Le marché du livre numérique se superpose aujourd'hui au marché du livre papier dans un contexte préoccupant les acteurs traditionnels de la filière qui peuvent y voir menace et/ou opportunité. Nombre de questions auxquelles les acteurs et observateurs du marché cherchent à répondre sont liées au degré de similitude entre livres papier et numériques. Outre la nature des contenus, il s'agit de s'intéresser à l'autonomisation de la filière numérique par rapport à la filière papier en mettant en perspective les différences potentielles en termes d'usages, de circulation, d'archivage et de valorisation. Les dimensions économique, technique et culturelle sont étroitement liées, comme le montre l'analyse des modèles économiques de l'édition qui reposent sur l'existence d'un mode de création, un mode d'extraction et un mode de répartition de la valeur. Cette contribution est dédiée à l'analyse économique de la création de valeur du livre numérique, élément structurant du modèle économique, qui désigne la valorisation des contenus échangés (livres, articles, chapitres etc. englobant la qualité de l'écrit et le format des supports) du point de vue du consommateur ou de la collectivité. En tant qu'élément structurant, l'examen de la création de valeur est le présupposé nécessaire permettant de comprendre comment l'édition numérique peut bousculer l'organisation des échanges.
Comme d'autres inventions par le passé, les technologies numériques transforment la place de l'écrit dans nos sociétés en bouleversant les supports, la reproduction et la circulation des contenus.La mise en ligne, fin 2011, des manuscrits de la mer Morte, ou l'extinction, survenue quelques mois plus tard, de la version papier anglaise de l'Encyclopaedia Britannica au profit de sa publication en ligne, sont des signes de l'évolution de notre rapport au patrimoine. S'il est encore trop tôt ...
Olivia Guillon
Maître de conférences en Économie, Université Paris XIII
1er mars 2014 - Légicom N°51
5165 mots
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(2) Comme nous le précisons infra, les échanges non marchands d'e-books recouvrent également de forts enjeux socio-économiques.
(3) Les métadonnées sont toutes les informations permettant d'identifier une oeuvre : nom de l'auteur, titre, date de parution, éditeur, résumé
(4) Le travail de Baccino concerne surtout lalecture sur ordinateur.
(5) Eme et Rouet (2001) ainsi que Rouet (2013)soulignent qu'un processus de lecture-compréhensioncomplet consiste non seulement à lire,mais aussi à interpréter et utiliser correctement untexte, ce qui requiert des compétences métacognitives.L'efficacité de la lecture dépend égalementde l'expertise du lecteur dans le domaine surlequel porte le texte. Par exemple, les difficultésliées à l'hypertextualité sont accrues pour lelecteur non expert : il doit consentir un effort plusimportant pour se repérer dans le corpus (Baccino,2004).
(6) S'il est vrai que le processus d'édition numériquepermet d'économiser certains coûtsvariables par rapport à l'édition papier (notammentl'impression), les coûts fixes (création,édition) et de logistique (gestion des fichiersélectroniques) ne sont pas nuls voire augmententlorsque des fonctionnalités spécifiques sont ajoutéesà la version numérique d'un texte.
(7) Ainsi les termes de « désintermédiation » et« dématérialisation », parfois appliqués à l'économienumérique, sont-ils trompeurs : la productionet la commercialisation de contenus numérisésnécessitent bien le recours à des intermédiaires età des matériels qui, loin de rendre plus « directe »la relation entre l'auteur et l'usager, occupent aucontraire une place de plus en plus importantedans les échanges ainsi que dans leurs conséquenceséconomiques, sociales, culturelles et,pour ce qui est des matériels informatiques, environnementales.
(8) La diversité comprend plusieurs dimensionsqui peuvent être évaluées par un faisceau d'indicateurs(quantité, variété et disparité des titres,auteurs, styles ).
(9) On parle parfois d'« apomédiaires » pour désignerces intermédiaires qui ne sont pas eux-mêmesprescripteurs, comme pourrait l'être un librairepartageant ses propres goûts avec ses clients, maisqui compilent des données déposées par d'autresusagers commentaires, statistiques de ventes, etc.