L'avènement du livre numérique bénéficie d'un accompagnement fiscal mettant en perspective l'idée selon laquelle le livre numérique n'est pas totalement un livre imprimé sur support papier. Cela étant, le sujet est certainement révélateur d'un paradoxe : alors que rien n'est plus juridique et étatique que du droit fiscal, rien n'est plus « anti-juridique » et « antiétatique » que la numérisation de l'écrit et ses conséquences sur la circulation des contenus, qui se joue des frontières et parfois de l'application concrète des règles. Si les techniques et mécanismes fiscaux ne varient guère quel que soit le domaine concerné, il en va différemment des finalités poursuivies. Dès lors, il convient de distinguer les problématiques de fiscalité générale, où les techniques ou mécanismes utilisés ont pour fonction de financer au moins partiellement les dépenses publiques, et les problématiques de fiscalité incitative ou dissuasive, où les mécanismes sont utilisés dans le but d'encourager ou limiter certaines activités. La fiscalité peut donc être analysée comme simple technique neutre et objective qui se comprend au regard de la définition légale du livre numérique et s'intéresse à l'activité de l'éditeur numérique. La fiscalité est également un instrument au service de décisions politiques qui ont pour ambition de soutenir l'activité culturelle, à ceci près qu'en fonction du secteur concerné, ce soutien est à géométrie variable.
Cela fait cinq cents ans que le livre est le complice de tous les bouleversements socio-politico-économiques qui affectent le monde. Mais, aujourd'hui, il est plus qu'un moyen de révolution ; il est la révolution. Le numérique remplace le papier et le livre n'échappe pas à la rupture technologique (1). Or, du défi technologique au défi juridique, il n'y a qu'un pas.Et, parmi le défi juridique, il se trouve toujours une bonne part de défi fiscal.Le livre est certainement le ...
Boris Barraud
ID2MS (Laboratoire interdisciplinaire de droit des médias et des mutations ...
1er mars 2014 - Légicom N°51
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(2) B. Patino, Le devenir numérique de l'édition.Du livre objet au livre droit, La Documentationfrançaise, 2008.
(3) M. Doueihi, La grande conversion numérique,Le Seuil, 2008.
(4) Cf. B. Barraud, « De l'imprimé au numérique.Le régime juridique des médias écrits à l'épreuvede leur dématérialisation », Rldi, n° 85, sept.2012, p. 105 s.
(5) F. Benhamou, « Le livre numérique, ni tout àfait le même, ni tout à fait un autre », Esprit, mars2009, p. 73 s.
(6) L. Cohen-Tanugi, Le droit sans l'État, Puf, coll.« Quadrige », 2007.
(7) Loi n° 86-987 du 1er août 1986 portant réformedu régime juridique de la presse, art. 1er.
(8) Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prixdu livre.
(9) J.-M. Bruguière, V. Fauchoux, « Le livre numérique.Quel statut juridique ? », Rldi, n° 73,juil. 2011, p. 85.
(10) Et le Syndicat national de l'édition, en janvier2009, de proposer d'aller plus loin en redéfinissantla notion même de livre : « Un livre est unensemble de données textuelles, graphiques ousonores résultant d'un travail éditorial, publiésous un titre à une date déterminée et ayant pourobjet la reproduction d'une oeuvre de l'esprit d'unou plusieurs auteurs. [ ] Cet ensemble destiné àêtre lu peut être présenté sous la forme d'élémentsassemblés ou réunis par tout procédé d'impressionou numérique éventuellement interactif ».Cité par E. Derieux, « Le livre à l'ère numérique.Questions juridiques sans réponse », Rldi, n° 60,mai 2010, p. 94.
(11) Loin° 2011-590 du 26 mai 2011 relative auprix du livre numérique, art. 1er.
(14) Loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriétélittéraire et artistique.
(15) J.-M. Bruguière, V. Fauchoux, « Le livrenumérique. Quel statut juridique ? », précité,p. 85.
(16) Chaque composante doit être soumise aurégime qui lui est applicable en fonction de sanature.
(17) CE, 5 juin 2002, n° 232392, Sté Havas interactive.
(18) Caa Lyon, 10 mai 2000, Éditions La Voixde son livre.
(19) Caa Lyon, 17 janv. 2006, RV Location.
