Les modifications apportées au droit de la presse par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs (1)
Principalement destinée à lutter contre les infractions sexuelles commises sur des mineurs, la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, contient des dispositions très diverses, dont certaines viennent modifier ou compléter le régime juridique de la presse et de l'information.Celles-ci méritent notre attention. Ce sera également l'occasion de rappeler brièvement certaines limites ...
Pierre CRAMIER
Docteur en droit
1er mars 1999 - Légipresse N°159
2511 mots
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(3) Sur le sujet, voir notamment : Derieux (E.), Le régime des publicationsdestinées à la jeunesse, Petites affiches, 20 mai 1987, n° 60,p. 23 / Dreyer (E.), Publications destinées à la jeunesse, Traité dedroit de la presse, Litec, 1997, fasc. 80, n° 1.
(4) À l'instar de l'article 14 de la loi de 1949, qui instaurait une commissionchargée de la surveillance et du contrôle des publications destinéesà l'enfance et à l'adolescence, l'article 33 de la loi de 1998 dispose: « il est institué une commission administrative chargée dedonner un avis sur les mesures d'interdiction envisagées [...] la commissiona également qualité pour signaler à l'autorité administrativeles documents [...] qui lui paraissent justifier une interdiction ».
(5) L'article 35 précise que l'interdiction prononcée doit être mentionnée: « de façon apparente sur chaque unité de conditionnement desexemplaires édités et diffusés ».
(6) Certains documents (en particulier ceux reproduisant des films pornographiques)sont, aux termes de l'article 34, soumis de plein droit àl'interdiction prévue par l'article 32, 1°. L'éditeur, le producteur,l'importateur ou le distributeur peuvent demander à être relevés decette interdiction.
(7) Les mesures d'interdiction prononcées par le ministre sur le fondementde l'article 14 de la loi de 1949 doivent être motivées. Il s'agiten effet, pour la jurisprudence, d'une décision individuelle défavorablerestreignant l'exercice d'une liberté publique, dont la loi du 11 juillet1979 impose la motivation : Conseil d'État, 19 janvier 1990, Sociétéfrançaise de revues, Légipresse, n° 71-I, p. 29 / Sur la portée ducontrôle exercé par le juge administratif : Conseil d'État, 29 mai 1995,Association Alexandre, Légipresse, n° 127-III, p. 176 et l'article deE. Derieux, Extension du contrôle du Conseil d'État sur les mesuresd'interdiction des publications destinées à la jeunesse, Petites affiches,11 octobre 1996, p. 19.L'article 32, alinéa 3, de la loi du 17 juin 1998 prévoit expressémentla motivation de l'arrêté d'interdiction.
(8) Voir l'interdiction en 1970 de l'hebdomadaire Hara-Kiri (arrêtés des4 novembre et 1er décembre 1970, JO, 15.11.70, p. 10524 et 15.12.70,p. 11496. voir Conseil d'État, 12 janv.ier 1972, Rec., p. 34).
(9) Pour un exemple, cf. arrêté du 25 février 1988 portant interdictionde vente aux mineurs, d'exposition et de publicité d'une revue révisionniste,Légipresse, n° 49, p. 5 / voir aussi : Conseil d'État, 20 juin1990, Société des éditions Comtel, req., n° 97322 / 29 juillet 1994,Sidos, JCP 95, II, 22496 / 29 juillet 1994, Roques, req., n° 118857.9 Pisier-Kouchner (E.) Protection de la jeunesse et contrôle des publications,RIDA, avril 1973, p. 103.
(11) Conseil d'État, 20 juin 1990, Société des éditions Comtel, req.n° 97322 / voir, pour une décision d'annulation d'un arrêté d'interdiction: Conseil d'État, 29 mars 1996, Légipresse, n° 140-I, p. 39.
(12) Henri Leclerc estime inacceptable le recours à l'article 14 de la loide 1949. Selon lui : « l'absence complète d'exercice des droits de ladéfense, la confusion des motifs qui la justifient et peuvent s'apparenterau respect d'un vague ordre moral, en font une mesure arbitraire» (Leclerc (H.), La liberté de la presse et ses contraintes, (in) Laliberté de l'information en France, LDH, 1989, p. 60). Il convient depréciser que le Conseil d'État a reconnu la compatibilité du régimeinstitué par l'article 14 de la loi de 1949 avec la Convention européennedes droits de l'homme (Conseil d'État, 19 janvier 1990, Sociétéfrançaise de revues, prec.). On peut pourtant douter que la Cour deStrasbourg, qui n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur cettequestion, admette cette compatibilité.
(13) L'article 37 de la loi du 17 juin 1998 dispose : « le fait, par deschangements de titres ou de supports, des artifices de présentation oude publicité, ou par tout autre moyen, d'éluder ou de tenter d'éluderl'application des dispositions de l'art. 32 [...] est puni d'un emprisonnementde deux ans et d'une amende de 200 000 F ».
(14) Conseil d'État, 19 janvier 1990, Société française de revues, AJDA,90, p. 124 ; Légipresse, n° 71-I, p. 29. De même, il importe peu quela commission ait elle-même signalé le caractère dangereux pour lajeunesse de la publication interdite ou que le ministre ait agi de sapropre initiative : Conseil d'État, 29 juillet 1994, Sidos, JCP 95-II,22496.
(15) Lors des travaux préparatoires, Mme Frédérique Bredin, rapporteurpour l'Assemblée nationale, avait rappelé que certaines personnesayant raconté au cours d'émissions de télévision les sévices qu'ellesavaient subis dans leur enfance avaient été poursuivies et condamnéespour diffamation, faute d'avoir pu faire la preuve du fait prescrit(cf. Sénat, rapport de M. Charles Jolibois au nom de la commissionmixte paritaire, n° 435).