ne voit pas comment l'importationde services aurait été définie, ni comment les douaniers auraient pu arrêteret fouiller un service en train de traverser clandestinement la frontière.Comme toute modification de la réglementation, le système risquait decomporter des coûts de transition disproportionnés vu le peu de solutionsapportées aux problèmes qui se posent.
(25) Depuis la date de cette intervention, la Commission a en effet publiéun document de travail du 8 juin 1999 dans lequel elle précise ses orientations.Le texte de l'intervention a été mis à jour en conséquence; pour uneanalyse plus développée, voir Boutellis (Olivier), Les nouveaux horizons dela politique fiscale, à paraître.
(26) La Commission envisage justement de se départir de cette logique deliste de services spécifiques qui nécessite des mises à jour périodiquesinsoutenables par ces temps d'innovation effrénée, voir infra.
(27) Ce texte est transposé à l'article 259 B du CGI ; il vise actuellementune liste de services dits (improprement à mon sens) immatériels tels quele traitement de données, les prestations de conseil, la publicité, mais aussila location de meubles corporels à l'exception des automobiles
(28) Il faut pourtant noter que ce segment représente à peine 20 % du totaldu commerce électronique, voir Rapport Lorentz, et plus récemment, rapportOCDE précité The Economic and Social Impacts of Electronic Commerce.
(29) On pourrait craindre que ce système suscite des représailles commercialesou, qu'en parallèle, les commerçants électroniques communautairessoient amenés à s'enregistrer et à déposer des déclarations dans l'ensembledes États du globe disposant d'un système comparable à la TVA ; il n'estpas impossible non plus qu'il soit contesté dans l'enceinte de l'OMC.
(30) Voir directive du 17 juin 1999, précitée et documents préparatoires.
(31) Voir COM (96) 328 final et note technique XXI/1156/96. Dans sa communicationprécitée sur la fiscalité indirecte et le commerce électronique, laCommission a largement insisté sur l'importance qu'elle accordait à la miseen place du régime définitif de TVA et sur le lien avec le commerce électroniquequi rendait cette réforme encore plus impérative. Dans sa volontéde mettre en place un régime modernisé plus conforme aux exigences dumarché unique, la Commission envisageait un système dans lequel tous lesopérateurs devraient avoir un lieu d'enregistrement à la TVA unique pourtoute l'Union ; l'ensemble de leurs transactions seraient taxées au taux decet État membre, déclarées dans cet État membre, tout comme c'est dans cemême État membre que s'effectueraient les déductions, les remboursementset les contrôles. L'ensemble de la taxe ainsi récoltée dans l'Union seraitensuite répartie entre les différents États membres sur une base statistiqueextérieure au système de rattachement fiscal. Voir aussi Les propositions dela Commission européenne pour un système commun de TVA une optioninquiétante, CCI de Paris, B. Robine, 5 déc. 1996 et Pour ou contre le futursystème de TVA en Europe, Doc Sénat 96/97 n° 264.
(32) En ce qui concerne le problème des taux on peut remarquer les propositionsfaites par deux États membres. Les Pays-Bas où un groupe d'expertsa proposé dans un rapport au gouvernement d'exempter purement etsimplement de TVA les transactions électroniques (voir, G. Kortenaar (G.)& Spanjersberg (C.), Taxation and electronic commerce: Dutch tax policyimplications, INTERTAX vol. 27, p. 180, May 1999 Koch (H.-A.) &Frey (M.), Taxation of electronic commerce in The Netherlands, TaxPlanning international electronic commerce, vol. 1, n° 5 p. 15 May 1999).La France qui avait fait une demande auprès de la Commission en 1995en faveur de l'application des taux réduits à certains produits multimédias; la Commission est peu encline par principe à la multiplication dunombre de taux applicables et à l'extension du champ d'application destaux réduits (annexe H de la sixième directive), vu la complexité de laquestion, il semble légitime d'être pessimiste quant à une telle perspectiveà court terme (voir, Rép. du Ministre de l'économie n° 6665 du 1er janvier1998).