(20) La possibilité de mettre à disposition ses écritsen ligne ouvre de nouvelles perspectives aux écrivains,en particulier celle de l'auto-édition qui étaitdifficilement réalisable au temps du tout papier. Lecadre juridique de l'auto-édition est parfaitementsouple : l'auteur peut exercer cette activité sansarrêter de forme juridique précise, i.e. sans créerde personne morale ; il est alors imposé au titredes bénéfices non commerciaux, sans pouvoirprofiter des règles favorables applicables aux droitsd'auteur qui sont alors assimilés à des salaires.L'auteur peut également créer sa propre société etse reverser des droits d'auteur ; il est alors soumisau régime fiscal plus contraignant du droit dessociétés. Par ailleurs, le régime des auteurs-éditeursfait exception au régime des bénéfices industrielset commerciaux : alors qu'un contribuable quiexerce une activité d'édition et une activité imposabledans une autre catégorie d'imposition, est parprincipe imposé selon le régime propre à chaquecatégorie, il en va différemment lorsque l'activitéd'édition est exercée dans le prolongement d'uneactivité de production littéraire. Dans cette hypothèse,l'ensemble des activités relève des bénéficesnon commerciaux. Ce régime des auteurs-éditeursest applicable lorsque l'auteur édite personnellementses oeuvres ou lorsque ce sont ses héritiers quien assurent la publication.
(21) M. Dacos, P. Mounier, L'édition électronique,La Découverte, 2010.
(22) En application de l'article 1609 quaterdecies,le fait générateur et l'exigibilité de cette redevancesont déterminés dans les mêmes conditionsqu'en matière de Tva ; et elle est perçue au tauxde 0,20 % sur la même assiette et dans les mêmesconditions que la Tva. En outre, a été précisé quele moyen tiré de ce que les auteurs n'ont pasvocation à bénéficier des aides du Centre nationaldu livre est inopérant (CE, 10 mars 1986, StéChapelle). Enfin, suivant l'article 1609 duodecies,les éditeurs sont exonérés de la redevancelorsque leur chiffre d'affaires de l'année précédentepour cette branche d'activité n'excède pas,tous droits et taxes compris, 76 300 euros.
(23) Y. Gaillard, La politique du livre face au défidu numérique, rapport pour le Sénat au nom de laCommission des finances, 2010.
(24) Cf. B. Barraud, « Le régime fiscal des médias.Étude critique d'une foire aux niches », Rldi,n° 83, juin 2012, p. 87 s.
(25) E. Derieux, « Les aides publiques aux médias. Objectifs, effets et réalités », Rldi, n° 61, juin 2010, p. 72.
(26) Déc. n° 82-141 DC du 27 juil. 1982 ; déc.n° 86-217 DC du 18 sept. 1986 ; déc. n° 89-271DC du 11 janv. 1990.
(27) On pense évidemment en premier lieu à la loin° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix dulivre.
(28) S. Barry, Ch. Formagne, Ph. Martel, Lesenjeux de l'application du taux réduit de Tva aulivre numérique, rapport au ministère de l'Économie,des Finances et de l'Industrie et au ministèredu Budget, des Comptes publics et de la Réformede l'État, 2011.
(29) Rescrit n° 2009/48 (Tca) du 15 sept. 2009.
(30) Dir. n° 2009/47/CE du 5 mai 2009 qui étendle bénéfice du taux réduit à la fourniture de livressur tous types de supports.
(31) Rescrit n° 2009/63 (Tca) du 17 nov. 2009.
(32) Syndicat national du livre, « Le livre numérique: idées reçues et propositions », 17 mars2009.
(33) Dans cette pétition, est expliquée, en particulier,que la clé du développement de ce marché del'immatériel est le prix de vente. Celui-ci doit êtreattractif et permettre au lecteur de profiter deséconomies réalisées à travers le passage ausupport numérique. Et le syndicat d'invoquer« l'intérêt général qui préconise de favoriser lacirculation et l'accès aux oeuvres de l'esprit ».Syndicat national de l'édition, « Pétition en faveurd'une Tva à taux réduit sur le livre numérique »,nov. 2009.
(34) Réponse de l'administration fiscale du 17 nov.
(2010) Citée par E. Derieux, « Le livre à l'èrenumérique. Questions juridiques sans réponse »,précité, p. 96.
(35) Loi n° 2010-1657 du 29 déc. 2010 de financespour 2011, art. 25.
(36) Dir. n° 2006/112/CE du 28 nov. 2006, dite« Tva », art. 56 et art. 98.2.
(37) Un règlement communautaire du 17 oct. 2005précisait même que les contenus numérisés delivres, les publications électroniques, les journauxou périodiques en ligne, ainsi que la consultationou le téléchargement de musique ou de films surordinateurs ou téléphones mobiles étaient exclusde l'applicabilité du taux réduit.